Efficience comparée voiture électrique et voiture thermique

II.2.3. Efficience comparée voiture électrique et voiture thermique
Maintenant que nous avons fait le tour des difficultés inhérentes au calcul de l’efficience énergétique et des émissions des voitures électriques, préalable essentiel à toute comparaison avec une voiture thermique, penchons-nous d’abord sur les résultats obtenus par quelques auteurs qui se sont essayés à calculer l’efficience. Nous reprenons les résultats pour l’efficience du réservoir à la roue dans le tableau ci-dessous :
Tableau 2 : Efficience énergétique du réservoir à la roue pour les voitures électriques
Efficience énergétique du réservoir à la roue pour les voitures électriques
Pour ce qui est des voitures thermiques, l’efficience est en comparaison bien moins grande en raison de plusieurs facteurs. D’abord, il se fait que le moteur thermique, plus encore que le moteur électrique, atteint son efficience maximum lorsqu’il est proche de son régime maximum. Or le régime maximum n’est que rarement atteint, surtout en circulation urbaine. Ceci explique que la consommation extra-urbaine est supérieure à la consommation urbaine pour les voitures thermiques [Kendall, 2008]. Ensuite le moteur à combustion interne perd une grande quantité d’énergie dissipée en chaleur dans le moteur lui-même. Enfin, parce lorsque le moteur est utilisé en conditions réelles dans le trafic, les arrêts aux feux et dans les embouteillages se font avec le moteur qui continue à tourner. Les calculs d’efficience de différents auteurs donnent les résultats suivants :
Tableau 3 : Efficience énergétique du réservoir à la roue pour les voitures thermiques
Efficience énergétique du réservoir à la roue pour les voitures thermiques
Comme nous l’avons vu, pour prendre en compte de façon plus adéquate les VE, il faut également se pencher sur ce qui se passe du puits au réservoir, afin de pouvoir calculer une vue d’ensemble du puits à la roue.
Tableau 4 : Efficience énergétique du puits au réservoir pour les voitures électriques
Efficience énergétique du puits au réservoir pour les voitures électriques
En ce qui concerne les voitures thermiques, faisons de même et voyons l’efficience du puits au réservoir :
Tableau 5 : Efficience énergétique du puits au réservoir pour les voitures thermiques
Efficience énergétique du puits au réservoir pour les voitures thermiques
On voit donc que pour une vue d’ensemble, du puits à la roue, les situations sont très contrastées. Les voitures électriques sont très efficientes du réservoir à la roue mais très peu du puits au réservoir et pour les voitures thermiques c’est exactement le contraire.
Tableau 6 : Efficience énergétique du puits à la roue pour les voitures électriques et les voitures thermiques
Efficience énergétique du puits à la roue pour les voitures électriques et les voitures thermiques
On remarque une grande disparité dans les chiffres avancés par les différents auteurs, surtout en ce qui concerne les voitures électriques. Ceci peut s’expliquer à notre avis par différentes raisons. D’abord par le manque de connaissances pratiques sur le sujet des voitures électriques. Malgré les tests en cours et la présence de quelques véhicules sur les routes, aucun constructeur n’a mis sur le marché un grand nombre de voitures électriques permettant de faire des moyennes précises pour des véhicules « grand public ». Ensuite par les évolutions technologiques qui ont lieu de façon plus spectaculaire dans le domaine des voitures électriques que des voitures thermiques de par leur nouveauté et les investissements massifs réalisés sous l’impulsion des constructeurs et plus récemment des pouvoirs publics. On peut par exemple estimer que l’utilisation de batteries au lithium a permis une augmentation de 10% de l’efficience du réservoir à la roue [EABEV, 2009 et Weiss, 2000]. Enfin aussi sans doute par l’orientation idéologique ou la source de financement de certains auteurs. On voit par exemple les chiffres retenus par Inter-Environnement Wallonie (IEW) plutôt prudents sur l’efficience des voitures électriques. Or cette prudence est revendiquée dans le texte même de l’étude qui fait référence à la désillusion des agrocarburants. Ces derniers, porteurs de grands espoirs auprès des défenseurs de l’environnement, se sont révélés d’après un grand nombre d’études pire que le mal qu’ils prétendaient combattre. Dès lors, « de nombreuses ONG d’environnement veulent avoir tout apaisement à ce sujet [les effets pervers des batteries] avant de se positionner sur la question » [IEW, 2010:10]. En ce qui concerne les voitures thermiques, IEW calcule une efficience plus optimiste que les autres auteurs, non pas pour faire la promotion des moteurs à hydrocarbures mais sans doute également dans le souci de ne pas comparer les voitures électriques avec des véhicules plus inefficients qu’ils ne le sont. Un autre auteur, pourtant également publié par une organisation qui se définit comme de « défense de l’environnement » (le WWF), se montre plus enthousiaste pour la voiture électrique. Kendall montre que la voiture électrique peut avoir un effet très bénéfique pour les émissions de CO2, surtout lorsque l’électricité est produite par une voie qui en rejette peu. Cela pousse à se poser la question de savoir si Kendall n’est pas influencé d’une façon ou d’une autre et s’il n’a pas un a priori en faveur de la voiture électrique, même s’il est difficile de répondre à cette question.
