Impact du collectif de travail sur la productivité des exploitations agricoles

Impact du collectif de travail sur la productivité des exploitations agricoles

II- Cadre d’analyse de l’impact du collectif de travail sur la productivité des exploitations

Un moyen de quantifier la relation entre la productivité globale des exploitations agricoles et la composition de leur main-d’œuvre consiste à estimer une fonction de production mettant en jeu la structure du collectif de travail, c’est-à-dire le poids relatif des différents types de travailleurs.

Notre cadre d’analyse s’inscrit dans la suite des travaux de P. Bardhan [1973], A. Deolalikar et W. Vijverberg [1983 ; 1987] et G. Frisvold [1994]. Il s’appuie aussi sur les développements de J. Mairesse et M. Sassenou [1989] et P.

Sevestre [1990] dans leurs études sur le lien entre la structure de la qualification de la main-d’œuvre et la productivité des entreprises.

Nous considérons une fonction de production de type Cobb-Douglas à trois facteurs : le capital, le travail et la terre. Nous prenons en compte une caractéristique qualitative du facteur travail : nous considérons une mesure du travail qui tient compte de la composition de la main-d’œuvre sur l’exploitation.

Nous n’utilisons pas la quantité totale de travail it L mais la quantité totale de travail effectif ou réellement productif *it L . Celle-ci est une mesure agrégée du travail des différents types de main-d’œuvre corrigée par leur efficacité relative (ou leur productivité marginale).

Le travail effectif ou réellement productif sur l’exploitation i à la date t, *it L , s’écrit226 :

Le travail effectif ou réellement productif sur l’exploitation i à la date t

Avec :

  • image159 le nombre d’heures effectuées par les travailleurs familiaux sur l’exploitation i à la date t.
  • le nombre d’heures effectuées par les travailleurs permanents sur l’exploitation i à la date t.
  • le coefficient d’efficience relative des permanents ou le rapport entre la productivité marginale des travailleurs permanents et celle des travailleurs familiaux, elle-même normalisée à 1.
  • le coefficient d’efficience relative des saisonniers ou le rapport entre la productivité marginale des travailleurs saisonniers et celle des travailleurs familiaux, elle-même normalisée à 1.
  • image163

La fonction de production s’écrit de la façon suivante :

image164

avec Kit le capital de l’exploitation i à la date t et Ait la surface de l’exploitation i à la date t

En linéarisant et en utilisant le développement limité de ln 1 x en 0, on obtient :

image165

Ainsi, dans notre modèle empirique, nous estimons l’équation suivante :

image166

avec it les termes d’erreurs.

Ce modèle nous permet d’estimer les efficiences relatives des différents types de main-d’œuvre (image161et image162). En effet, la mesure du facteur travail telle que nous l’avons définie image167 fait intervenir des paramètres d’intérêt image161 et image162 qui peuvent être recalculées après l’estimation de la fonction de production stricto sensu.

III- Données et méthodologie d’estimation

Nous cherchons donc à estimer une fonction de production de type Cobb-Douglas qui tient compte de la composition du collectif de travail sur les exploitations.

Nous présentons, dans un premier temps, la base de données et les variables que nous utilisons pour cette estimation. Dans un deuxième temps, nous présentons notre échantillon d’étude. La constitution de cet échantillon est susceptible d’introduire des biais dans notre estimation.

Nous prenons soin d’expliciter ces biais. Enfin, nous expliquons pourquoi, selon nous, l’estimation en données de panel est la plus pertinente compte tenu des données dont nous disposons.

III.1 – Base de données et définitions des variables

Nous travaillons à partir les données individuelles du Réseau d’Information Comptable Agricole français (RICA) (voir l’Annexe 1 pour une présentation de cette base de données). Le RICA fournit les données comptables des exploitations (productions, intrants, revenus…) ainsi que des données sur la main-d’œuvre mobilisée.

Nous disposons de douze enquêtes annuelles, de 1995 à 2006. Les exploitations peuvent être suivies sur plusieurs années grâce à un numéro d’identification commun entre les années.

L’Encadré 7 présente les définitions du RICA concernant la main-d’œuvre des exploitations et la manière dont les durées de travail sont évaluées.

