L’indexation des ressources pédagogiques électroniques

4. L’indexation rencontre une barrière conceptuelle
Après l’échec de la catégorisation des acteurs, notre volonté de rationaliser l’indexation des ressources pédagogiques électroniques a rencontré une autre barrière, que nous avions jusque là totalement ignorée – du moins sous-estimée. Cette barrière est conceptuelle, si l’on peut dire, en ce sens qu’elle a trait à la définition et à l’appréhension des ressources pédagogiques électroniques.
Ce sigle « RPE », nous lui avons donné consistance dans l’état de l’art : il englobe la pluralité des ressources électroniques qui sont produites à des fins d’apprentissage. Il a ainsi vocation à désigner n’importe quelle forme de document pédagogique disponible sur support numérique, que ce soit un TP, une bibliographie, un schéma, un cours, ou même un morceau de cours. Mais il nous apparaît finalement que ce sigle porte bien plus en lui que cette pluralité de ressources.
Le sigle RPE (Ressources Pédagogiques Electroniques), qui visait à simplifier l’approche de notre travail, s’est subitement mis à le déborder, puis à le posséder, pour finalement le maintenir prisonnier en lui. En abordant la dimension humaine de l’étude, nous avons constaté que les pratiques encore non stabilisées, ne nous permettaient pas pour le moment de catégoriser les acteurs du e-learning. Il s’avère que c’est un constat similaire que nous pouvons tirer à propos des ressources pédagogiques : celles-ci sont trop nombreuses et trop disparates pour que l’on puisse les considérer comme étant un matériau unique.
Au commencement du travail, nous pensions que l’état de progression des travaux et réflexions en cours nous autorisait une tentative de consolidation de ce processus du e-learning qu’est l’indexation. Mais lorsque l’on se met à appréhender les ressources qui sont produites en contexte e-learning, c’est n’est pas à une consolidation que l’on assiste, mais à une dispersion. Toutes ne sont en effet pas du même acabit : elles peuvent être tantôt scénarisées, tantôt linéaires ; elles peuvent être tantôt multimédia, tantôt « monomédia » ; elles peuvent être tantôt granulaires, tantôt une « agrégation de granules ». Et puis fondamentalement, qu’est ce qui les distingue d’une ressource documentaire traditionnelle ? Les bibliothécaires eux-mêmes ne s’y retrouvent pas.
En matière d’e-learning, le travail de consolidation n’est donc pas à l’aube de son commencement ; et toute tentative de rationalisation des processus qui s’y trouvent imbriqués, sans repères conceptuels et définitionnels, serait inéluctablement vouée à l’échec.
V. Conclusion
L’objectif de cette étude était de modéliser un dispositif permettant de rationaliser l’indexation des RPE (Ressources Pédagogiques Electroniques). Ce dispositif, nous avions pour intention d’en analyser les composantes humaine, techniques, et normatives, à travers les trois questions suivantes : « Qui peut prendre en charge l’indexation des ressources pédagogiques électroniques» ? « Quels sont les outils techniques et informatiques qu’il est possible d’utiliser » ? Et « à quel standard normatif l’indexation des ressources pédagogiques électroniques doit-elle s’affilier » ?
Dans une première partie – « l’état de l’art » –, nous avons globalement introduit l’étude, en présentant successivement son contexte (le e-learning), son objet (les ressources pédagogiques électroniques), et son référentiel (l’activité normative). Ce concept d’e-learning, nous l’avons considéré comme étant l’évolution, provoquée par le numérique, des systèmes et dispositifs d’enseignement. Sous le sigle RPE (Ressources Pédagogiques Electroniques), nous avons englobé la pluralité des ressources produites dans le cadre du e-learning. Après avoir estimé que l’indexation n’était pas un concept primaire, nous l’avons replacée dans sa trame documentaire plénière, en présentant les processus qui lui sont proches, à savoir les processus de conception des ressources pédagogiques électroniques, et les processus de manipulation post-conception des ressources pédagogiques électroniques.
