Des réalités des patent trolls et la Non-Practicing Entity NPE

Des réalités des patent trolls et la Non-Practicing Entity NPE

Section 2 – Des réalités différentes

La Non-Practicing Entity (NPE) n’est pas unique mais polymorphe : de l’inventeur individuel à la société spécialisée dans l’acquisition de brevets en passant par des sociétés classiques ou des universités. Chacune de ces entités possède la caractéristique de détenir un brevet et de ne pas l’exploiter industriellement. Face à une société qui enfreint leur droit de propriété intellectuelle, elles ont le droit d’agir en cessation et, le cas échéant, d’obtenir des dommages et intérêts.

§1. L’inventeur individuel

Qui ne serait pas fasciné par la fabuleuse histoire de deux étudiants américains qui développèrent dans un garage l’embryon d’un empire informatique ? Ou par la création d’une célèbre boisson gazeuse – soi-disant – due au hasard ? Ou tout simplement, par un quidam qui développe un procédé ou une machine – même sans application industrielle et/ou commerciale évidente –, chez lui, après sa journée de travail?

Ces histoires, bien que parfois romancées, font occuper une place de choix à l’inventeur individuel dans notre inconscient collectif. Des articles sont écrits, des films réalisés sur ces inventeurs indépendants qui, avec des moyens limités, développent, hors des grandes multinationales ou universités, des inventions qui parfois s’avèrent extrêmement bénéfiques à la société dans son ensemble; c’est ce que C. A. Cotropia qualifie d’individual inventor motif46.

Souvent, ces inventeurs ne possèdent ni les moyens financiers ni la compétence nécessaires à la commercialisation de leur invention. Il est donc fort probable qu’ils cherchent à céder leur brevet. Cependant, rien ne les y oblige et ils peuvent, eux-mêmes, faire respecter le droit de propriété que leur confère leur brevet.

Sont-ils pour autant des trolls, s’ils cherchent à faire respecter leur droit devant les tribunaux face à une entreprise productrice ou à négocier, avec elle, un accord de licence ?

§2. Les universités

On ne peut le nier : une université est une NPE, peut-être même la NPE par excellence. Outre l’enseignement, sa mission principale est la recherche et souvent, la recherche de pointe. Bien qu’elles n’aient pas vocation à exploiter commercialement le produit de ces recherches, les universités recourent, de plus en plus régulièrement, au mécanisme du brevet47. Ainsi choisissent- elles d’accorder des licences d’exploitation ou de céder les brevets qu’elles détiennent : les flux financiers ainsi générés sont alors investis dans de nouvelles recherches.

Sont-elles pour autant des trolls ?

§3. Les entreprises « classiques »

Le brevet est aujourd’hui un actif comme un autre et de nombreuses entreprises font breveter les produits de leurs départements recherche et développement. Parfois, elles n’exploitent pas directement le brevet qu’elles ont déposé et peuvent recourir à l’action en contrefaçon.

Sont-elles des trolls ?

§4. Les entreprises spécialisées

Des entreprises d’un genre nouveau se sont développées récemment. Qualifions-les de sociétés spécialisées dans l’acquisition de brevets et, le cas échéant, dans le développement de portefeuilles de brevets. Les plus célèbres sont Intellectual Ventures, déjà évoqué, et Acacia Technologies. Comme l’expliquait récemment Nathan Myhrvold, l’un des fondateurs d’Intellectual Ventures, dans un article au ton de droit de réponse48, ces entreprises ont pour vocation la création d’un capital market for inventions.

43 Voyez, entre autres, N. VARCHAVER, « Who’s afraid of Nathan Myhrvold ? », Fortune, 10 juillet 2006 et M. ASAY, « Intellectual Ventures: A massive patent pyramid scheme? », Cnet News, 19 septembre 2008.

44 M. JONES, « Permanent injunction, a remedy by any other name is patently not the same: how eBay v. MercExchange affects the patent right of non-practicing entities », George Mason Law Review, 2007, vol. 14, n° 4, p.1036.

45 Comme exemple assez illustratif de cette tendance, citons l’encyclopédie en ligne Wikipédia qui redirige automatiquement l’utilisateur qui introduit le verbo « Non-Practicing Entity » vers le verbo « Patent Troll ».

46 C. A. COTROPIA, « The Individual Inventor Motif in the Age of the Patent Troll », Yale Journal of Law & Technology, 2009, vol. 12, p. 53.

47 Aux Etats-Unis, le nombre de brevets américains déposés par des universités était seize fois supérieur en 2004 à celui de 1980. Voyez B. WYSOCKI JR., « College Try : Columbia’s Pursuit of Patent Riches Angers Companies », Wall Street Journal, 21 Décembre 2004. Ceci est la conséquence du Bayh-Dole Act de 1982, évoqué à l’Annexe II.

Et elles ? Sont-elles des trolls ?

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