L’élargissement de la notion de spamming aux médias téléphoniques

§2 – Le nécessaire élargissement de la notion de « spamming » aux médias téléphoniques : les exemples européen et japonais

En Europe et au Japon, les législateurs ont élargi la notion de « spamming » aux médias téléphoniques. Ils ont en effet tenu compte de la convergence des notions de messages téléphoniques et de courriers électroniques (A) et ont en conséquence mis en place une appellation et une loi communes à ces messages (B).

A)- La convergence des notions

Les législations européennes et japonaises ont tenu compte de la convergence des notions de messages téléphoniques et de courriers électroniques.
Pour s ‘en convaincre, il suffit d’étudier la jurisprudence allemande puis l’impact de l’évolution technologique sur les médias téléphoniques et électroniques.
D’une part, la jurisprudence allemande montre bien la convergence des notions de messages téléphoniques et de courriers électroniques.
Les juridictions allemandes ont ainsi appliqué la jurisprudence sur les messages téléphoniques non sollicités aux courriers électroniques et vice-versa.
Les juridictions allemandes ont en effet étendu dès 1997 la jurisprudence qu’elles avaient dégagée pour les prospections non sollicitées par téléfax et téléphone aux courriers électroniques65.
En 1970, la Cour fédérale allemande estima contraire à la loi sur la concurrence déloyale66 et à l’article 823 du Code civil allemand67 sur le respect de la vie privée la prospection téléphonique non sollicitée.
Cette jurisprudence a été étendue dès 199568 à la prospection non sollicitée par téléfax.
Puis, les juridictions non fédérales ont étendu à partir de 199769 cette jurisprudence à la prospection commerciale non sollicitée par e-mail. En effet, il a été jugé que l’envoi d’un courrier électronique non sollicité à une adresse électronique privée est contraire aux règles de la concurrence et notamment à l’article 1 du Code de la concurrence.
Enfin, en janvier 2003, le Landesgericht de Berlin étend la jurisprudence sur le « spamming » par courriers électroniques aux SMS70. En l’espèce, un particulier s’est abonné à un service gratuit d’envoi de SMS proposé par un opérateur téléphonique sur Internet. Suite à la souscription de cet abonnement, le plaignant reçoit trois messages publicitaires non sollicités. Le tribunal condamne les défendeurs sur le fondement de la vie privée et de la contrariété aux règles de concurrence à deux mille cinq cents euros de dommages et intérêts par SMS envoyé.
Les jurisprudences ci-nommées semblent en conséquence interchangeables et montrent la volonté des juridictions allemandes d’appliquer les mêmes règles à des notions convergentes.
D’autre part, la convergence des notions de messages téléphoniques et de courriers électroniques est perceptible, lorsqu’on s’intéresse à l’évolution technologique. L’évolution technologique a en effet permis l’interconnexion des médias.
Ainsi, le courrier électronique se développe de nos jours sur les téléphones portables. Par exemple, au Japon le plus grand fournisseur de téléphone cellulaire DoCoMo a développé les e-mails sur les téléphones portables71. Il convient alors de noter que l’évolution technologique renforce le lien entre les messages téléphoniques et les courriers électroniques, dans la mesure où un courrier électronique peut être envoyé à partir d’un téléphone et reçu par ce dernier. De même, un message téléphonique, notamment un téléfax ou un SMS, peut être envoyé par le biais d’un ordinateur et reçu par un ordinateur au format d’un e-mail.
La convergence des notions de courriers électroniques et de messages téléphoniques est de plus en plus une réalité, que les législateurs ne pouvaient ignorer dans la mise en oeuvre d’une réglementation contre le « spamming ». De ce fait, ont été instaurées dans certains pays une législation et une appellation communes pour l’envoi non sollicité de messages téléphoniques et de courriers électroniques (B).

