Les caractéristiques de la main-d’œuvre familiale

II.4- Les caractéristiques de la main-d’œuvre familiale

II.4.1- Incitations, supervision et niveau d’engagement

Dans le cas de la main-d’œuvre familiale, les relations de travail sont aussi des relations de parenté. R.A. Pollak [1985] voit dans ces relations la source de l’avantage du recours à la main-œuvre familiale.

Cet avantage s’exprime selon lui en quatre catégories : « incitations, supervision, altruisme et loyauté » (p.585).

Les incitations sont liées au fait que « les membres ont des droits sur les ressources de la famille; certains de ces droits peuvent être analysés sur une unique période, d’autres au contraire dépendent de la continuité de l’appartenance à la famille ».

La facilité de supervision est à rapprocher du fait que les travailleurs sont reliés par un « réseau de liens émotionnels » [Errington et Gasson, 1994].

Le mauvais comportement d’un membre de la famille sera sanctionné non pas par un renvoi comme dans le cas d’un travailleur salarié mais par « l’ostracisme ou l’expulsion de la famille ». R.A. Pollak [1985] souligne, de plus, que l’intégration de l’activité économique et de la vie familiale permet un meilleur contrôle des habitudes de travail.

R.A. Pollak [1985] ne définit pas les deux dernières notions auxquelles il fait référence : « l’altruisme et la loyauté ». Des termes proches sont souvent repris par d’autres auteurs sans pour autant être réellement définis.

Certains soulignent, en effet, la « loyauté et le niveau d’engagement » important des membres de la famille [Abrahams, 1991 ; Errington et Gasson, 1994].

II.4.2- Flexibilité de l’offre de travail et coûts de transaction

La flexibilité est une autre caractéristique de la main-d’œuvre familiale traditionnellement mise en avant [Errington et Gasson, 1994]. La famille peut s’ajuster plus facilement aux évolutions de la demande de travail liées à la saisonnalité de l’activité ou à l’aléa, climatique ou biologique.

La famille constitue un système tampon non disponible pour les exploitations non familiales [Wallace et al., 1994] L’interdépendance entre l’activité économique et la vie privée garantie une forte réactivité des travailleurs en cas d’urgence.

L’épouse, les enfants, les parents retraités ou les membres de la famille travaillant hors de l’exploitation peuvent être mobilisés pour des travaux ponctuels.

Les coûts de transaction liés à l’embauche de travailleurs sont beaucoup plus élevés dans le cas de travailleurs salariés que dans le cas de travailleurs familiaux. Pour la famille, les coûts de recherche et les coûts d’embauche sont quasiment nuls.

Il n’existe pas de formalités administratives et le temps d’adaptation ou de formation est relativement court.

Pourtant, les structures familiales traditionnelles évoluent [Blanc et Perrier-Cornet, 1999] : les enfants quittent plus rapidement le foyer pour leurs études et les couples de jeunes exploitants, désireux d’accéder à une certaine autonomie, s’installent plus rarement à proximité de l’exploitation des parents.

La pluriactivité41 se développe en agriculture et les membres de la famille, particulièrement les épouses des exploitants dont le niveau de formation générale croît, travaillent de plus en plus à l’extérieur de l’exploitation.

41 La pluriactivité est définie par l’association de plusieurs activités professionnelles sur l’année pour une même personne. La pluriactivité des ménages agricoles correspond à l’exercice, par au moins l’un des deux conjoints, d’une activité ou d’un emploi non agricole.

L’avantage de la main-d’œuvre familiale en terme de flexibilité s’en trouve quelque peu érodé [Errington et Gasson, 1994].

La flexibilité de la main-d’œuvre familiale est aussi une flexibilité de type salariale. Le coût du travail familial peut, en effet, être variable.

Les salaires ne sont pas toujours pleinement payés (au moins pour un certaine durée du cycle de vie de la famille). Les coûts fixes sont ainsi réduits [Winter, 1984 ; Gray, 1998].

« Les familles sont par nature des unités de travail très flexible. Elles peuvent répondre aux difficultés et aux pressions en travaillant plus dur et en se serrant la ceinture » [Abrahams, 1991] (p. 102).

Cette caractéristique a été très précocement mise en avant par A. Tchayanov [1925 (Ed. 1990)] à travers idée d’auto-exploitation des familles agricoles : l’acceptation par la famille de faible niveau de revenu permet une adaptation des coûts de production au niveau des prix de marché.

Les caractéristiques de la main-d’œuvre familiale

Cependant, aujourd’hui, cet avantage est, lui aussi, érodé : les familles agricoles désirent désormais une parité de niveau de vie avec le reste des autres secteurs, tant au niveau des revenus que des conditions de vie et de travail.

II.4.3 Les compétences disponibles

Sur une exploitation purement familiale, l’exploitant peut être contraint d’utiliser la main-d’œuvre familiale disponible plutôt que d’avoir recours à une main-d’œuvre salariée.

Les qualifications disponibles dans la famille étant plus restreintes que celles disponibles sur le marché du travail, l’exploitant est susceptible d’avoir recours à une main-d’œuvre moins qualifiée dans le cas d’une exploitation familiale que dans le cas d’une exploitation à salariés.

Comme le rappellent A. Errington et R. Gasson [1994], les problèmes peuvent être particulièrement importants pour les postes de management : le réservoir de main-d’œuvre dans lequel les manageurs seront choisis est particulièrement réduit et les membres de la famille désignés sont susceptibles de ne pas disposer des compétences nécessaires.

La plupart des travailleurs familiaux ne reçoivent pas un salaire direct pour leur travail.

Le travail peut donc être utilisé en excès sur des tâches dont la productivité marginale peut être proche de zéro.

Cette utilisation excessive du travail familial non seulement diminue la productivité du travail mais décourage aussi l’investissement dans la formation et l’éducation de la main-d’œuvre familiale [Errington et Gasson, 1994].

La main-d’œuvre familiale a été et reste encore aujourd’hui une main-d’œuvre essentielle du secteur agricole.

Bien qu’un certain nombre d’auteurs aient prédit, il y a maintenant près d’un siècle, la disparition de cette main-d’œuvre et l’émergence de grandes entreprises agricoles à salariés, l’agriculture des pays développés est encore aujourd’hui une agriculture à dominante familiale.

À partir du milieu du XXe siècle, s’est même développé un courant strictement opposé à celui du début du siècle : face à la chute spectaculaire du nombre de salariés dans le secteur agricole, certains auteurs avaient anticipé la disparition à terme de cet autre type de main-d’œuvre agricole.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Institut national d'enseignement supérieur pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement - Centre International d’Études Supérieures en Sciences Agronomiques (Montpellier SupAgro)
Auteur·trice·s 🎓:
Aurélie DARPEIX

Aurélie DARPEIX
Année de soutenance 📅: École Doctorale d’Économie et Gestion de Montpellier - Thèse présentée et soutenue publiquement pour obtenir le titre de Docteur en Sciences Économiques - le 27 mai 2010
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