Les sanctions dissuasives – la lutte contre le spamming

§2- Les sanctions dissuasives
Des sanctions dissuasives existent en cas de violation des codes ou chartes de conduite : ce sont des sanctions générales applicables à toutes violations des usages (A) et des sanctions spécifiques aux violations de clauses contractuelles insérées dans les conventions de fournisseurs d ‘accès Internet (B).
A)- Les sanctions générales
Certaines sanctions s’appliquent indifféremment à toutes violations de la « soft law ». Ces violations sont ainsi sanctionnées par l’envoi d’une mise en demeure de se conformer aux usages et par la dénonciation300 du « spammeur » auprès d’organismes de lutte contre le « spamming ». Naturellement, en cas d’efficacité de la mise en demeure, la dénonciation ne sera pas toujours opérée.
D’abord, la violation de codes ou chartes de conduite d’un site, service Web ou d’une profession peut être sanctionnée par une mise en demeure ou un avertissement de l’Internaute contrevenant. C’est une sanction dissuasive classique fréquemment utilisée. Il s’agit d’envoyer une lettre ou un e-mail à l’Internaute, l’avertissant qu’il ne respecte pas le code ou la charte et qu’il doit en conséquence s’y conformer sous peine de sanction.
Ensuite, en complément de cette sanction, qui il faut bien l’avouer n’a plus un très grand effet, les Internautes peuvent dénoncer les « spammeurs » auprès d’organismes de lutte contre le « spamming ». Une telle dénonciation se fera soit auprès d’organisations créées ad hoc, soit auprès d’organismes étatiques.
Des organismes sont créés ad hoc, sans intervention du législateur national. Ces organismes301 ont pour but notamment la prévention du « spamming » par l’information et la réflexion sur une politique législative cohérente. C’est par exemple le cas de CAUCE302, Coalition Against Unsollicited Commercial Email, créée en 1997 par des Internautes pour lutter contre le « spam » par l’information et la prise d’une législation adaptée. Une page de leur site303 dénonce d’ailleurs les « spammeurs » ayant utilisé frauduleusement leur nom. De même, certains Internautes ont créé seuls un site de lutte contre le « spamming ». Il convient notamment de citer le site d’Yves ROUMAZEILLES, Spamanti.net, qui donne une information sur le « spam », les moyens techniques de lutter contre et met en ligne des listes blanches, des listes noires de « spammeurs », de revendeurs d’adresses et de fournisseurs d’accès, et des adresses où déposer une plainte en cas de « spamming ». D’ailleurs, un serveur a été mis en place pour diriger les plaintes vers le bon correspondant, c’est le serveur Abuse.net.
D’autres organismes étatiques sont aptes à recevoir les plaintes et dénonciations des Internautes gênés par le « spamming ». Il s’agit en France de la CNIL qui informe sur la pratique du « spamming », aide à porter plainte ou dénoncer les « spammeurs » et fait des recommandations et délibérations dans lesquelles elle dénonce certaines sociétés en infraction304, ou de la FTC aux États-Unis.
L’envoi d’une mise en demeure de se conformer aux usages et la dénonciation des pratiques de « spamming » sont des sanctions générales. Elles sont complétées par d’autres sanctions spécifiques en cas de violation d’une clause contractuelle insérée dans une convention de fournisseur d’accès (B).
B)- Les sanctions spécifiques
D’autres sanctions sont spécifiques aux violations de clauses contractuelles insérées dans une convention de fournisseur d’accès. Ces sanctions spécifiques sont d’ailleurs laissées à la libre appréciation des fournisseurs d’accès Internet305.
Pour une première infraction, ils auront recours classiquement à une mise en demeure. En cas de récidive, diverses sanctions sont envisageables : suspendre ou clôturer le compte de l’abonné ou fermer son accès réseau, bloquer les messages non sollicités envoyés de manière répétée ou les effacer sans sommation, et mettre à la charge de l’abonné tous les frais occasionnés par l’envoi de messages non sollicités.
D’abord, le compte de l’abonné et son accès réseau peuvent être suspendus ou clôturés. Par exemple, la Cour suprême de l’Ontario306 le 14 juin 1999 a jugé légal le fait pour le fournisseur d’accès, Nexx Online Inc., de désactiver le site d’Ontario Inv. au motif que l’envoi de deux cent mille courriers électroniques par jour était contraire aux principes émergeants de Netiquette.
De même, une loi californienne307 permet aux fournisseurs d’accès Internet d’interdire l’envoi de courriers électroniques.
Ensuite, tous les frais occasionnés308 par l’envoi des messages non sollicités peuvent être mis à la charge du « spammeur ».
Il s’agit en premier lieu des frais occasionnés par la gestion d’un volume important de courriers non sollicités par le fournisseur d’accès.
En second lieu, ce sont les dédommagements accordés par le juge pour sanctionner le dol du « spammeur ». Ce dol pourra constituer dans l’utilisation abusive du nom du fournisseur d’accès dans ses courriers non sollicités. Ainsi, un abonné ne se méfie point lorsqu’il reçoit un courrier électronique émanant de son fournisseur d’accès. Il va en conséquence prendre connaissance du contenu du courrier. Or, se faisant, il va s’apercevoir que c’est un courrier non sollicité. Il aura de ce fait une mauvaise image de son fournisseur d’accès qu’il assimilera bien souvent à un « spammeur ». Une tromperie, un dol aura alors été réalisé par le « spammeur ». Le dédommagement aura pour fonction de réparer le préjudice subi du fait de l’usurpation d’identité : atteinte à l’image du fournisseur d’accès et violation du droit au nom. Plus grave encore, lorsque le nom du fournisseur d’accès est déposé comme marque notamment, il pourra y avoir contrefaçon de la marque par le « spammeur »309.
