Quel avenir pour le marketing ethnique aux Etats-Unis ?

Remises en cause face à une société de plus en plus métissée – Section 2 –
Les Etats-Unis, avec un taux élevé de mariages interraciaux et interethniques, sont en phase de redevenir un melting-pot composé d’individus de plus en plus métissés.
Ainsi, les distinctions ethniques ou raciales s’effacent peu à peu et certains experts prédisent la disparition de l’affirmative action d’ici à 2043 et le recentrage du débat sur les inégalités socio-économiques.
Pour l’économiste Joel Kotkin, on assisterait même à l’émergence d’une économie « post-ethnique« . Les mariages interraciaux sont souvent vus comme un excellent moyen pour l’Amérique d’en finir avec son racisme.
Depuis que la Cour suprême américaine a aboli les dernières lois interdisant les mariages mixtes en 1967, leur nombre a largement augmenté. Aujourd’hui, 5% des mariages aux Etats-Unis sont interraciaux, soit dix fois plus que dans les années 1960. Les démographes et spécialistes du marketing ont de plus en plus de mal à déterminer l’ethnie de chacun.
Ce métissage croissant de la société américaine vient ainsi contrarier le développement du marketing ethnique. En effet, les individus se sentent progressivement américains et se revendiquent de moins en moins comme appartenant à un groupe racial ou ethnique particulier.
Après avoir fortement développé des communications très focalisées ethniquement, les Etats-Unis s’orientent donc peu à peu vers une multiculturalisation. Cette méthode va au-delà de la différence puisqu’elle la mixe pour en tirer un visage cosmopolite, ni hispanique, ni asiatique, ni africain ou occidental.
C’est par exemple la méthode qu’a utilisé Mattel en 2002 en créant Kayla, la première Barbie « multiethnique« , dont les traits métissés rendent impossible l’identification de son origine ethnique. Ce mélange de tous les groupes ethniques présents aux Etats-Unis reflète ainsi le nouveau visage de l’Amérique.
Kayla, Barbie multiethnique
Kayla, Barbie multiethnique
Dans une campagne récente, Chrysler a également choisi de faire figurer dans ses publicités un acteur « racialement neutre« , ni trop blanc ni trop foncé, pour mieux refléter le nouveau visage de l’Amérique et cibler le plus grand nombre.
Une nouvelle démarche émerge donc aux Etats-Unis, à nouveau plus globalisante, mais qui prend aujourd’hui en compte la multiculturalisation, afin de créer un nouveau marketing de masse. Certains font du multiculturalisme depuis bien longtemps, comme General Mills.
A l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de Betty Crocker, la maman gâteau américaine de ses emballages depuis 1921, le fabricant de céréales avait en 1996 mixé 75 photos de ménagères américaines de toutes les ethnies afin de créer une image moderne de Betty. Celle-ci est aujourd’hui un mélange de femmes caucasienne, afro-américaine, latina et asiatique. 44
Betty Crocker aujourd'hui
Betty Crocker aujourd’hui
Le célèbre joueur de golf Tiger Woods est aussi un exemple significatif de l’Amérique multiculturelle puisqu’il se considère comme « Cablinasian » (Caucasian + Black + Indian + Asian), autrement dit Blanc, Noir, Indien et Asiatique ! Il refuse ainsi d’être catégorisé comme faisant partie d’une ethnie en particulier, ce qui ne plaît pas à certains membres de la communauté noire qui souhaiteraient qu’il se déclare comme l’un des leurs.
Tiger Woods, symbole de l’Amérique multiculturelle, est ainsi l’une des personnalités les plus demandées par les publicitaires, comme Nike qui en a fait son porte-parole contre 100 millions de dollars.5
Avec la crise économique, les publicitaires cherchent également à diminuer leurs dépenses et maximiser leurs profits. Le marketing « ethniquement neutre » permet ainsi de diminuer les budgets ethniques. Aux Etats-Unis, on commence donc à s’éloigner du marketing de masse et du marketing ethnique pour se diriger plutôt vers un marketing multiculturel.
