Les stratégies marketing et tarifaires des ventes de disques

3. Les stratégies marketing et tarifaires

La tarification efficace consiste à baser le prix de vente plutôt sur la valeur du bien pour le consommateur, que sur les coûts marginaux de production. Pour ce faire, une discrimination par les prix est appliquée en fonction de la nouveauté du bien ou de la demande attendue. On distingue généralement trois catégories de prix.

Le prix standard « full-price »67, est appliqué aux nouveautés et aux enregistrements qui continuent à bien se vendre. Le prix moyen « mid-price »68, est fixé à environ 60 à 70% du prix standard, appliqué pour les enregistrements plus anciens ou qui se vendent peu. Une nouveauté peut être proposée à ce tarif si on attend des ventes faibles. Le prix budget « budget-price »69, est garanti à environ 50% du prix standard, pour les produits musicaux à faible potentiel (compilations, albums anciens) ou pour la musique classique (même pour des nouveautés).

Cette discrimination par la nouveauté implique qu’aux différentes étapes de son cycle de vie, un même disque va être tarifié successivement dans les catégories de prix standard, moyen et budget.

La demande pour le bien culturel ne diminue pas, par contre celle du support semble plus instable. En effet, cette technologie se déprécie dans la mesure où d’autres, notamment celles liées au téléchargement comme les iPod ou autres lecteurs MP3, offrent les mêmes services à des coûts équivalents ou plus faibles70, tout en autorisant davantage de souplesse dans le mode de consommation71 L’autre point faible du CD est qu’il est techniquement dépassé par d’autres produits plus novateurs, comme le DVD musical. Si ce dernier est certes un peu plus cher que le CD, son succès est lié à une offre de prestations adaptées à son prix. Il existe également des DVD musicaux audio où l’image se réduit à une ambiance visuelle.

Le CD est une technologie sur le déclin, son prix doit donc s’ajuster. En effet, lors de l’introduction de la nouvelle technologie CD, son prix se justifiait, d’une part, du côté de l’offre, par le coût de son développement et d’autre part, du côté de la demande, par le fait que la qualité du son numérique qu’il offrait était vigoureusement mis en valeur. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Le prix devrait donc baisser pour tenir compte d’une part, de l’amortissement du coût de développement et d’autre part, de son obsolescence.

Quel serait donc le prix adéquat du CD ? Les pratiques tarifaires de l’industrie du disque sont très floues. Comme nous l’avons indiqué précédemment, le prix d’un CD varie sur certaines périodes. Ainsi, il peut être soldé puis regagner un prix fort à maintes reprises.

Ce phénomène a une double conséquence. Premièrement, le consommateur ne connaît pas le vrai prix du support CD et cela brouille également son appréciation de la valeur de l’œuvre, d’ autant plus que l’industrie du disque s’est adaptée à la grande distribution : en effet, elle offre une position de tête de gondole à certains albums qui sont au sommet des meilleurs ventes ou les nouveautés des stars confirmées ou bien encore des compilations nostalgiques. Deuxièmement, l’industrie du disque constitue aujourd’hui un monopole. Le prix du CD provient des maisons de disques, fixant de manière arbitraire le tarif en fonction d’un objectif de rentabilité.

L’industrie du disque a ainsi pris du retard sur le phénomène de la musique en ligne, en voulant conserver les fortes marges réalisées sur la vente des CD, générant ainsi des difficultés. Elle doit aujourd’hui prendre conscience qu’elle est soumise, comme toute autre industrie, à une concurrence. Pour cette raison, l’enjeu est de rester compétitive en innovant afin de répondre au mieux aux habitudes et aux besoins de consommation des internautes et consommateurs.

Ce positionnement stratégique doit s’entreprendre au plus vite car d’autres entreprises sont aujourd’hui en mesure de satisfaire cette demande.72 Si les maisons de disques ne réagissent pas en temps voulu, leur stratégie les conduira à être de simples exploitants de catalogues. C’est pourquoi, elles ont entrepris une diversification du marché, passant par la vente de biens complémentaires ou des services additionnels tels que des formules d’abonnement ou bien encore des partenariats avec le cinéma, la publicité.