Encadré 7- Définition du RICA concernant la main-d’œuvre et le temps de travail

Main-d’œuvre « Personnes âgées d’au moins 16 ans qui ont été occupées au cours de l’exercice comptable aux travaux de l’exploitation »

Main-d’œuvre salariée « Elle comprend tous les salariés, y compris les aides familiaux recevant une rémunération (en espèces ou en nature) correspondant au montant normalement payé pour la prestation fournie, et participant régulièrement aux travaux de l’exploitation »

Main-d’œuvre non salariée « Main-d’œuvre non rémunérée ou qui reçoit une rémunération ne correspondant pas au montant normalement payé pour une prestation fournie »

Main-d’œuvre permanente et non permanente (saisonnière ou occasionnelle) « Main-d’œuvre qui a participé, au cours de l’exercice comptable, chaque semaine (hors congés, maladie, arrivée et départ de l’exploitation) pendant une durée d’au moins une journée complète aux travaux de l’exploitation. ».

« La main-d’œuvre est dite non permanente dans le cas contraire. »

Temps annuel de travail

Temps en heures effectivement consacré aux travaux de l’exploitation. Le temps complet de base équivaut à 2 200 heures avant 2002 et à 1 600 heures de travail par an après 2002.

Pour les salariés, on tient compte du bulletin de paye. Pour la main-d’œuvre à la tâche, on divise le montant total payé pour les travaux en question par le salaire horaire d’un ouvrier.

Pour les non-salariés, on fait une estimation à partir d’un nombre d’UTA ou de jours de travail convertis à partir du temps de base.

L’analyse des définitions du RICA nous conduit à souligner plusieurs points sur lesquels nous reviendrons par la suite.

D’une part, la distinction est faite entre la main-d’œuvre non salariée et la main-d’œuvre salariée (permanente ou saisonnière). Nous faisons l’hypothèse que cette dichotomie correspond à une dichotomie familiale / non familiale.

En effet, les membres de la famille sont, la plupart du temps, des non salariés. Moins de 1% des exploitations de fruits et légumes ont une main-œuvre familiale salariée. Cette main-d’œuvre ne représente que 5% des UTA totales dans des OTEX fruits et légumes227.

Même si l’hypothèse d’équivalence entre la distinction non-salarié/ salarié et la distinction famille/ salarié peut conduire à une sous-estimation du travail familial, elle est souvent faite par les auteurs analysant la main-d’œuvre des exploitations à partir des données du RICA européen (voir notamment B. Hill [1993]).

D’autre part, entre 2001 et 2002, le passage aux 35 heures a modifié l’équivalence entre les UTA et le nombre d’heures. Avant 2002, une UTA était égale à 2 200 heures.

Après 2002, une UTA est égale à 1 600 heures. Nous vérifierons que cette modification n’influence pas nos résultats lors des statistiques descriptives et des tests de robustesse.

Enfin, la comptabilisation du nombre d’heures se fait de manière différente entre la famille et les salariés. Le temps de travail de la main-d’œuvre familiale est défini de manière globale à partir du nombre d’UTA. Le temps de travail de la main-d’œuvre salariée est défini à partir des bulletins de paye.

La sous-déclaration des heures, importantes en agriculture, est susceptible de conduire à une sous-estimation du nombre d’heures pour les salariés. Cet effet peut cependant être contre-balancé par le fait que le calcul des heures familiales est fondé sur la conversion entre UTA et nombre d’heures.

Les heures effectuées par la famille au-delà de 35 heures (ou 39 heures), vraisemblablement nombreuses, sont susceptibles d’être mal comptabilisées.

La production Yit est mesurée par la valeur ajoutée brute (produit brut moins consommations intermédiaires). L’utilisation de la valeur ajoutée plutôt que celle de la quantité produite pour mesurer le niveau de production est une façon commode et courante de faire abstraction des consommations intermédiaires comme facteur de production [Crepon et Mairesse, 1993].

La mesure de Yit pose cependant un problème classique, celui de l’unité de mesure des biens produits et de leur agrégation. Yit est ici mesuré en terme monétaire et permet donc l’agrégation des produits de différentes cultures.

Cette mesure est cependant susceptible d’introduire un biais de valorisation : la différence de niveau de production entre deux exploitations peut être liée aux modes de commercialisation ou de valorisation du produit et non à la productivité même de l’exploitation.

Notre mode d’estimation nous permettra cependant de contrôler en partie ce biais de valorisation. En effet, en considérant que les circuits et les modes de commercialisation d’une exploitation sont relativement invariants dans le temps, leurs effets sur la productivité seront contrôlés par le mode d’estimation que nous utilisons et que présentons en détails dans la suite (panel à effets fixes).