En dernier lieu, c’est le paiement du montant de l’éventuelle clause pénale. C’est un forfait de dédommagement accordé conventionnellement. Ainsi, pour reprendre un exemple classique310, le fournisseur d’accès va réclamer cinq cents dollars par jour d’envoi de « spams » à un de ses membres, et cent cinquante dollars par abonné victime pour un « spammeur » non membre.
À ces frais, s’ajoute encore bien souvent une injonction permanente du juge faite au « spammeur » de ne plus envoyer de courriers électroniques aux clients du fournisseur d’accès concerné.
Enfin, les messages non sollicités envoyés de manière répétée peuvent être bloqués ou effacés sans sommation par le serveur du fournisseur d’accès.
Une telle sanction pose toutefois problème notamment aux États-Unis eu égard au droit du fournisseur d’accès de bloquer l’accès à son serveur à tout message provenant d’un nom de domaine particulier pratiquant le « spamming » en violation de la politique du fournisseur d’accès311.
La jurisprudence reste pour le moment divisée.
D’une part, dans une décision du 26 novembre 1996, la Cour de district de Pennsylvanie 312 a jugé que le fournisseur d’accès AOL ne peut pas bloquer le nom de domaine de Cyber Promotions mais peut fournir à ses abonnés un logiciel de filtrage des messages émanant du fournisseur d’accès de Cyber Promotions. D’autre part, dans une décision du 3 février 1997, la Cour de district de l’Ohio313 a jugé que le fournisseur d’accès, CompuServe pouvait bloquer le nom de domaine de Cyber Promotions, à la condition que celui- ci ne respecte pas les conventions de CompuServe.
Au contraire, en Russie314, sur la base de l’article 10 de la loi fédérale de 2000315, les fournisseurs d’accès ont le droit de bloquer l’envoi de courriers électroniques que le destinataire n’a pas sollicité.
La responsabili
sation des Internautes passe ainsi par la mise en place et le respect de chartes ou codes de conduite. Toutefois, ces chartes ou codes ne sont pas toujours adaptés : nombreux « spammeurs » disposent en effet de leur propre fournisseur d’accès316. Il est donc nécessaire de compléter l’utilisation d’usages par la prise d’une législation adaptée permettant de sanctionner tous les « spammeurs ». Mais la prise d’une réglementation adaptée est peu aisée. En effet, l’option offerte aux législateurs nationaux entre les deux systèmes de protection complique leur choix, et le nécessaire respect des libertés fondamentales ajoute une difficulté. C’est à cette dernière difficulté qu’il convient maintenant de s’intéresser en étudiant les polémiques suscitées par le « spamming » et le respect des droits fondamentaux (Chapitre II).
Lire le mémoire complet ==> (Publicité indésirable et nouvelles technologies : Étude du spamming en droit comparé)
Mémoire Pour l’Obtention du D.E.A. de Propriété Intellectuelle CEIPI
Université ROBERT SCHUMAN STRASBOURG III
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301 Il convient de citer quelques organismes : CASPAM, le collectif anti-spam, http://www.caspam.org ; http://spamcop.net, site qui se charge après transmission des « spams » d’en chercher les auteurs ; l’Association française des Fournisseurs d’Accès et Services Internet, http://abuse.afa-france.com ; http://www.spamlaws.com, site qui met en ligne les diverses législations et jurisprudences afférentes aux « spams » dans le monde.
302 http://www.cauce.org
303 « Spams Mentioning CAUCE », http://www.cauce.org/incidents/index.shtml
304 Ce sont les cinq délibérations du 24 octobre 2002, consultable sur le rapport public, « Opération boîte à spam », http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/dossier/boite_a_spam.pdf .
305 « Communications commerciales, Questions particulières », Les Cahiers du CRID numéro 19, page 131s, spécialement page 144
306 Cour suprême d’Ontario, le 14 juin 1999, affaire 1267623, Ontario Inc. v Nexx Online
307 An Act to amend Section 17511.1 of, and to add Section 17538.45 to, the Business and Professions Code and to amend Section 502 of the Penal Code, relating to advertising, chapter 863, Statutes of 1998 (54th Legislature)
308 « Communications commerciales, Questions particulières », Les Cahiers du CRID numéro 19, page 131s, spécialement pages 144 et 152
309 Id., spécialement page 152
310 Ibid.
311 Ibid., spécialement page 151s
312 Cour de district de Pennsylvanie, le 26 novembre 1996, America Online Inc.v Cyber Promotions Inc., C.A. Numéros 96-2486, 96-5213, http://legal.web.aol.com/decisions/dljunk/cyber.html
313 Cour de district d’Ohio, le 3 février 1997, CompuServe v. Cyber Promotions Inc., Case No. C2-96-1070, http://www.spamlaws.com/cases/compuserve.html
314 Victor NAUMOV, « Legal aspects of spam in Russia », http://www.russianlaw.net/english/ae06.htm
315 Loi fédérale ‘On regulation of Russian Segment in the Internet’ du 16 mars 2000, consultable sur http://www.libertarium.ru/libertarium/17224
316 « Communications commerciales, Questions particulières », Les Cahiers du CRID numéro 19, page 131s, spécialement page 144

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