Le public a imposé ses conditions, c’est-à-dire des prix revus à la baisse et l’émergence de sites de musique payants. « A partir de septembre 2004, les éditeurs, en réduisant de 23 % leurs prix de gros sur les singles, ont cherché à adapter leurs tarifs aux nouveaux modes de consommation de la chanson »73, constate Olivier Lacourt, fondateur du label indépendant Discograph et membre du bureau de l’Union des producteurs français indépendants (UPFI). Face à des nouveautés toujours commercialisées autour de 17 euros, les fonds de catalogue se retrouvent au centre d’une véritable guerre des prix.

Les nouveaux modes de distribution modifient-ils la production et la consommation des produits culturels ? La dématérialisation de l’œuvre change t-elle à terme son statut ?

Voici la comparaison de trois schémas indiquant la répartition des revenus sur un CD sur la vente en ligne et sur une sonnerie de téléphone portable.74

la comparaison de trois schémas indiquant la répartition des revenus sur un CD sur la vente en ligne et sur une sonnerie de téléphone portable la comparaison de trois schémas indiquant la répartition des revenus sur un CD sur la vente en ligne et sur une sonnerie de téléphone portable la comparaison de trois schémas indiquant la répartition des revenus sur un CD sur la vente en ligne et sur une sonnerie de téléphone portable

Universal, leader du marché, propose trois gammes de prix pour ses ventes d’albums : les titres les plus anciens (fonds de catalogue) seront édités sur CD vendus moins de 10 euros avec une simple pochette en carton et une jaquette; les boîtiers traditionnels avec CD, pochette et supplément pour moins de 14 euros; les boîtiers doubles avec CD, DVD, vidéos et autres suppléments pour moins de 20 euros. Cette démarche est une façon de concurrencer les sites de téléchargements légaux.

L’enjeu principal pour les labels est de savoir s’adapter aux différentes évolutions technologiques. La distribution numérique en ligne permet aux labels d’offrir une nouvelle perspective de mise en avant de leur catalogue. C’est dans ce nouveau médium que réside l’avenir ou le passage obligé de diffusion d’un catalogue riche et nouveau. La démocratisation d’Internet et l’engouement de la part du public pour ces nouvelles formes d’exploitation permettent une meilleure diffusion des catalogues.

Peut-être peut-on voir dans cette crise du disque, l’expression d’un changement des comportements des consommateurs qui ne trouvent plus leur bonheur dans les magasins. Une fois de plus, l’augmentation de la part de marché du canal de distribution dans les hypermarchés et le manque de diversité dans les rayons peut pousser le consommateur à se tourner vers le téléchargement.

Le cinéma, la télévision, le milieu de la publicité et de la communication sont désormais nécessaires à la musique. L’interdépendance de ces mondes contribue à offrir au domaine de la musique de nouvelles opportunités. En effet, le cinéma est un excellent moyen pour un artiste de se faire connaître sur une longue période car la durée de vie d’un film est très grande en raison de sa première diffusion au cinéma suivies des diffusions ultérieures sur les écrans de télévisions puis en dernier lieu à son exploitation via la vente de DVD.

L’achat des DVDs et Bandes Originales de films permet de soutenir cette activité. Le développement de cette forme d’exploitation a donné naissance à une rencontre professionnelle où musique et cinéma font leur marché.75 Ce type de rencontre révèle la naissance d’une envie collective de développer et de surmonter des problèmes liés aux secteurs de l’audiovisuel et de la musique. Depuis des années, musiques et images se côtoient, s’allient ponctuellement pour faire recette commune. Les films et ses musiques voyagent et traversent les continents.