Kit est mesurée par le total des actifs immobilisés,

Ait par la surface agricole utile,

Lit par le nombre d’heures travaillées.

Les ratios Rpermit et Rsaisit représentent respectivement la part du nombre d’heures effectuées par les salariés permanents et par les salariés saisonniers.

Les définitions des variables que nous avons utilisées sont présentées dans l’Encadré 8.

Les valeurs monétaires à prix courant ont été déflatées avec l’indice correspondant228 afin de travailler avec des prix constants.

Encadré 8- Définition des variables du RICA utilisées

Valeur ajoutée : valeur ajoutée produite (nomenclature RICA : VAPBR)

Production (nette d’achat d’animaux) – Consommations Intermédiaires (charges d’approvisionnement, eau, gaz, électricité, fournitures et petits matériels, loyers matériel, travaux pour services…) – Loyers/Fermages –Assurances + Rabais

Capital : Total des actifs immobilisés net et réévalué (nomenclature RICA : TAIM8)

Ensemble des immobilisations incorporelles (frais d’établissement, TVA non récupérable..), des immobilisations corporelles (terrains, aménagement des terrains, constructions, installations techniques, matériels et outillage, plantation…) et des immobilisations financières (participations à des organismes professionnels…). Les valeurs nettes des actifs immobilisés sont réévaluées afin de tenir compte de l’amortissement cumulé des biens non amortis.

Surface : Surface agricole utile (SAU)

Surface de l’ensemble des terres dédiées à l’activité agricole (terres arables (grandes cultures, fleurs, jachères, …), superficies toujours en herbe, cultures permanentes (vignes, vergers, …), les jardins et vergers familiaux). Sont exclus les sols des bâtiments, les friches, les bois et forêts de l’exploitation ainsi que les territoires non agricoles.

III.2 – Sélection de l’échantillon et biais potentiels

Nous nous intéressons aux exploitations françaises de fruits et légumes. Nous considérons les exploitations spécialisées, c’est-à-dire les exploitations qui appartiennent aux OTEX Maraîchage, Serre, Mixte Maraîchage et Serre et Arboriculture229.

Sur la période 1995-2006, le RICA contient 826 exploitations spécialisées dans la production de fruits et légumes observées sur au moins deux années consécutives230.

220 Ils considèrent aussi l’accès au capital.

221 Leur salaire prend notamment en compte l’ancienneté, ce qui est rarement le cas dans le cas des travailleurs saisonniers.

222 Cette définition de l’efficacité technique est dite « input » orientée. Dans la définition « output » orientée, l’efficacité technique correspond à la capacité d’une entreprise à produire le maximum de bien à partir d’un jeu donné d’intrants. Elle considère donc que la frontière d’efficacité correspond à l’ensemble des quantités maximales de biens obtenues à partir de quantités données d’intrants.

223 Il serait possible de différencier les trois types de travail en première étape. Cependant, plus le nombre de variables augmente dans cette étape, plus il devient difficile de différencier les exploitations selon leur efficacité. En effet, plus les inputs sont désagrégés, plus la technologie devient propre à chaque exploitation. Toutes les exploitations se retrouvent alors totalement efficaces.

224 Certains travaux n’ont pas utilisé la mesure du travail effectif et ont considéré le travail familial et le travail salarié comme deux facteurs de production séparables dans la fonction de production (voir par exemple [Antle, 1984]). Une telle spécification implique cependant qu’une exploitation purement familiale ne serait pas « technologiquement » possible. Le fait de passer par une mesure du travail effectif permet d’éviter ce problème.

225 La notion de travail effectif a aussi été mobilisée par certains économistes non agricoles. J. Mairesse et M. Sassenou [1989], P. Sevestre [1990], B. Crepon et J. Mairesse [1993] et R. Mouelhi et M. Goaied [2001] l’ont notamment utilisée pour étudier le lien entre la structure de la qualification de la main-d’œuvre et la productivité des entreprises.

226 Cette spécification du travail effectif ne permet pas d’isoler l’influence du travail de supervision. Même si G. Frisvold [1994] met en évidence l’influence de la supervision sur la productivité des travailleurs salariés, il reconnaît lui-même que la prise en considération de la supervision nécessite des données sur le temps dédié supervision, données extrêmement difficiles à obtenir.