65 Johann WATEL, « Le problème du spamming ou comment guérir le cancer de l’Internet », spec. Abs. 48s, www.jurpc.de/aufsatz/20010163.htm#fn39
66 Loi sur les pratiques de concurrence déloyale du 7 juin 1909 Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb vom 7.Juni 1909 en langue allemande transpatent.com/gesetze/uwg.html
67 Article 823 du BGB (Bürgerliches Gestzbuch): « (1) Wer vorsätzlich oder fahrlässig das Leben, den Körper, die Gesundheit, die Freiheit, das Eigentum oder ein sonstiges Recht eines anderen widerrechtlich verletzt, ist dem anderen zum Ersatz des daraus entstehenden Schadens verpflichtet; (2) Die gleiche Verpflichtung trifft denjenigen, welcher gegen ein den Schutz eines anderen bezweckendes Gesetz verstößt. Ist nach dem Inhalt des Gesetzes ein Verstoß gegen dieses auch ohne Verschulden möglich, so tritt die Ersatzpflicht nur im Falle des Verschuldens ein. » dejure.org/gesetze/BGB/823.html
68 Bündesgerichtshof BGH, le 25 octobre 1995 (I ZR 255/93;NJW 1996, 660; WRP 1996, 100)
69 Landgericht LG Traunstein, le 18 décembre 1997:« die unverlangte Versendung von Werbung an private e-mail-Anschlüsse ist wettbewerbswidrig. », www.jurpc.de/rechtspr/19980013.htm
70 Landgericht LG Berlin, le 14 janvier 2003 : « es sind insoweit die Grundsätze zur E-Mail-Werbung anzuwenden. », www.jurpc.de/rechtspr/20030078.htm Voir un commentaire en français : www.droit-ntic.com/news/afficher.php?id=144
71 Evan CRAMER, « The future of wireless spam », www.law.duke.edu/journals/dltr/articles/2002dltr0021.html

B)- L’unité d’appellation et l’unicité de la loi

Les législateurs européens ont pris conscience de la convergence des notions de messages téléphoniques et de courriers électroniques.
Ils ont en conséquence mis en place une appellation commune, et ont adopté une réglementation commune à ces notions.
D’abord, le législateur communautaire a choisi de donner une définition des courriers électroniques incluant les messages téléphoniques.
Selon la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques72, un courrier électronique est défini à l’article 2-h comme « tout message sous forme de texte, de voix, de son ou d’image envoyé par un réseau public de communications qui peut être stocké dans le réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire jusqu’à ce que ce dernier le récupère ».
Cette définition permet alors d’inclure les messages envoyés par téléfax et les MMS et SMS dans la notion de courrier électronique.
Toutefois, il faut noter que l’Europe communautaire, si elle est la seule à s’être dotée d’une appellation unique, n’est pas la seule à prendre en compte les messages téléphoniques au titre du « spamming ».
La Russie inclut ainsi les messages téléphoniques comme médias du « spamming ». C’est l’article 1.1 de la Netiquette73 qui précise qu’un « spam » peut être envoyé par un e-mail, mais encore par un autre moyen d’échange personnel de l’information, tel que les SMS.
Le Japon réglemente également les messages téléphoniques au titre des médias du « spamming ». Ce sont les lois de 2002 précitées. Ces lois ont d’ailleurs été prises sous la pression des utilisateurs de téléphones cellulaires et de DoCoMo74.
Ensuite, l’existence d’une réglementation commune aux messages électroniques et téléphoniques découle de leur appellation identique.
C’est la directive européenne précitée qui met en place le système de l’« opt-in ». Le message envoyé est regardé en principe comme non sollicité, selon ce système, sauf lorsque le destinataire du dit message a donné préalablement son consentement à le recevoir75.
Au Japon, l ‘assimilation des messages téléphoniques non sollicités aux messages électroniques non sollicités a eu pour conséquence la prise d’une double réglementation sur le « spamming »76. D’abord, la loi numéro 26 de 2002, the Law for Appropriate Transmission of Specified Emails, permet d’empêcher l’envoi de messages publicitaires non sollicités aux utilisateurs de téléphones cellulaires, dans la mesure où cette loi oblige les expéditeurs de messages non sollicités à indiquer leur nom et notamment la nature du message envoyé. L’envoi d’un message en dépit du refus du consommateur est sanctionné par une amende de cinq cent mille yens, soit environ quatre mille cent quatre-vingts dollars. Ensuite, l’amendement mettant à jour la loi de 1976 relative aux ventes par correspondance prévoit l’ « opt- out »77. La violation du refus d’un consommateur de recevoir un message non sollicité est punie de deux ans d’emprisonnement maximum et d’une amende pouvant aller jusqu’à trois millions de yens, soit vingt- quatre mille dollars.
Les messages téléphoniques et électroniques non sollicités sont donc réglementés de la même manière en Europe, en Russie et au Japon notamment.