Les consommateurs américains sont aujourd’hui des individus très différents les uns des autres, mais qui en même temps s’influencent mutuellement. On pourra ainsi voir un jeune asiatique écouter du rap afro-américain, s’habiller hip-hop et manger latino. Ce mélange d’influences crée une troisième culture, que les annonceurs ne parviennent pas toujours à cerner.
Bien que cette nouvelle démarche multiculturelle touche tous les âges, ce sont avant tout les jeunes qui sont visés. La nouvelle génération multiethnique, appelée génération Y ou millenium generation, pourrait ainsi représenter l’avenir des Etats-Unis.
Et cette jeunesse souhaite davantage voir des campagnes publicitaires qui soient multicolores plutôt qu’elles ne les visent séparément en tant qu’ethnies.
Les 60 millions de personnes nées entre 1979 et 1994 n’établissent plus de distinction entre les couleurs et sont beaucoup plus tolérants que leurs aînés, et un tiers d’entre eux n’est pas blanc.
Selon l’US Census Bureau, 42% des Américains qui se considéraient « multiraciaux » en 2000 avaient moins de dix-huit ans. Par ailleurs, les trois quarts des adolescents américains croyaient en 2002 à l’égalité des chances, quelle que soit leur couleur ou leur genre, et 65% pensaient que la Maison Blanche accueillerait un président de couleur.5
Les grandes figures du combat en faveur des droits civiques ne sont plus des références pour la génération Y. Désormais, les héros des jeunes afro-américains sont ceux qui imposent le respect par leur fortune.
Pour les adeptes du multiculturalisme, les publicités sont souvent soit monoethniques (noire, hispanique ou asiatique), soit anglo-saxonnes et donc blanches. L’Amérique du marketing ethnique prônerait ainsi la différence et la « ghettoïsation » au lieu d’intégrer ses minorités et de favoriser le melting pot.
Or, il est essentiel de cesser de penser en terme de race et de mettre en avant nos différences, mais il faut au contraire insister sur nos similitudes et transmettre un message multiculturel commun. Il ne suffit pas pour cela de montrer toutes les ethnies dans une publicité, mais il faut aussi que les personnes qui la conçoive soient issues de différentes origines ethniques.
Les « Spanglais » sont aussi le fruit d’un mélange d’influences qui a donné naissance à une identité commune multiraciale que tous les Latino-Américains partagent, quelque soit leur pays d’origine ou leur couleur de peau.45
Aux Etats-Unis, tout le monde célèbre par exemple la Saint-Patrick, et les professionnels du marketing mettent en avant l’universalité de cette fête pour attirer un maximum de personnes, et pas seulement les 40 millions d’Américains ayant des origines irlandaises. Nous ne sommes donc plus dans une idée de ségrégation mais plutôt de brassage culturel.
L’Amérique est aujourd’hui multiethnique, multicolore et multiculturelle. L’élection de Barack Obama en 2008, avec des scores impressionnants réalisés dans des Etats majoritairement blancs, prouve d’ailleurs que l’appartenance raciale ne joue plus un rôle majeur dans la campagne présidentielle américaine.
Les professionnels du marketing vont donc devoir s’adapter rapidement à cette Amérique où le communautarisme est peu à peu dépassé par le multiculturalisme.
Lire le mémoire complet ==> (Le marketing ethnique « made in USA » est-il transposable au modèle républicain français ?)
Mémoire de recherche – IEP de Toulouse

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le marketing ethnique made in USA est-il transposable au modèle républicain français ?
Université 🏫: Institut d’études politiques IEP de Toulouse
Auteur·trice·s 🎓:
Mlle Soraya Thonier

Mlle Soraya Thonier
Année de soutenance 📅: Mémoire de recherche - 2018
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