227 Sources : données RA 2000, traitements de l’auteur.

228 Indice des prix des produits agricoles à la production (fruits et légumes) (corrigés des variations saisonnières) et Indice des prix d’achat des moyens de production agricole (investissement et biens de consommation courante) (Sources : Agreste).

229 OTEX 2011, 2012, 2013, 3211.

230 Certaines exploitations ne sont observées qu’une seule année. Nous ne les prenons pas en compte. Afin d’éviter d’introduire un biais dans notre estimation, nous avons étudié quels pouvaient être les déterminants du fait de n’être observé qu’une seule année (estimation probit, voir résultats en Annexe 5). La plupart des variables explicatives sont non significatives (taille, OTEX…), ce qui laisse suggérer que le fait de n’être observé qu’une seule année est déterminé de manière aléatoire. On peut cependant noter que les exploitations observées qu’une seule année sont dirigées par des chefs relativement plus jeunes et ont plus de chance de ne pas employer de salariés (ni permanent, ni saisonnier).

Nous disposons sur cette période de douze ans de 4 149 observations (paire exploitation*année). En moyenne, chacune des 826 exploitations est donc suivie cinq années consécutives.

Il existe un certain nombre d’observations (exploitation*année) pour lesquelles la valeur ajoutée est négative : en tout, 12% des exploitations spécialisées en fruits et légumes ont au moins une année avec une valeur ajoutée négative (96 exploitations sur 826 et 146 observations).

Une étude plus précise de ces observations révèle que ces valeurs sont dues à des produits bruts exceptionnellement bas : la vente de la production ne compensant pas les consommations intermédiaires de l’année, la valeur ajoutée est alors négative. La faiblesse du niveau de production est vraisemblablement due à un incident climatique important.

Ces valeurs posent problème dans la transformation logarithmique de nos données. De plus, elles sont susceptibles de biaiser nos résultats puisqu’il nous est difficile de contrôler pour les incidents climatiques.

Dès lors, nous excluons de notre échantillon les exploitations qui présentent une valeur ajoutée négative sur au moins une année. Cette exclusion est, elle-aussi, susceptible de biaiser nos résultats.

Afin de mieux identifier le biais potentiellement introduit, nous cherchons s’il existe des déterminants (autres que climatique) au fait qu’une exploitation ait une valeur ajoutée négative sur une année.

Nous effectuons donc une régression probit dans laquelle la variable endogène (dummyva) vaut 1 si l’exploitation a une valeur ajoutée négative, et 0 sinon.

Nous considérons comme variables explicatives l’âge de l’exploitant (agecex), la taille de l’exploitation (mbs), l’OTEX de l’exploitation (otes OTEX serre, Otem OTEX maraîchage, Otems OTEX maraîchage et serre, Otef OTEX fruit), et le régime de travail de l’exploitation231 (s00 exploitation sans main-d’œuvre salariée, s01 exploitation avec salariés saisonniers, s10 exploitation avec salariés permanents, s11 exploitations avec salariés permanents et saisonniers).

Les résultats de cette équation de sélection pour l’année 2000 sont présentés dans le Tableau 56. Nous avons effectué l’estimation pour toutes les années : les résultats sont à chaque fois similaires.

Tableau 56-Les déterminants de l’existence d’au moins une année avec valeur ajoutée négative (Estimation Probit, données 2000)

VARIABLESdummyva
agecex0.001 (0.009)
mbs0.010** (0.004)
otes-0.927*** (0.261)
otems-1.797* (1.022)
otem-0.596** (0.250)
otefref
s000.936*** (0.286)
s010.147 (0.191)
s10-0.283 (0.516)
s11ref
Constante-1.153** (0.486)
Observations397
Pseudo R20.102

Écarts-types entre parenthèses

*** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1

Ils montrent que l’âge de l’exploitant et la taille de l’exploitation ne jouent pas, ou peu, sur la probabilité d’une exploitation d’avoir une valeur ajoutée négative.

Cependant, ils montrent aussi que cette probabilité est dépendante du régime de travail de l’exploitation : le régime sans salarié (par rapport au régime avec les deux types de salariés) est positivement corrélé à la probabilité d’avoir une valeur ajoutée négative.

De même, l’influence de l’OTEX de l’exploitation est significative : la spécialisation légumière (par rapport à la spécialisation fruitière) est négativement corrélée à la probabilité d’avoir avec une valeur ajoutée négative.

