Le préjudice indemnisable : l’action en réparation

Le préjudice indemnisable : l’action en réparation

b) Le préjudice indemnisable, fondement de l’action en réparation

428. Existence d’autres fondements que la responsabilité civile à l’action en indemnisation. Dire que la qualification civile de fait générateur de responsabilité civile est le fondement de l’action civile conduit à limiter cette dernière à l’action en responsabilité civile dirigée contre les personnes tenues en vertu de cette responsabilité.

Cependant, la responsabilité civile n’est pas le seul fondement dont la victime dispose pour obtenir indemnisation de son dommage. Outre le ou les responsables, diverses personnes peuvent être tenues d’indemniser la victime de ses dommages, et ce au titre d’obligations distinctes de la responsabilité civile.

Nous pensons en premier lieu à l’assureur de choses ou à l’assureur de personnes qui sont tenus, en vertu de l’obligation de garantie découlant du contrat d’assurance, de verser une indemnisation à leur assuré pour les préjudices matériels ou les dommages corporels dont il est victime.

En cas d’atteinte à la personne, diverses personnes peuvent être tenues de verser des prestations à la victime, « en vertu d’une obligation légale, conventionnelle ou statutaire »633.

Nous pouvons citer la caisse de Sécurité sociale pour ses prestations d’assurance maladie, l’Etat ou certaines collectivités publiques pour les prestations verses aux fonctionnaires, les sociétés d’assurance pour les frais médicaux et de rééducation pris en charge au titre de la garantie, l’employeur de la victime pour les salaire et accessoires maintenus pendant la période d’inactivité consécutive à l’événement dommageable, les groupements mutualistes et les institutions de prévoyance pour les indemnités journalières de maladie et les prestations d’invalidité634.

429. Le préjudice indemnisable comme fondement de l’action civile. Le fait générateur du dommage n’est donc pas le fondement de l’action civile, puisque la victime dispose de droits à indemnisation qui ne trouvent pas leur fondement dans le fait dommageable, mais dans le préjudice et dans une obligation autre que la responsabilité découlant du fait dommageable.

En revanche, le préjudice subi par la victime est le dénominateur commun de tous les droits à indemnisation faisant l’objet de l’action civile.

Ce préjudice avait été écarté de l’analyse du fondement juridique de l’action civile car cette analyse s’est focalisée sur le fait générateur, élément commun des actions publique et civile.

Le préjudice n’étant généralement pas un élément constitutif de l’infraction, il était tenu pour donnée négligeable.

Il n’en reste pas moins que l’action civile n’est pas seulement l’action venant sanctionner la responsabilité civile découlant de faits par ailleurs constitutifs d’infraction.

Elle est avant tout l’action en indemnisation du dommage causé par ces faits. Et ainsi que nous l’avons indiqué, la responsabilité civile n’est pas la seule source du droit à indemnisation pour la victime.

D’ailleurs, la victime peut agir devant les juridictions civiles contre toutes les personnes tenues de lui verser des prestations venant compenser ses préjudices, et pas seulement contre le ou les responsables et leurs garants.

430. En conclusion, la recherche du fondement de l’action civile révèle qu’un ensemble de faits peut être la source commune des actions publique et civile, car ces mêmes faits donnent naissance à la fois à un droit de punir l’infraction et à un droit à réparation des préjudices.

Ainsi, derrière l’apparente unicité d’un ensemble de faits, se cache une dualité qui concerne non seulement les faits, mais également les qualifications juridiques s’y appliquant.

Le fondement factuel présente une dualité en ce sens que les faits à l’origine de l’action civile sont également à l’origine de l’action publique. Le passage du fondement factuel au fondement juridique, par l’opération de qualification, confirme cette dualité.

Deux droits distincts, le droit de punir faisant l’objet de l’action publique et le droit à réparation faisant l’objet de l’action civile, sont caractérisés. Il y a dualité des fondements respectifs de l’action publique et de l’action civile.

431. Cette dualité est accentuée par les opérations de qualification, qui atténuent l’apparente unité des faits donnant lieu aux actions publique et civile.

Nous avons en effet pu observer que ces faits passaient par les filtres distincts de la qualification pénale et de la qualification civile. Or, ces filtres sélectionnent des éléments factuels différents pour retenir les fondements respectifs de l’action publique et de l’action civile.

Ainsi, la qualification d’infraction va s’attacher au comportement de l’auteur des faits et au dommage pénal résultant de ces faits, laissant de côté le préjudice civil qui n’a généralement pas d’incidence sur la qualification pénale.

En revanche, l’action civile, action en réparation, doit naturellement s’attacher principalement au préjudice indemnisable subi par la victime. Le fait générateur sera certes pris en compte pour caractériser la responsabilité civile, mais il ne doit pas faire oublier les autres fondements possibles des droits à réparation de la victime.

Peut- être ne faudrait-il pas opposer le droit de punir à un monolithique droit à réparation, mais aux droits à réparation : cela éviterait de ne considérer l’action civile qu’en fonction de la responsabilité civile.

De ceci, il résulte que parmi un même ensemble de faits donnant lieu aux actions publique et civile, seuls certains faits seront retenus comme fondement de l’action publique et certains autres comme fondement de l’action civile, ce qui n’exclut pas que des faits soient le fondement des deux actions à la fois.

432. En tout état de cause, l’étude du fondement de l’action civile, et en particulier de son fondement juridique, nous fournit d’ores et déjà une précieuse indication sur la nature de cette action.

428 M.-L. Rassat : Traité de procédure pénale, P.U.F. coll. Droit fondamental 1ère éd. 2001, n° 279.

429 Ph. Bonfils : th. préc., n° 407.

430 Ph. Bonfils : th. préc., n° 352.

431 Ph. Bonfils : th. préc., n° 407 et s.

432 La jurisprudence fait une application large du texte, le juge des référés pouvant ordonner non seulement des mesures conservatoires ou des mesures destinées à obtenir ou conserver des preuves, mais également des provisions sur l’indemnisation que devra payer le prévenu : Civ. 2ème 5 février 1992, D 1993 p. 53 note Wachsmann. L’absence de sursis à statuer devant le juge des référés peut aussi être justifié par référence à l’article 4 du Code de procédure pénale au motif que les décisions de la juridiction des référés, de caractère provisoire, sont dépourvues au principal de l’autorité de la chose jugée : Civ. 1ère 13 novembre 1996, RGDA 1997 p. 281 note J. Beauchard; Civ. 2ème 4 décembre 1985, Bull. n° 189; Civ. 3ème 7 janvier 2009, n° 07-21501, Bull. n° 4, Procédures mars 2009 comm. 76 note R. Perrot.

Nous sommes en présence d’une action qui trouve son fondement dans un droit à réparation lui même issu essentiellement du préjudice.

Peu importe à cet égard qu’une qualification pénale soit également applicable et donne lieu par ailleurs à une action publique. Ceci confirme la nature unique et purement indemnitaire de l’action civile.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intervention de l’assureur au procès pénal
Université 🏫: Université Nancy 2 Faculté de Droit - Ecole Doctorale Sciences Juridiques
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur Romain SCHULZ

Monsieur Romain SCHULZ
Année de soutenance 📅: THESE en vue de l’obtention du Doctorat en Droit - le 18 novembre 2009
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