Dans une deuxième partie – « approches, description, analyse » –, nous avons tenté une approche épistémologique, puis méthodologique de l’étude, pour enfin nous consacrer à la description et à l’analyse. Au cours de cette partie nous avons mis en évidence plusieurs phénomènes organisationnels, techniques et sociaux, qui se tissent dans le paysage du e-learning. Tout d’abord, nous avons observé que l’indexation des ressources pédagogiques électroniques tendait à la consolidation, en ce sens qu’on lui attribue un poids de plus en plus important dans la conception des dispositifs. Nous avons ensuite constaté l’émergence du modèle d’indexation dit « en strates successives », suivant lequel l’indexation est morcelée en étapes, effectuées tout à tour par des types d’acteurs variés. Ces acteurs d’ailleurs, nous en avons précisé les exigences, et nous avons tenté de les catégoriser ; mais notre catégorisation, à peine posée, s’est révélée inopérante. Nous avons également observé que les bibliothèques se tenaient en marge des dispositifs e-learning, bien que les bibliothécaires tout comme les personnes oeuvrant en cellule Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement TICE soient favorables à une convergence des leurs institutions respectives. En parallèle, nous avons dégagé deux autres phénomènes : une certaine hésitation dans l’utilisation des descriptions sémantiques, et une quasi absence de catalogue unifié et interopérable de ressources pédagogiques électroniques.
Dans une troisième partie, – « discussions et hypothèses » –, nous avons procédé à une interprétation des différents phénomènes constatés. Nous avons globalement expliqué en quoi les actes et usages relatifs au e-learning, encore non stabilisés, ne nous autorisaient pas à en radicaliser l’indexation. Notre étude a alors pris la forme d’une réflexion sur les enjeux, les freins et les leviers du e-learning. Ceci nous a notamment permis de comprendre que tout projet visant à mutualiser des ressources pédagogiques électroniques, outre les moyens techniques, devait nécessairement se doter de moyens humains, qui passent par une stimulation de la volonté des enseignants.
En définitive, cette étude qui visait à analyser les composantes humaines, sociales, et normatives d’un dispositif d’indexation de RPE (Ressources Pédagogiques Electroniques), aura consacré le plus clair de son temps à la composante humaine – notamment en tentant de comprendre le jeu des acteurs du e-learning. Elle y aura consacré le plus clair de son temps, d’autant plus que c’est la partie sur laquelle nous avons buté, et à partir de laquelle nous avons réorienté nos réflexions sur les enjeux de l’indexation des ressources pédagogiques électroniques.
A plus forte raison, ce que nous aurons aussi redécouvert, en menant ce travail, c’est que la technique ne décolle guère du social. En étant plus précis : un dispositif à caractère technique, pour performant qu’il soit, ne peut démarrer et durer que s’il s’adapte aux besoins de l’organisation humaine dans laquelle il est implémenté. Et en étant plus évasif : le progrès technique ne peut prendre ses racines nulle part ailleurs que sur un substrat humain. Ceci redémontre le bien fondé des Sciences de l’Information, lorsque l’on tente de comprendre, de concevoir, et d’implémenter tout type de systèmes d’information.
Mais au fil de ce travail, et de manière presque invisible dans ce mémoire, une idée s’est progressivement profilée. Elle nous amène aujourd’hui à entrevoir les limbes d’une piste de recherche originale : au-delà de l’indexation des ressources pédagogiques électroniques, et au-delà de la caractérisation des briques d’enseignement – en ce qu’elles constituent des objets recombinables, certes, mais toujours statiques – le meilleur moyen pour rendre compte de l’intentionnalité pédagogique, semble être de caractériser directement les liens que l’on souhaite tisser entre ces ressources. Cette simple idée ouvre une brèche sur un pan de recherche presque vierge, et s’y intéresser nous amènerait loin des sentiers battus par les Sciences de l’Information. A ce titre, cette perspective nous semble prometteuse, et c’est avec beaucoup de motivation et d’enthousiasme que nous désirons nous y consacrer.
Lire le mémoire complet ==> (Vers une rationalisation de l’indexation des ressources pédagogiques électroniques…)
Mémoire De DEA – Ingénierie de l’Information et de la Documentation
Université JEAN-MOULIN LYON 3 – Sciences de l’Information et de la Communication

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