Ce résultat confirme que l’existence de valeurs ajoutées négatives est sans doute liée à des incidents climatiques. En effet, l’artifilialisation du milieu dans la production légumière (serre par exemple) permet de limiter l’impact de ces incidents sur la production. Cet impact peut, à l’inverse, être très fort dans la production fruitière.

L’élimination dans notre échantillon des exploitations avec des valeurs ajoutées négatives (96 exploitations) est donc susceptible d’introduire un biais en faveur des productions légumières, d’une part, et des exploitations avec salariés d’autre part. Lorsque nous testerons la robustesse de notre estimation, nous reviendrons sur ce biais introduit232.

Notre échantillon final comprend donc 3 916 observations (exploitation*année) qui correspondent à 730 exploitations suivies sur la période 1995-2006. Nous disposons ainsi d’un panel non cylindré : en moyenne, sur douze ans, chaque exploitation est suivie sur environ cinq années consécutives233.

Les logiciels d’économétrie pouvant désormais travailler sur des panels non cylindrés, nous avons préféré ne pas cylindrer notre échantillon afin de ne pas introduire de biais supplémentaire (biais de cylindrage). Nos estimations seront cependant reproduites sur le panel cylindré afin de juger de la robustesse de nos résultats.

L’échantillonnage des données du RICA n’est pas aléatoire mais se fonde sur la méthode des quotas. Dans cette méthode, l’univers, qui est connu à partir des recensements, est découpé en strates.

Ce découpage repose sur trois critères : la région, l’OTEX et la taille (CDEX234). Pour chaque strate, un nombre d’exploitations à sélectionner est défini.

Toutes les exploitations d’une strate donnée sont affectées d’un coefficient de pondération (rapport entre le nombre d’exploitations de l’univers et le nombre d’exploitations de l’échantillon pour chaque strate). Le taux de sondage croît avec la dimension des exploitations.

Nombre de microéconomistes déconseillent l’utilisation des pondérations lorsque la connaissance de la population de base n’est pas parfaite ou lorsque des biais sont susceptibles d’être introduits dans l’échantillon ou dans la pondération [Cameron et Trivedi, 2005] (p.818-821)235.

231 Un régime de travail est une combinaison spécifique de différents types de travail sur une exploitation (voir Partie 2).

232 Nous aurions pu contrôler ce biais de sélection par la méthode d’Heckman [1979] (Diggle et Kenward [1994] proposent une méthode pour les données de panel). Cependant l’estimation de l’équation de sélection aurait vraisemblablement était imprécise, d’une part, parce que peu d’exploitations ont des valeurs ajoutées négatives et, d’autre part, parce que nous manquons de variables explicatives exogènes.

233 Il peut arriver qu’une année soit non renseignée sur les différentes années consécutives. C’est le cas pour seulement 36 exploitations de notre échantillon soit moins de 5% des exploitations.

234 Classe de dimension économique des exploitations. Les CDEX permettent de classer les exploitations selon leur taille, les plus petites exploitations étant regroupées dans la CDEX 1, et les plus grandes dans la CDEX 10.

235 La justification de la préférence de OLS (Ordinary Least-Squares) par rapport à WLS (Weighted Least-Squares) est globale : la procédure de l’OLS est en une seule étape et donne déjà des estimateurs convergents (sans avoir à faire des corrections). La pondération dans une régression vise à corriger une hétéroscédasticité supposée des erreurs. Si la forme de l’hétéroscédasticité est connue (du fait de pondération par exemple), les observations peuvent être correctement pondérées. Mais cela repose sur cette hypothèse forte de connaissance parfaite.

Étant donné que notre échantillon d’étude est issu d’une sélection et que la pondération est dès lors biaisée, nous faisons notre estimation sans pondération. Les grandes exploitations seront donc, sans doute, surreprésentées. Par mesure de vérification, nous comparons tout de même les résultats des estimations avec et sans pondération.

Enfin, notre objet d’étude étant l’exploitation familiale, nous souhaitons travailler uniquement sur ce type d’exploitation. Comme nous l’avons fait dans la partie précédente, nous faisons l’estimation sur l’ensemble de nos exploitations, sans considérer leur caractère familial.

En effet, comme nous l’avons déjà vu, la définition de l’exploitation familiale a fait l’objet d’un large débat et même en considérant des critères de définition restrictifs fondés uniquement sur la part de main-d’œuvre salariée et qui ne prennent donc pas en compte l’intensivité en travail des exploitations (Critère de Hill [1993] ou de Raup [1986]), le secteur des fruits et légumes français est majoritairement composé d’exploitations familiales (voir supra Partie 1 Chapitre 2).

