La répression de la contrefaçon de médicaments par la législation

Les autres solutions envisageables – Chapitre 2 :
98- Une fois la prévention des pratiques illicites mise en place, il restera à pouvoir appréhender ces dernières grâce à un arsenal législatif infaillible. La résolution des risques engendrés par les transactions commerciales transfrontières est essentiellement envisagée par les autorités sanitaires du point de vue de la protection des consommateurs de santé sur l’internet. Elles invitent les législateurs nationaux à revoir leur encadrement juridique de la vente de médicaments afin de l’adapter à l’internet. Les solutions préconisées par les autorités sanitaires tiennent essentiellement à la répression de la contrefaçon de médicaments par la législation (Section 1). Or, il reste à établir les solutions qui peuvent être proposées afin d’assurer le respect de la législation sanitaire française sur l’internet en cas de transaction transfrontière. Ainsi, il est intéressant de mettre le respect de la législation sanitaire française à l’épreuve de l’internationalité (Section 2).
Section 1. La répression de la contrefaçon de médicaments par la législation
99- Dès 1997, l’OMS s’est penchée sur les difficultés et les enjeux de la vente en ligne de médicaments. Elle a publié un guide238 dans lequel elle reconnaît les avantages de la fourniture de produits médicaux en ligne, s’il existait une règlementation appropriée. Un an plus tard, elle conclut à la nécessité d’une autorégulation par les Etats, combinée à un autocontrôle des professionnels de la santé et des usagers, partant du constat qu’une harmonisation au niveau mondial est improbable239. Lors de son assemblée mondiale à Genève en 1999 elle s’est déclarée « particulièrement inquiète de ce que la publicité, la promotion et les ventes par internet risquent de déboucher sur un commerce transfrontière incontrôlé de produits médicaux susceptibles de ne pas être évalués ni approuvés, d’être dangereux ou inefficaces ou encore d’être mal utilisés ». Entre autres, elle invite les Etats membres à revoir leur encadrement juridique, afin de vérifier s’il est adapté « aux questions relatives à la publicité, à la promotion et à la vente transfrontières de produits médicaux par internet, et à élaborer, évaluer et mettre en œuvre des stratégies pour suivre et surveiller la situation et faire appliquer la règlementation ».
Une fois le problème ciblé, l’OMS est revenue de nombreuses fois sur la problématique de l’e-commerce des produits de santé. Si elle n’apporte aucune solution « miracle », elle a néanmoins identifié les principales difficultés et atteintes à la santé publique et a préconisé de nombreuses recommandations, notamment en matière de règlementation et de répression. Elle s’inquiète plus particulièrement de la contrefaçon de médicaments via l’internet : 50% des médicaments vendus sur des sites douteux sont des contrefaçons240. Avec l’aide et le soutien de ses partenaires, elle a officiellement lancé le 15 novembre 2006 le premier groupe spécial international anti-contrefaçon de produits médicaux (« IMPACT ») et révélé le plan mondial de la lutte contre la contrefaçon de médicaments. Lors de la première réunion à Bonn d’IMPACT, l’OMS a attiré l’attention des gouvernements sur le fait que les lois existantes sur la contrefaçon de médicaments sont inappropriées et n’ont aucun effet dissuasif. C’est par la législation, la règlementation et la répression qu’il faut traiter la vente de médicaments contrefaits sur l’internet, alors qu’elle bat déjà son plein dans les pays industrialisés et tend à se développer dans certaines économies émergentes en Asie ou en Amérique latine. Si certaines pharmacies ont une existence parfaitement légale et exigent des ordonnances puis font livrer les médicaments par des unités de production autorisées dans leurs pays, d’autres opèrent via l’internet dans l’illégalité, en vendant des médicaments sans ordonnance et en utilisant des produits non autorisés ou contrefaits. Ces pharmacies hors la loi sont gérées de manière internationale, de sorte que l’on n’a accès à aucune adresse professionnelle enregistrée et que les produits sont d’origine inconnue ou douteuse.
Dans la plupart des systèmes juridiques, la contrefaçon de médicaments est traitée comme celle d’un accessoire d’usage courant et l’OMS soulève, à juste titre, l’incohérence de ces régimes, lorsque l’on constate que l’on est plus à même de protéger les marques de luxe que la santé des populations, que la contrefaçon de sacs à mains est parfois punie plus sévèrement que celle de médicaments. Mais les répercussions ne sont pas les mêmes, si l’on prend en considération le fait qu’un médicament contrefait peut aller jusqu’à provoquer la mort de celui qui l’utilise, sans parler de la potentielle alimentation d’économies sous- terraines, alors que celle d’un tee-shirt ne peut que dénigrer une marque, voire perturber quelque peu son chiffre d’affaires. Chaque infraction protège une valeur humaine et lui est relative, il ne faut pas assimiler ces pratiques. C’est la raison pour laquelle l’OMS et ses partenaires d’IMPACT, en établissant des principes directeurs pour une législation modèle, souhaitent que les pays adaptent leurs lois à la gravité de ce crime car « l’un des principaux objectifs est de faire admettre aux pays que la contrefaçon constitue un crime contre la sécurité humaine et de leur faire introduire dans leurs lois »241.
Néanmoins, une modification de la législation ne résout pas toutes les difficultés, puisque son respect devra par ailleurs être facilité par l’utilisation des nouvelles technologies. L’OMS met les fournisseurs en cause et leur demande de proposer de nouvelles technologies ou d’adapter celles qui existent afin de prévenir la contrefaçon et de détecter, localiser les contrefaçons sur le marché et les sites internet. Trois entreprises de téléphonie mobile ont relevé le challenge et proposé d’appliquer leur technologie à l’authentification des produits médicaux proposés et l’OMS examine actuellement des technologies basées sur l’ADN, la nanotechnologie242 par exemple.
En ce qui concerne le contrôle des pratiques sur l’internet, l’OMS a créé un Observatoire mondial de la cyber-santé, réseau décentralisé de partenaires nationaux coordonnés par l’organisation mondiale. Cet organe analyse systématiquement le recours à la cyber-santé dans les Etats membres, afin d’orienter la politique et la pratique par l’analyse des indicateurs de santé dans les pays. L’organe ressort les meilleures pratiques concernant l’intégration de la cyber-santé dans les systèmes de santé nationaux et prépare la formulation de normes. Il prépare en outre des cadres, principes directeurs et des outils à l’appui de la formulation et de la mise en œuvre d’une politique et d’un stratégie de cyber- santé. Enfin, il synthétise les informations sur les normes techniques afin qu’elles puissent servir à améliorer l’interopérabilité, la sécurité et l’efficacité des systèmes de cyber-santé243.
100- L’Assemblée européenne rejoint les observations de l’OMS sur la contrefaçon de médicaments et recommande de prévoir un instrument juridique international, sous la forme d’une convention, visant à introduire une nouvelle législation assortie d’un nouvelle infraction, le « crime pharmaceutique ». Elle considère que la lutte contre la contrefaçon passe par la mise en place de sanctions spécifiques punissant la contrefaçon et l’altération de la qualité des médicaments. Ensuite, elle préconise l‘information du public, la coopération internationale et intersectorielle, la surveillance et la traçabilité des médicaments, l’identification des professionnels de santé exerçant via
l’internet. Elle rappelle également l’importance d’une harmonisation des législations, et invite les Etats à ratifier les Conventions européennes élaborées dans cette optique244.
Au sein du Conseil de l’Europe, le Comité d’experts des questions pharmaceutiques, organe relevant du Comité de santé publique, s’intéresse de près à la règlementation des ventes sur l’internet et à la classification légale des médicaments en fonction de leur mode de délivrance. Il a mis en place un système d’alerte rapide qui peut être utilisé afin de transmettre des alertes sur les médicaments contrefaits. Conçu à l’origine pour prévenir de la circulation de médicaments autorisés défectueux, l’expérience a démontré que son utilisation n’était pas pleinement satisfaisante. Le groupe ad hoc sur les médicaments contrefaits du Comité d’experts a dès lors élaboré un nouveau formulaire en 2004, qui a été révisé en mai 2005 au niveau de la Communauté européenne. Cet outil permet de transmettre les informations relatives aux médicaments de contrefaçon et de les partager.
101- Sur le plan national, l’Afssaps a créé un « pôle contrefaçon » au sein de ses laboratoires de contrôle et travaille sur des moyens techniques permettant d’enrayer la pratique, comme la mise en place d’un « signature » des produits autorisés permettant de détecter les contrefaçons mises sur le marché. Une meilleure traçabilité des produits devrait être mise en place, basée sur un code pharmaceutique de 7 à 13 chiffres. Elle rappelle toutefois que ce système, comme tout outil de lutte contre les fraudes risque, à terme, de pouvoir être contourné.
Il reste des dispositions législatives françaises qui semblent particulièrement difficiles à respecter lorsque l’on franchit les frontières via l’internet. Il est important de confronter les principales exigences sanitaires avec l’internationalité du support interactif.
Lire le mémoire complet ==> (La vente de médicaments sur l’internet)
Mémoire pour le master droit des contrats et de la responsabilité des professionnels
Université de Toulouse I Sciences sociales
Sommaire :

