Étude de French sur l’impact des prix sur les choix alimentaires

Étude de French sur l’impact des prix sur les choix alimentaires

4.4 Étude de French (2003) sur l’impact des prix sur les choix alimentaires

Selon French (2003) les choix individuels de nourriture sont influencés principalement par le goût, la valeur perçue (prix vs quantité et qualité), la convenance (facilité à trouver et à préparer) et la valeur nutritive de la nourriture. La valeur accordée à chacune de ces caractéristiques va varier selon les individus. Une personne, par exemple, dont le revenu familial est bas va sans doute privilégier des aliments qui lui en procurent davantage au niveau calorique pour son argent.

Puisque la consommation d’aliments riches en sucre et en gras est reliée à l’obésité et qu’en plus ces aliments sont peu dispendieux, deux études sur la nourriture mangée à l’extérieur de la maison ont été réalisées par French pour connaître l’ampleur de l’impact des prix sur les choix alimentaires. La nourriture mangée à l’extérieur de la maison est l’objet d’étude car celle-ci correspondait à 40 % des dépenses alimentaires totales aux États-Unis en 1995.

Celle-ci peut-être obtenue facilement (restaurants, école, travail, machines distributrices etc.) et est pointée du doigt comme cause de l’épidémie d’obésité. En partant du fait que la hausse des prix relatifs des aliments santé a nui à la consommation de ces aliments chez les plus démunis et que la baisse des prix relatifs du fast-food a entraîné une hausse de sa consommation, elle a utilisé la théorie économique pour voir si celle-ci pouvait effectivement changer les habitudes alimentaires. En effet, French voulait vérifier si les choix alimentaires étaient élastiques ou inélastiques, en réduisant le prix des aliments santé dans les deux études.

La première étude examinait l’effet d’une réduction de prix des aliments à faible teneur en gras, dans les machines distributrices de 12 lieux de travail et 12 écoles secondaires du Minnesota. Ces machines distributrices contenaient chacune pour environ 17 % d’aliments faibles en gras. Des réductions de prix de 10 %, 25 % et 50 % de ceux-ci, par rapport aux aliments riches en gras, ont amené une augmentation des ventes de 9 %, 39 % et 93 % respectivement des aliments faibles en gras, en comparaison avec les conditions de prix normales.

En tout, le volume de vente total a augmenté significativement et le profit obtenu des machines distributrices n’a pas changé.

La deuxième étude a examiné l’impact d’une réduction du prix de 50 %, des carottes cocktails et des fruits frais, dans les cafétérias de deux écoles secondaires. Cette étude souhaitait voir ce que serait la réaction des adolescents, un groupe d’individus qui ont stéréo- typiquement une opinion négative des fruits et des légumes, face à un tel changement de prix.

En comparaison avec les prix normaux en vigueur, cette réduction de prix a entraîné une augmentation quadruple des ventes de fruits frais et double des carottes cocktails.

Ces deux études ont donc montré que la réduction des prix est une bonne méthode pour encourager le consommateur à faire des choix plus santé, à l’école et au travail. La demande de nourriture est donc assez élastique. Bien sûr, il resterait à voir si la même chose serait observée avec une plus grande variété d’aliments dans l’ensemble de la population.

4.5 L’environnement commercial

L’augmentation exponentielle du nombre de restaurants et plus particulièrement ceux de restauration rapide au cours des dernières décennies n’est pas étrangère à l’épidémie d’obésité juvénile. Le taux d’obésité en Amérique du Nord a augmenté progressivement avec les changements environnementaux augmentant l’accès et la prévalence des facteurs obésitogènes.

En effet, les aliments riches en calories et en gras sont de plus en plus accessibles. Selon l’étude économétrique de Maddock (2004), les ratios entre le nombre de restaurants de fast-food, par mille carré et par habitant étaient tous les deux significatifs et expliqueraient 6 % de la variance du taux d’obésité, entre les différents états américains, après avoir contrôlé par rapport à plusieurs variables dont : la densité de la population, l’âge, l’origine ethnique, le sexe, la sédentarité et la consommation de fruits et légumes.

Le modèle complet expliquait 70 % de la variance totale, dans le taux d’obésité entre les états américains.

D’après les résultats de Chou et al. (2004), l’augmentation du nombre de restaurants de fast- food et plein service per capita serait le principal déterminant de l’obésité. Ces auteurs affirment que le nombre de restaurants a augmenté de 35 % de 1972 à 1997.

On peut résumer la pensée de Chou en disant qu’il y a eu sur le marché du travail, durant cette période, un déclin ou une lente croissance du revenu réel chez certains groupes d’individus, combiné à une augmentation du nombre d’heures de travail et du taux de participation sur le marché du travail dans la plupart des groupes (surtout des femmes), il y a donc au final, moins de temps et d’énergie disponible pour la préparation de la nourriture et pour les loisirs actifs, ce qui explique l’augmentation de la popularité du fast-food et des activités sédentaires.