Comme le révèle le Tableau 6, selon plusieurs des critères de définition de l’exploitation familiale (statut juridique, part de la main-d’œuvre salariée), environ 60% des exploitations de notre échantillon peuvent être définies comme des exploitations familiales au sens strict.

Tableau 57- Place des exploitations familiales au sens strict dans l’échantillon

Critères de définition de l’exploitation familialePart d’exploitations familiales dans l’échantillon
Critères touchant à la part de main-d’œuvre salariée Moins de 1,5 UTA salariées sur l’exploitation (Critère de Raup [1986] )

Moins de 50% de travail salarié sur l’exploitation

(Critère de Hill [1993]))

60%

58%

Critère du statut juridique

% d’exploitation individuelle

55%

Sources : Agreste RICA (1995-2006), échantillon pondéré, traitements de l’auteur

Afin de vérifier la robustesse de nos résultats, nous ferons aussi l’estimation en éliminant les exploitations ne répondant pas à un critère strict de définition de l’exploitation familiale (Critère de Raup [1986]).

Nous comparerons les résultats de cette estimation avec ceux de l’estimation sur l’ensemble des exploitations de notre échantillon.

III.3 – Statistiques descriptives de l’échantillon

Le Tableau 58 présente quelques statistiques descriptives de notre échantillon et les évolutions entre 1995 et 2006. Il compare les données pondérées et les données non pondérées.

Tableau 58-Statistiques descriptives de notre échantillon et évolution entre 1995 et 2006. Comparaison données pondérées et non pondérées.

Non pondéréesPondérées
19952006Var. 95-200619952006Var. 95-2006
Nombre d’exploitations279328+18%14 4858 716-40%
Taille moy. (MBS en 10^4 €)13,715,4+12%9,110,7+18%
Surface agricole utile moy. (en Ha)18,922,5+19%15,019,7+32%
Valeur ajoutée moy. (en €)105 498117 207+11%80 01798 052+23%
Capital fixe moy. (en €)164 211142 433-13%129 493120 335-7%
Produit brut moy. (en €)206 561250 164+21%153 238208 812+36%
Consommation intermédiaire moy. (en €) 92 526121 376+31%67 012100 851+50%
Quantité de travail moy. (en h)9 8909 598-3%8 2468 324+1%
% de travail familial5744-23%6950-28%
% de travail permanent1416+14%1214+17%
% de travail saisonnier2940+38%1936+89%
Productivité du travail moy. (en €/ h)10,0912,1+20%8,811,3+29%
Productivité du capital moy. (en €/ h)19,5918,26-7%17,716,8-5%

Sources : Agreste RICA (1995-2006), échantillon, traitements de l’auteur

Entre 1995 et 2006, la taille des exploitations (en MBS) a augmenté d’environ 15% (+12% sans pondération et +18% avec pondération).

La valeur ajoutée moyenne s’est fortement accrue (+11% sans pondération et +23% avec pondération) malgré la forte croissance des consommations intermédiaires (+31% sans pondération et +50% avec pondération).

Le capital des exploitations a légèrement diminué (-13% sans pondération et -7% avec pondération). Alors que la quantité de travail totale est restée relativement constante (-3% sans pondération et +1% avec pondération), la composition de la main-d’œuvre a, quant à elle, fortement évolué.

La part de la main-d’œuvre familiale s’est réduite (-23% sans pondération et -28% avec pondération) au profit de la main-d’œuvre salariée permanente (+14% sans pondération et +17% avec pondération) et, plus encore, au profit de la main-d’œuvre salariée saisonnière (+38% sans pondération et +89% avec pondération).

Conjointement à aux évolutions de la structure du collectif de travail, la productivité du travail s’est fortement accrue (+20% sans pondération et +29% avec pondération).

Ces quelques statistiques descriptives nous amènent à deux conclusions.

D’une part, notre échantillon a connu les mêmes évolutions que celles de l’ensemble du secteur des fruits et légumes : conjointement à une augmentation de la productivité du travail dans les exploitations, la part du travail salarié et, plus particulièrement, celle du travail salarié saisonnier, s’est accrue.

Ces évolutions justifient de s’intéresser aux liens entre la structure du collectif de travail et la productivité des exploitations.

