Caractère indemnitaire des prestations versées par l’assureur

Caractère indemnitaire des prestations versées par l’assureur

2° Le caractère indemnitaire des prestations versées par l’assureur

735. Aux termes de l’article 2 du Code de procédure pénale, l’action civile a pour objet la réparation du préjudice subi par la victime. C’est également l’objet de l’intervention de l’assureur au procès pénal, ainsi que l’indique la fréquente référence au dommage garanti par l’assureur dans l’article 388-1 du Code de procédure pénale.

Dans la mesure où il s’agit de garantir un dommage, l’assureur de la victime a bien vocation à intervenir1051. Il en va de même pour l’assureur de responsabilité de l’auteur, car la victime est le bénéficiaire de l’indemnité versée par cet assureur et dispose contre ce dernier d’une action directe fondée sur son droit à réparation1052.

736. Cependant, cet objet de l’action civile implique que seules les assurances de type indemnitaire ont vocation à jouer. La victime ne peut mettre en cause son assureur devant le juge répressif pour réclamer le paiement d’une prestation forfaitaire qui viendrait se cumuler avec l’indemnisation du dommage.

De son côté, l’assureur qui a versé à la victime assurée les prestations prévues au contrat ne peut en réclamer le remboursement au responsable ou à son assureur que s’il est subrogé dans les droits de l’assuré, ce qui implique que les sommes versées l’ont été au titre d’une assurance à caractère indemnitaire.

Ainsi, la mise en cause de l’assureur comme son intervention volontaire sont subordonnées à la mise en jeu d’une assurance de type indemnitaire donnant lieu à subrogation de l’assureur dans les droits de l’assuré.

737. Or, la distinction entre assurances indemnitaire et forfaitaire ne recouvre pas exactement la distinction faite entre les assurances de dommages et les assurances de personnes.

Les assurances de dommages ont pour objet la réparation des atteintes au patrimoine des personnes : atteintes à l’actif avec les assurances de choses et atteintes au passif avec les assurances de responsabilité.

L’article L 121-1 du Code des assurances prévoit que « l’assurance relative aux biens est un contrat d’indemnité ». En dépit de sa rédaction maladroitement restrictive, ce texte, qui est impératif, doit s’appliquer à toutes les assurances de dommages, assurances de responsabilité comme assurances de choses1053.

Les assurances de personnes ont pour objet la réparation des atteintes corporelles. L’article L 131-1 du même Code indique, pour les assurances de personnes, que les sommes assurées sont fixées par le contrat, ce qui implique un caractère forfaitaire.

Toutefois, certaines prestations en matière d’assurance de personnes peuvent revêtir un caractère indemnitaire, ainsi que le prévoit l’article L 131-2 alinéa 2 du Code des assurances depuis la loi n° 92-665 du 16 juillet 1992.

Si les assurances de dommages doivent toujours être indemnitaires, les assurances de personnes ne sont pas toujours forfaitaires. Un assureur de personnes pourra intervenir au titre de prestations indemnitaires.

738. Les dispositions susvisées concernant le caractère indemnitaire ou forfaitaire de l’assurance en cause doivent être combinées celles de l’article 388-1 du Code de procédure pénale, aux termes desquelles l’intervention de l’assureur est limitée aux seuls cas de poursuites pour homicide ou violences involontaires.

Or, il est paradoxal de constater que ces infractions ont vocation à causer des dommages corporels, couverts par des assurances de personnes, en principe de nature forfaitaire, et non des dommages matériels couverts par des assurances de dommages, à caractère indemnitaire.

Ceci pourrait laisser penser que les juges répressifs n’auraient que rarement l’occasion d’admettre l’intervention de l’assureur : les assurances de choses ne trouveraient pas à jouer pour des infractions causant en principe des dommages aux personnes et non aux biens, et les assurances de personnes seraient exclues lorsqu’elles présentent un caractère forfaitaire.

Néanmoins l’assureur de dommages (a) et l’assureur de personnes (b) ont bien l’occasion d’intervenir devant le juge répressif pour l’indemnisation des dommages découlant des faits poursuivis.

735 Nous pouvons noter que si, aux termes de l’article 388-1 du Code de procédure pénale, l’assureur de la victime se voit appliquer les mêmes règles que la partie civile « en ce qui concerne les débats et les voies de recours », c’est pour le jugement de l’action civile, et non de l’action publique à laquelle il n’est pas partie.

736 En ce sens Ph. Bonfils, pour qui la distinction entre les victimes civiles et les victimes pénales « traduit » la distinction entre l’action civile et la « participation de la victime au procès pénal », ou « se fait l’écho de cette analyse » : th. préc., n° 236 p. 289 et n° 240 p. 293

737 Crim. 25 février 1897, Bull. n° 71, S. 1898, 1, 201 note J.-A. Roux; Crim. 7 mai 1957, Bull. n° 376; Crim. 8 juillet 1958, Bull. n° 523, RGAT 1958 p. 390 note A. Besson, Gaz. pal 1958.2.227; Crim. 16 janvier 1964, Bull. n° 16, D 1964 p. 194 note J.M.; Crim. 11 décembre 1969, Bull. n° 339, D 1970 p. 156; Crim. 29 novembre 1993, Dr. pén. 1994 comm. N° 52.

