Réformer l’office américain des brevets

Réformer l’office américain des brevets

Section 3

Réformer l’office américain des brevets

Le nombre de demandes de brevet introduites ces dernières années devant l’USPTO a augmenté considérablement et de nombreux nouveaux domaines sont entrés dans le champ de la brevetabilité. Cela a mené à une surcharge de travail de l’Office américain des brevets ainsi qu’à la délivrance de brevets de qualité médiocre, peu clairs et portant parfois sur des inventions qui, à l’issue d’un examen plus complet, n’aurait pas dû être brevetées. Les trolls surfent sur cette vague et tirent parti de l’ambigüité de leurs brevets pour forcer leurs victimes à conclure un accord hors des tribunaux.

Ainsi, une manière de diminuer l’importance du patent trolling est de prendre le problème à la racine et de corriger les failles de l’USPTO : ces dernières sont principalement dues à un manque de ressources, humaines et financières202. Des projets de réforme sont en cours mais peu a été entrepris « en raison de l’énormité de la tâche, de son impact sur l’innovation, des recours en justice et surtout de divergences dans l’industrie »203.

Afin de combattre la haute rotation du personnel qui génère des problèmes de qualification, d’organisation et de motivation, l’USPTO a récemment mis en place des programmes d’attraction et de rétention du personnel. Le télétravail, par exemple, implémenté en 2001, a atteint un niveau record en 2008 : sur les 9600 employés de l’Office, dont 6000 examinateurs, près de 4500 en bénéficiaient, sous une forme ou une autre204. Outre les gains de productivité et de qualité liés à une motivation accrue des bénéficiaires, cela a également permis à l’Office d’établir un système de partage de bureaux205, optimisant par là l’utilisation des ressources. L’impact exact de cette mesure n’a, à notre connaissance, pas encore été évalué mais les premiers bilans sont relativement pessimistes206.

Tout récemment, une initiative de l’USPTO, pas directement liée à son organisation interne mais plutôt à sa politique de communication, a été lancée et vise à mettre dix téraoctets de données à la disposition du public.

Pour ce faire, l’Office a conclu un partenariat de deux ans avec Google qui a déjà établi un nouveau site internet, Google Patents. Des informations sur les demandes de brevet, les brevets délivrés, leur classification et les taxes dues pour leur maintien en vigueur, les demandes de marques déposées et les litiges y ayant trait y seront disponibles gratuitement207.

Cela permettrait aux entreprises d’investiguer plus facilement, efficacement et à moindre coût l’état de la technique, ce qui réduirait l’impact potentiel des patent trolls. Par ailleurs, des initiatives visant à améliorer la procédure de dépôt de brevet en ligne sont également envisagées à court terme.

Pour pallier le manque de ressources financières de l’Office, les sept derniers budgets fédéraux ne prévoyaient pas le recours au mécanisme de fee diversion par lequel des fonds de l’USPTO étaient, auparavant, transférés vers le Trésor des Etats-Unis. Des auteurs plaident pour un abandon définitif du système pour permettre à l’Office d’implémenter une stratégie de long terme208.

Par contre, d’autres réformes ont avorté. Nous pensons ici à la réforme relative aux continuing patent applications209 qui auraient été limitées à deux par invention mentionnée dans la demande de brevet, sauf cas exceptionnel.

De plus, si le nombre de revendications indépendantes est supérieur à cinq, ou si le nombre total de revendications est supérieur à vingt-cinq dans la demande de brevet, le demandeur aurait dû fournir un « document »210 visant à procurer des informations détaillées aux examinateurs. Cela aurait eu pour effet de réduire la durée passée par certains brevets dans le pipeline qu’est l’USPTO ainsi que de contribuer à des brevets plus clairs et mieux documentés.

Cependant, le United States District Court for the Eastern District of Virginia, à la demande de l’inventeur Dr. Triantafyllos Tafas et de GlaxoSmithKline, a prononcé une injonction tuant la réforme dans l’œuf211. Les demandeurs ont soutenu que les règles proposées seraient préjudiciables à l’innovation et que l’Office des brevets outrepassait les limites de ses pouvoirs. Tout récemment, l’USPTO a modifié les règles litigieuses et GSK et l’USPTO ont saisi conjointement la Court of Appeals for the Federal Circuit pour voir réformer le jugement de première instance. Leur demande fut rejetée.

201 G. N. MAGLIOCCA, « Blackberries and Barnyards: Patent Trolls and the Perils of Innovation », Notre Dame Law Review, 2007, vol. 82, pp. 1809-1838.

202 Voyer supra partie II, chapitre 3, section 2, § 2.

203 A. MYNARD, « Les brevets aux Etats-Unis : situation de l’USPTO, rôle des « trolls » et projets de réforme », Bulletins électroniques, 2009, http://www.bulletins-electroniques.com/rapports/smm09_019.htm (consulté le 27 juillet 2010).

204 UNITED STATES OFFICE OF PERSONNEL MANAGEMENT, « Status of Telework in the Federal Government – Report to the Congress », 2009, http://www.telework.gov/Reports_and_Studies/Annual_Reports/2009teleworkreport.pdf, p. 10.

205 F. OLSEN, « USPTO to let examiners work at home », Federal Computer Week, 21 décembre 2005, http://fcw.com/articles/2005/12/21/uspto-to-let-examiners-work-at-home.aspx?sc_lang=en (consulté le 26 juillet 2010).

206 W.-H. CHAN, « Patent examiners struggle with backlog », Federal Computer Week, 2 octobre 2007, http://fcw.com/articles/2007/10/12/patent-examiners-struggle-with-backlog.aspx?sc_lang=en (consulté le 27 juillet 2010).

207 A. LIPOWICZ, « Patent office teams with Google to put data online », Federal Computer Week, 7 juin 2010, http://fcw.com/articles/2010/06/07/patent-office-teams-with-google-to-put-data-online.aspx?sc_lang=en (consulté le 27 juillet 2010).

208 C’est, entre autres, l’opinion de Q. Todd Dickinson, directeur de l’USPTO durant l’administration Clinton, cité dans D. ZUHN, « Docs at BIO: Panel Offers Suggestions for Fixing the USPTO – Updated », Patent Docs, 20 Mai 2009, http://www.patentdocs.org/2009/05/docs-at-bio-panel-offers-suggestions-for-fixing-the-uspto.html (consulté le 27 juillet 2010).

L’USPTO est une grosse machine mal huilée : commissions après commissions, recommandations après recommandations, rien de très concret ne semble être implémenté. Cependant, dans ce tableau très noir, apparaissent petit à petit des taches claires. Espérons que des réformes substantielles interviennent rapidement, si pas au niveau de l’Office, du moins au niveau du droit. Rien n’est cependant moins sûr.

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