D’autre part, la prise en compte de la pondération ne modifie pas la dynamique globale de notre échantillon. On peut cependant noter que, lorsque la pondération n’est pas prise en compte, la taille des exploitations est plus importante (MBS de 154 000€ contre MBS de 107 000€ en 2006).

Cette différence s’explique par la surreprésentation des grandes exploitations dans le plan de sondage du RICA. Sans pondération, les exploitations sont plus grandes, plus capitalistiques, et légèrement moins familiales (44% de travail familial contre 50% avec pondération en 2005).

Elles emploient aussi plus de travail salarié saisonnier (40% de travail salarié saisonnier contre 36% avec pondération en 005).

L’effet taille lié à la pondération sera en grande partie contrôlé par la méthodologie d’estimation (données de panel).

Dans un deuxième temps, nous nous intéressons plus spécifiquement aux variables de notre modèle économétrique et à leur évolution dans le temps.

La distribution du logarithme de la valeur ajoutée des exploitations, notre variable endogène, est relativement normale (Figure 10).

Figure 10- Distribution du logarithme de la valeur ajoutée des exploitations de l’échantillon (en 2002)236

Distribution du logarithme de la valeur ajoutée des exploitations de l’échantillon

Sources : Agreste RICA (2002), échantillon, traitements de l’auteur

Figure 11- Evolution de la moyenne des logarithmes de la valeur ajoutée (logVA), du capital (logK), de la quantité de travail totale (logL) et de la surface agricole utile (logSAU) de 1995 à 2006 (237)

Evolution de la moyenne des logarithmes de la valeur ajoutée (logVA), du capital (logK), de la quantité de travail totale (logL) et de la surface agricole utile (logSAU) de 1995 à 2006 (237)

Sources : Agreste RICA (de 1995 à 2006), échantillon, traitements de l’auteur

Le logarithme de la valeur ajoutée des exploitations croît légèrement sur la période 1995-2006 (Figure 11). Sa variabilité est plus grande entre les individus (variabilité inter-individuelle – between-) qu’entre les différentes années pour un même individu (variabilité intra- individuelle -within-) (Tableau 59). Il en est de même pour l’ensemble des variables de notre modèle (Tableau 59).

Tableau 59- Moyenne et écart-type des variables du modèle

VariableDescriptionMoyenneÉcart-typeMinMaxObservations
logVALogarithme de la valeur ajoutéeTotal (overall)11,150,986,6813,72N =3916
Inter-individuel (between)0,957,7713,43N =730
Intra-individuel (within)0,437,8312,90T-bar =5,36
logKLogarithme du capitalTotal (overall)11,461,113,9214,71N =3916
Inter-individuel (between)1,076,7614,55N =730
Intra-individuel (within)0,385,8014,21T-bar =5,36
logSAULogarithme de la surface agricole utileTotal (overall)2,461,19-1,395,54N =3916
Inter-individuel (between)1,17-1,395,54N =730
Intra-individuel (within)0,200,894,16T-bar =5,36
logLLogarithme de la quantité totale de travailTotal (overall)8,940,737,3811,37N =3916
Inter-individuel (between)0,747,3811,11N =730
Intra-individuel (within)0,217,069,97T-bar =5,36
RpermPart du travail effectué par les salariés permanentsTotal (overall)0,170,230,000,96N =3916
Inter-individuel (between)0,220,000,93N =730
Intra-individuel (within)0,10-0,510,93T-bar =5,36
RsaisPart du travail effectué par les salariés saisonniersTotal (overall)0,350,280,000,99N =3916
Inter-individuel (between)0,260,000,98N =730
Intra-individuel (within)0,12-0,371,05T-bar =5,36

Nota Bene : certaines valeurs minimales peuvent être négatives car elles sont calculées

image170

La Figure 12 montre l’évolution de la composition moyenne du collectif de travail des exploitations de notre échantillon entre 1995 et 2006.

Comme dans l’ensemble des exploitations de fruits et légumes, on observe une diminution de la part du travail familial et une augmentation de la part du travail salarié, particulièrement du travail salarié saisonnier.

Figure 12- Evolution de la composition du collectif de travail dans les exploitations de notre échantillon entre 1995 et 2006238

Evolution de la composition du collectif de travail dans les exploitations de notre échantillon entre 1995 et 2006

Sources : Agreste RICA (de 1995 à 2006) échantillon, traitements de l’auteur

Dans la Figure 11 (p.279), on peut noter un relatif décrochement du logarithme de la quantité de travail en 2002. Ce décrochement est sans doute lié à la modification de l’équivalence entre les UTA et le nombre d’heures entre 2001 et 2002 dont nous avons parlé précédemment.