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238 Résolution du 12 mai 1997 de l’OMS.
239 Résolution de l’OMS WHA51.9 sur les produits médicaux et internet.
240 Selon les dernières estimations établies conjointement par l’OMS, l’OCDE et le Pharmaceutical Institute, dans les pays riches, où il existe des mécanismes de contrôle réglementaire puissants, les contrefaçons représentent moins de 1% de la valeur de marché, mais 50% des ventes illégales sur l’internet concernent des médicaments contrefaits. « Les répercussions sur la vie des personnes que dissimulent ces chiffres sont désastreuses », a déclaré le Dr Howard Zucker, sous directeur général de l’OMS pour la technologie de la santé et les produits pharmaceutiques. « Qu’ils soient riches ou pauvres, de nombreux malades prennent en toute confiance des médicaments qui risquent d’aggraver leur mal ou de les tuer. En outre, les ressources précieuses consacrées à l’achat de tels médicaments sont dépensées en pure perte ».
241 Docteur Howard Zucker, précité.
242 Nanotechnologie : Du grec « nanos », « tout petit » : Ensemble des théories, techniques et mécanismes qui visent à manipuler ou fabriquer des objets de taille comparable à celle des composants élémentaires de la matière, les atomes et les molécules.
243 Voir le rapport du secrétariat de l’OMS, Cybersanté : outils et services proposés, EB117/ 15, 1er décembre 2005.
244 Voir la Convention relative à l’élaboration d’une pharmacopée européenne, décision 94/ 358/ CE du Conseil du 16 juin 1996, JO L 158 du 25 juin 1994 ; ainsi que la Convention sur la cybercriminalité adoptée à Budapest le 23 novembre 2001.

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