Les messages téléphoniques ont en conclusion leur place dans la définition du « spamming ». Un tel fait semble évident, que l’on traite de la même manière78 ou de manière distincte79 les messages téléphoniques et les courriers électroniques.
72 Directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques : Journal Officiel des Communautés Européennes du 31 juillet 2002, europa.eu.int/eur-lex/pri/fr/oj/dat/2002/l_201/l_20120020731fr00370047.pdf, page 37s.
73 Clause 1.1 Standards of the use of the network: « Bulk mailing of messages via e-mail and other means of personal information interchange (including such urgent services as SMS, IRC etc.), other than in accordance with obviously and unambiguously expressed initiative of addressees. » www.russianlaw.net/english/ae06.htm
74 Evan CRAMER, art. précit.
75 L’ « opt-in » est « l’interdiction de principe d’envoyer des communications commerciales non sollicitées, à moins que le destinataire n’ait préalablement marqué son consentement », « Communications commerciales, Questions particulières », Les Cahiers du CRID numéro 19, page 131s, spécialement page 141, numéro 261
76 Evan CRAMER, art. cit
77 L’ « opt-out » est « une autorisation de principe d’envoyer des communications commerciales non sollicitées, à moins que le destinataire ne s’y oppose expressément. » ( « Communications commerciales, Questions particulières », Les Cahiers du CRID numéro 19, page 131s, spécialement page 141, numéro 260 )
78 C’est le cas en France, au Japon et en Allemagne notamment.
79 C’est le cas aux Etats-Unis, même si en pratique nous constatons un rapprochement de ces notions.

La téléphonie au sens large doit désormais figurer dans les médias du « spamming » au même titre que les e-mails, les moteurs de recherche et les forums de discussion80. L’utilisation de pop up81 doit cependant être exclue de la définition européenne du « courrier électronique » selon la Commission européenne82, dans la mesure où il semble pouvoir être maîtrisé plus aisément83 que l’envoi non sollicité de courriers électroniques. En effet, une procédure sous Windows permet de désactiver les pop up Windows84 et il existe des logiciels permettant de bloquer l’ouverture de telles fenêtres85.

80 L’utilisation de l’e-mail, des moteurs de recherche et des forums de discussion pour envoyer des messages non sollicités n’a jamais posé problème. Toutefois, le « spamming » via les moteurs de recherche a été quasiment (pour ne pas dire totalement) éradiqué par des solutions mises en place par les moteurs de recherche eux-même. Voir l’article de Murielle CAHEN, « Le spamming », www.murielle-cahen.com/p_spamming.asp
81 C’est une « fenêtre de votre navigateur Internet s’ouvrant automatiquement lors la visite d’un site Internet ou lorsque vous le quittez » www.dicofr.com/cgi-bin/n.pl/dicofr/definition/20030907193323
A noter, il existe deux types de pop up : les pop up simples définis ci-avant et les pop up Windows spécifiques à ce système d’exploitation.
82 Droit et nouvelles technologies, le 11 août 2003, «Should pop-up Windows be considered as electronic mails ? The EU Commission says no. », www.droit-technologie.org/1_2.asp?actu_id=806
83 Indications de la Federal Trade Commission pour désactiver tous types de pop-up : www.ftc.gov/bcp/conline/pubs/alerts/popalrt.htm
84 Description d’une procédure permettant de désactiver les pop-up sous Windows: www.journaldunet.com/0307/030721spamup.shtml
85 Certains moteurs de recherche tel Google mettent ainsi à la disposition des Internautes de tels logiciels.

Les médias du « spamming » sont alors de deux types : électroniques et téléphoniques. L’origine matérielle du message litigieux est en conséquence double. La détermination de l’origine matérielle de ce message est toutefois insuffisante pour définir l’origine du message litigieux. En effet, il faut encore s’intéresser à l’auteur du message (le « spammeur » ), c’est-à-dire à l’origine humaine du message litigieux (Section II).
Lire le mémoire complet ==>(Publicité indésirable et nouvelles technologies : Étude du spamming en droit comparé)
Mémoire Pour l’Obtention du D.E.A. de Propriété Intellectuelle CEIPI
Université ROBERT SCHUMAN STRASBOURG III

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