Si ce décrochage affecte les trois types de main-d’œuvre de manière similaire, notre estimation, qui considère des ratios, n’en sera pas affectée.

Cependant, comme nous l’avons vu précédemment (voir Encadré 7 p.270), le mode de calcul du nombre d’heures varie entre la main-d’œuvre salariée et la main-d’œuvre familiale. Dans ce cas, la nouvelle comptabilisation de 2002 est susceptible d’affecter différemment les trois types de main-d’œuvre considérés.

D’après la Figure 12 l’évolution des parts relatives des trois types de main-d’œuvre n’a pas connu de rupture entre 1995 et 2006. Elle suggère donc que la modification de 2002 n’a pas influencé de manières différentes les trois types de main- d’œuvre.

Nous vérifierons cependant ce point dans les tests de robustesse en introduisant dans le modèle économétrique une indicatrice prenant l pour la période avant 2002 et 0 pour la période après 2002.

III.4 – Méthodologie d’estimation sur données de panel

Les caractéristiques de l’exploitation fournies par le RICA sont relativement peu nombreuses. Par exemple, nous ne connaissons pas le mode de commercialisation (vente au supermarché, export, coopérative…) ou encore la qualification de la main-d’œuvre.

Pourtant, ces données sont susceptibles d’avoir une influence sur le niveau de production des exploitations mesuré en valeur ajoutée.

Cette limite peut, dans une certaine mesure, être dépassée par l’utilisation de données de panel. En effet, la double dimension, temporelle et individuelle, de ce type de données permet d’isoler l’influence des facteurs inobservables des exploitations sur leur comportement dès lors que ces facteurs restent stables dans le temps.Ils sont alors représentés par des effets individuels spécifiques.

Avec des données de panel, l’hétérogénéité des comportements peut être modélisée de plusieurs façons : les effets individuels sont soit considérés comme fixes ou soit considérés comme aléatoires239.

236 Les graphiques sont similaires sur pour chacune des douze années.

237 Les allures des courbes sont identiques en panel cylindré et non cylindré.

238 L’allure du graphique est la même en panel cylindré et non cylindré.

239 Il existe d’autres types de modélisation (modèle à paramètres aléatoires et modèle à structures de covariance). Elles sont cependant plus exigeantes en données et nous ne les considérons pas ici.

Le modèle à effets individuels aléatoires exige qu’il n’y ait pas de corrélation entre les effets individuels et les autres régresseurs.

Or, dans notre cas, certaines caractéristiques inobservées des exploitations peuvent influencer leur niveau de production et sont fortement susceptibles d’être corrélées aux niveaux des facteurs de production : la capacité managériale de l’exploitant, par exemple, influence vraisemblablement le niveau de production de l’exploitation et a de fortes chances d’être corrélée aux niveaux des inputs.

En effet, la capacité managériale de l’exploitant augmente la productivité marginale des facteurs de production.

Nous utilisons donc le modèle à effets individuels fixes. Cette modélisation nous permet de tenir compte de tous les facteurs inobservables (tels que la capacité managériale du chef d’exploitation…) ou inobservés (tels que le type de production ou la structure de commercialisation…) à partir du moment où ils restent stables dans le temps.

Elle tient compte, par exemple, de l’Orientation Technico-Économique des Exploitations (OTEX) et de leur Classe de Dimension Économique (CDEX)240. En effet, pour la grande majorité des exploitations de notre échantillon, l’OTEX et la CDEX ne varient pas sur les années observées (stabilité de l’OTEX pour 97% des exploitations et de la CDEX pour 84%).

Enfin, comme le suggère Y. Mundlak [1963], nous introduisons dans la régression des variables indicatrices annuelles (ou dummies) afin de prendre en compte les caractéristiques ou évènements de chaque année qui influencent toutes les exploitations de la même manière.

 

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Institut national d'enseignement supérieur pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement - Centre International d’Études Supérieures en Sciences Agronomiques (Montpellier SupAgro)
Auteur·trice·s 🎓:
Aurélie DARPEIX

Aurélie DARPEIX
Année de soutenance 📅: École Doctorale d’Économie et Gestion de Montpellier - Thèse présentée et soutenue publiquement pour obtenir le titre de Docteur en Sciences Économiques - le 27 mai 2010
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