De plus, il n’y a pas nécessairement plus de ressources chez les groupes sociaux démunis pour acheter de la nourriture de meilleure qualité, ceux-ci se tournent alors vers l’alimentation-rapide.

Une étude (Currie et al., 2009) réalisée sur 3 millions d’enfants d’âge scolaire affirme que les restaurants de fast-food sont de plus en plus proches du travail, de l’école et de la maison.

Selon cette étude, pour un enfant de 9e année scolaire, le fait que son école soit située à une distance de 0,1 mile ou moins d’un restaurant de fast food était associé à une augmentation du taux d’obésité moyen d’au moins 5,2 % par rapport à un enfant dont le restaurant de fast food est situé à 0,25 mile ou plus de son école. Cette distance restreinte serait synonyme d’une diminution de l’effort nécessaire pour obtenir cette nourriture, ce qui s’accompagnerait d’une augmentation de la consommation de ces aliments.

Une autre étude réalisée par Tracie Ann Barnett du CHU Sainte-Justine et d’autres chercheurs québécois a établi que « le taux d’obésité augmente chez les enfants s’ils habitent à proximité d’un dépanneur […] les résultats de l’étude sont préliminaires, mais déjà ils font ressortir un lien clair entre la proximité du dépanneur et l’obésité chez les enfants de 8 à 10 ans. » (http://www.nouvelles.umontreal.ca/recherche/sciences-de-la-sante/obesite-haro-sur-le-depanneur -du-coin.html)

La publicité faite par les restaurants de fast-food à la télévision aurait également un fort impact sur l’obésité des jeunes. Selon une étude québécoise citée par Huot (2009), 73 % des produits alimentaires annoncés à la télévision ne font pas partie du Guide alimentaire canadien. De plus, l’OMS a reconnu le marketing des aliments riches en calories comme un facteur explicatif de l’épidémie d’obésité.

En effet, les jeunes n’ont jamais autant passé de temps devant l’écran et la publicité est partout. De plus, les enfants, particulièrement ceux de 8 ans et moins sont un groupe vulnérable face à la publicité, car ils ne saisissent pas toujours l’intention persuasive en arrière de celles-ci, ce qui les rend très influençables.

D’après les résultats d’une étude américaine réalisée par Chou et al. (2008) avec le National Longitudinal Survey of Youth de 1997 et des données sur la publicité à la télévision, interdire les publicités de fast-food à la télévision réduirait le taux d’enfants obèses et en surpoids, de 18 % chez les 3 à 11 ans et de 14 % chez les 12 à 18 ans.

Les auteurs laissent aussi entendre que la suppression de la déduction fiscale sur les dépenses publicitaires des fast-foods pourrait entraîner une légère diminution de l’obésité infantile aux États-Unis.

4.6 Conclusion

En résumé, nous observons qu’il est effectivement possible de changer l’alimentation des gens en apportant des changements de prix. Bien que certains individus aient une préférence marquée pour les aliments plus denses en calories, selon l’importance des changements de prix ou des modifications environnementales, il est effectivement possible de changer les habitudes de la grande majorité de la population.

En revanche, chez une minorité des gens, comme ceux souffrant de la maladie de Prader-Willi ou de d’autres maladies obsessionnelles envers la nourriture, le contrôle alimentaire devient quasi-impossible. De plus, nous constatons que l’environnement commercial qui nous entoure au lieu de faciliter la prise de bonnes habitudes fait plutôt le contraire.

En effet, la nourriture dense en calories n’a jamais été aussi accessible (dépanneur, restaurants de fast-food qui livrent à domicile, etc.) et la publicité sollicite constamment les enfants à consommer davantage de ces aliments.

Aussi, selon nos observations, des changements environnementaux ou de prix rendant l’exercice plus accessible peuvent amener les gens ayant un poids normal ou un surpoids à être plus actifs. Ceci semble être particulièrement le cas quand les enfants ont le choix d’une large gamme d’activités physiques. En revanche, chez les individus obèses, il semble qu’il soit plus difficile pour eux de devenir plus actifs par eux-mêmes.

Instaurer des changements dans leur alimentation semble plus facile. De plus, nous remarquons que les activités sédentaires chez la majorité des jeunes sont trop facilement accessibles et les motivations pour pratiquer une activité physique trop peu nombreuses ce qui expliquerait la sédentarisation grandissante.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La situation de l’obésité juvénile au Canada
Université 🏫: Université du Québec à Montréal UQAM
Auteur·trice·s 🎓:
Jules Dessureault

Jules Dessureault
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en économique - 2010
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