738 Certains auteurs désignent simplement sous l’appellation « victime pénale » la victime de l’infraction poursuivie : S. Guinchard et J. Buisson : Procédure pénale, Litec 5ème éd. 2009, n° 1012 et s.

a) L’assurance de dommages

739. L’indemnisation de « tous les chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux ». Il n’est pas difficile de résoudre l’apparente contradiction entre le fait que les infractions d’homicide et de violences involontaires sont des atteintes à la personne et le fait que les assurances de dommages couvrent des atteintes au patrimoine.

Il suffit de relever que l’article 3 alinéa 2 du Code de procédure pénale autorise la victime à demander réparation au prévenu et au civilement responsable « pour tous les chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite ».

La Chambre criminelle de la Cour de cassation avait dans un premier temps refusé toute compétence pour l’indemnisation des dommages matériels subis par la victime d’homicide ou blessures par imprudence1054, avant de l’admettre pour la victime ayant subi des blessures, reconnaissant ainsi que les dommages matériels peuvent être la conséquence directe de l’infraction contre la personne1055.

740. L’article 3 alinéa 2 du Code de procédure pénale, qui autorise la victime à demander réparation au prévenu « pour tous les chefs de dommages », peut être rapproché de la formulation extensive de l’article 388-1 du même Code, qui vise le « dommage quelconque » subi à l’occasion des infractions susvisées.

Il paraît alors évident que la victime blessée à l’occasion des faits poursuivis, ou ses ayants droit en cas de décès, pourront demander à l’assureur du responsable réparation des préjudices matériels découlant de ces faits.

L’hypothèse est beaucoup moins rare qu’il y paraît puisque la loi du 8 juillet 1983 visait notamment à améliorer le sort des victimes d’accidents de la circulation, à l’occasion desquels les dommages matériels peuvent être bien plus importants que les dommages corporels.

741. L’assureur de la victime peut également, après avoir indemnisé cette dernière de ses préjudices matériels, agir en remboursement contre le prévenu en exerçant son recours subrogatoire.

La jurisprudence s’est montrée plus extensive encore en admettant l’intervention de l’assureur de victimes de dommages matériels qui n’ont pas été les victimes directes de l’infraction d’homicide ou de violences involontaires poursuivie.

La Cour de cassation a en effet cassé un arrêt d’appel rejetant l’intervention de l’assureur d’une personne qui n’avait pas été victime des blessures involontaires objet de la poursuite, mais d’une contravention de défaut de maîtrise1056.

Il suffit que les poursuites soient exercées de ce chef et que les dommages matériels trouvent leur source dans une infraction qui sera alors connexe à l’atteinte involontaire à l’intégrité physique.

En matière d’accidents de la circulation, la jurisprudence décidait déjà qu’à défaut d’être victime d’une atteinte corporelle, les tiers ne peuvent demander réparation de leurs dommages matériels que lorsqu’une contravention au Code de la route a été visée à la prévention1057.

739 J. Vidal : Observations sur la nature juridique de l’action civile, RSC 1963 p. 491 n° 13; F. Boulan : art. préc., n° 23; R. Vouin : L’unique action civile, D. 1973 chron. p. 265; J. de Poulpiquet : Le droit de mettre en mouvement l’action publique : conséquence de l’action civile ou droit autonome ? , RSC 1975 p. 40, p. 47; Ph. Conte et P. Maistre du Chambon : Procédure pénale, 4ème éd. 2002 A. Colin, n° 193 et s. Sur l’importance de cette notion de qualité en ce qui concerne la participation de l’assureur au procès pénal, G. Chesné : L’assureur et le procès pénal, RSC 1965 p. 283 et s. (spéc. n° 5 p. 296, n° 13, n° 14 pp. 308 et 311, n° 23 et 24); Ph. Alessandra : L’intervention de l’assureur au procès pénal, Economica 1989, p. 78 et s. Toutefois, aux yeux d’éminents auteurs, la notion de qualité n’a pas une grande importance en procédure pénale et l’intérêt de cette notion n’est pas évoqué en ce qui concerne l’intervention de l’assureur : R. Merle et A. Vitu : op. cit. t 2, n° 71 p. 95, n° 87 et 88. Comp. Ph. Bonfils, pour qui la notion d’intérêt domine la demande en réparation alors que la qualité pour agir domine la constitution de partie civile, et de manière plus large la notion d’intérêt à agir commande l’action civile alors que la participation de la victime au procès pénal dépend de la qualité pour agir : th. préc., n° 236 p. 290.

740 R. Merle : La distinction entre le droit de se constituer partie civile et le droit d’obtenir réparation du dommage causé par l’infraction, in Mélanges Vitu, Cujas 1989, n° 6 p. 398 et note 9; Ph. Bonfils, th. préc., n° 236 p. 289 et n° 240 p. 293.

741 Devant la juridiction d’instruction : par ex. Crim. 16 février 1999, RGDA 1999 p. 495, note E. Fortis.

742 Cf. supra n° 371 et s.

742. Il faut cependant préciser que l’assurance ne peut a priori pas être une assurance de choses dont l’objet est seulement la protection d’éléments du patrimoine de la victime, comme des polices vol ou incendie. En effet, il est fort probable que les faits ne seraient pas qualifiés homicide ou violences involontaires1058.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intervention de l’assureur au procès pénal
Université 🏫: Université Nancy 2 Faculté de Droit - Ecole Doctorale Sciences Juridiques
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur Romain SCHULZ

Monsieur Romain SCHULZ
Année de soutenance 📅: THESE en vue de l’obtention du Doctorat en Droit - le 18 novembre 2009
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