Dans le domaine de la publicité, c’est un moyen efficace de promouvoir l’artiste dans le cadre d’une synchronisation mais pendant une période relativement courte, contrairement au cinéma qui permet une exploitation plus étendue. Si l’actualité de l’artiste correspond avec celle de la sortie de la publicité, le buzz médiatique ne pourra être que renforcé. Le rapport entre l’image et la musique prend un tout autre sens dès lors que l’on ne considère plus la musique au travers de sa représentation structurelle mais au travers de sa représentation sociale.

C’est ainsi que de la sociologie au marketing en passant par la publicité, l’utilisation de la musique renforce le pouvoir de l’image symbolique et sociale. C’est ainsi que chaque style musical devient l’image d’une classe sociale et de symboles.

Du punk stigmatisant rébellion ouvrière à la musique classique marquant l’idéal bourgeois, les musiques deviennent les signes de la société et en représentent les valeurs. Les agences de publicité, de plus en plus nombreuses et fortement sollicitées, vont rechercher la différenciation. Dans une société concurrentielle où l’image domine et où la bataille commerciale fait rage, le principe de distinction et d’originalité devient un atout non négligeable.

Cependant, il persiste encore certaines limites du pouvoir de l’image, imposé par le marketing culturel. Le mot image de marque n’aura jamais eu un sens aussi fort. Ce sont ces images que vont exploiter le marketing et la publicité afin de les réintégrer dans des stratégies de communication.

Les musiques permettent de jouer sur les stéréotypes qu’elles véhiculent. Aujourd’hui, les marques et les entreprises se réapproprient des artistes, des musiques, des images, afin de consolider leurs identités et améliorer leur visibilité auprès du public.

Air France sur fond de Chemical Brother, annonçait-elle ou était-elle à l’origine d’un intérêt grandissant pour les musiques électroniques ? Le rôle de la musique dans la publicité influence-t-il le consommateur ou se limite-il à une portée artistique ?

Actuellement, la musique est un élément majeur pour les publicités, que celles-ci soient télévisées, radiophoniques ou diffusées. Elle apporte un réel avantage commercial en ajoutant de l’énergie au message et en stimulant l’auditeur ou en créant des associations favorables avec le produit ou la marque.

67 Définition dans le lexique des termes techniques.

68 Ibid.

69 Ibid.

70 Sur le site d’Apple le titre est facturé 0,99euro et l’album complet à 9,99 euros.

71 Sur les sites de téléchargement, le consommateur n’est plus obligé de prendre l’album dans sa totalité mais uniquement les titres qui l’intéressent.

72 Apple avec le iPod mais également NRJ ou M6 qui se placent dans le secteur de la vente en ligne.

73 Source http://mecenart.over-blog.com/article-3070744.html

74 Chiffres proviennent des contrats de cession producteurs/plateformes payantes et des contrats d’exclusivité artistique des majors pour la variété française et les graphiques Adami ont été réalisés par l’Adami.

75 Le MIMPI festival professionnel musique et cinéma.

76 La musique est susceptible d’avoir une influence sensorielle, (capter l’attention); sensuelle (rendre la pub attractive); cognitive (influencer la mémorisation) mais aussi sémantique (véhiculer du sens) et sociale (s’adresser à une population en particulier).

Elle est également utilisée pour sa capacité à véhiculer des significations, à participer au message ou à augmenter sa mémorisation. Cependant, alors que son effet est reconnu pour différents niveaux de persuasion publicitaire, la musique n’en demeure pas moins un élément complexe et mal compris. Tout est une question de ciblage c’est-à-dire que différents genres musicaux sont associés à des populations spécifiques.76

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université Paul Verlaine Metz – UFR - Science Humaine et Arts
Auteur·trice·s 🎓:
Di Virgilio Marion

Di Virgilio Marion
Année de soutenance 📅: Domaine Sciences des Interactions Humaines mention Esthétique, Arts et Sociologie de la Culture spécialité Industries Culturelles - Mémoire de Master 1 Projets Culturels
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