Vers un droit des brevets différencié ?

Vers un droit des brevets différencié ?

Section 5

Vers un droit des brevets différencié ?

Si une réforme monolithique visant le droit des brevets dans son ensemble est peu susceptible d’aboutir, pourquoi ne pas imaginer un droit des brevets que l’on pourrait qualifier de différencié, avec des standards différents pour des industries différentes ?

Nous l’avons vu, les différences sont vastes entre les industries informatiques et pharmaceutiques. Pour la seconde, le droit des brevets actuel ne pose pas de problème majeur, à tout le moins pas en ce qui concerne la pratique du patent trolling.

Par contre, le domaine informatique est touché de plein fouet. Ainsi, si l’on décide de poursuivre dans la voie de la brevetabilité des logiciels et que l’on veut, en même temps, limiter l’impact des trolls, des standards différents pour cette industrie semblent pouvoir corriger ou limiter les effets négatifs de ceux-ci.

Outre les réformes ayant trait à la qualité des brevets résultant d’un examen plus approfondi de l’état de la technique et du caractère véritablement nouveau de l’invention, d’autres modifications, plus substantielles, pourraient intervenir.

A. Chuang propose une série de mesures, destinées à l’industrie informatique, qui pourrait limiter l’impact des trolls220. Premièrement, il indique qu’une durée de protection inférieure à vingt ans serait bienvenue. En effet, le domaine informatique est caractérisé par une évolution extrêmement rapide des technologies qui ont, par conséquent, un cycle de vie de plus en plus court. La plupart des sociétés informatiques sont incapables de tirer profit de leur invention durant toute la durée de la protection offerte par le brevet. De plus, ces brevets, souvent dormants et oubliés de tous, constituent une arme de choix pour les trolls qui peuvent alors commettre un hold-up. Une durée de vie plus courte pour l’industrie pharmaceutique ne serait, par contre, pas appropriée; l’activité de cette dernière repose, en effet, sur quelques brevets de grande valeur, souvent acquis après de nombreuses années de recherche.

Ensuite, il conviendrait de limiter les dommages et intérêts accordés aux détenteurs de brevets logiciels. Ceux-ci devraient être estimés en fonction de l’importance de la contribution du brevet du troll dans l’invention litigieuse. L’introduction du four-factor test limite déjà le risque, pour un contrefacteur, d’écoper d’une injonction de cessation permanente. Il conviendrait d’introduire une méthode pour estimer, clairement, et en équité, les dommages et intérêts que serait en droit de recevoir le troll.

Enfin, A. Chuang propose que des critères de brevetabilité plus stricts soient mis en place dans le cas des brevets logiciels, tant au niveau du caractère évident de l’invention que de la documentation à fournir par le déposant.

Souvent, l’Office des brevets n’a pas les ressources nécessaires pour établir un état des lieux suffisant de l’état de la technique et délivre alors des brevets de mauvaise qualité. Si le déposant devait fournir lui-même une documentation fouillée de l’état de la technique, cela allègerait non seulement le travail de l’Office mais cela découragerait aussi les déposants trop audacieux d’introduire une demande infondée.

220 A. CHUANG, « Fixing the failures of software patent protection: deterring patent trolling by applying industry- specific patentability standards », Southern California Interdisciplinary Law Journal, 2006, vol. 16, spéc. pp. 236-243.

De nombreux auteurs ne sont guère favorables à un droit des brevets différencié car il est « difficile à implémenter »221 : selon eux, les brevetés vont tenter de se positionner dans la catégorie qui obtient le traitement le plus favorable et le problème ne sera pas résolu.

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