On ajoutera aussi bien sûr les difficultés méthodologiques que nous avons évoquées plus haut. Celles-ci peuvent sans doute expliquer les chiffres très optimistes d’efficience du puits à la roue avancés pour le véhicule électrique par l’étude de l’IEA. On peut supposer que toutes les sources de pertes d’efficience n’ont pas été considérées, surtout qu’à l’époque de cette étude les batteries au lithium qui auraient pu expliquer une efficience si haute n’équipaient pas encore les voitures électriques.
II.2.4. Émissions de gaz à effet de serre GES
Comme nous l’avons vu précédemment, c’est lors de la phase d’utilisation qu’un véhicule émet le plus de gaz à effet de serre GES et les véhicules électriques ne changent pas fondamentalement la donne. Pour rappel, l’ADEME considère que les émissions de gaz à effet de serre GES d’une voiture se répartissent entre 85% lors de la phase d’utilisation et 15% pour le reste du cycle de vie [ADEME, 2007 : 60-63]. D’autres auteurs estiment que la répartition est de 80% pour l’utilisation et 20% pour la construction [Ecolane, 2006]. En ce qui concerne les VE, ils sont réputés ajouter environ 7 à 15% d’impacts environnementaux à la phase de construction, ceux-ci étant dus à la fabrication de la batterie [Notter, 2010]. On comprend donc que mis à part l’entretien du véhicule, ce sera quasiment exclusivement la production d’électricité qui sera responsable, lors de l’utilisation d’une voiture électrique, des émissions de gaz à effet de serre GES. En partant de ce constat, la grande question à laquelle il faut répondre pour pouvoir comparer la voiture électrique et la voiture thermique est de connaître les émissions de la production d’électricité.
Or cette production d’électricité n’émet pas une quantité fixe de CO2, ce qui oblige les auteurs qui fournissent des estimations à poser des hypothèses et à fournir, pour certains d’entre eux, des résultats multiples. Le tableau ci-dessous offre une vue d’ensemble des résultats de quelques-unes de ces estimations, qui sont des analyses cycles de vie dont les résultats très différents s’expliquent principalement par le type de production d’électricité retenu par les auteurs pour leurs hypothèses.
Tableau 7 : Émissions de gaz à effet de serre des voitures électriques et des voitures thermiques selon différentes hypothèses

SourcePérimètreHypothèse(s) sur le mix énergétique pour l’électricitéÉmissions des véhicules thermiquesÉmissions desVEDifférence
IEW, 2010EuropeÉmissions de 465 gCO2/kWhe1310 gCO2/kWh910 gCO2/kWhe400 gCO2/kWh(-31%)
Kendall, 2008Europe(moyenne)Émissions de 370 gCO2/kWhe1460 gCO2/kWh*619 gCO2/kWhe841 gCO2/kWh(-58%)
Europe(Grèce)Émissions de 781 gCO2/kWhe1460 gCO2/kWh*1306 gCO2/kWhe154 gCO2/kWh(-11%)
Europe(Autriche)Émissions de 221 gCO2/kWhe1460 gCO2/kWh*370 gCO2/kWhe1090 gCO2/kWh(-75%)
Etats-Unis(moyenne)Émissions de 620 gCO2/kWhe1460 gCO2/kWh*1037 gCO2/kWhe423 gCO2/kWh(-29%)
Etats-Unis(Indiana)Émissions de 937 gCO2/kWhe1460 gCO2/kWh*1567 gCO2/kWhe107 gCO2/kWh(+7%)
Etats-Unis(California)Émissions de 273 gCO2/kWhe1460 gCO2/kWh*457 gCO2/kWhe1003 gCO2/kWh(-69%)
Boxwell, 2010Royaume- UniElectricité de nuit : émission de 330 gCO2/kWhe164,46 gCO2/km(Toyota Aygo)49,66 gCO2/km (Mitsubishi i- MiEV)114,8 gCO2/km(-70%)
Etats-UnisElectricité à base de charbon : émission de 990 gCO2/kWhe164,46 gCO2/km(Toyota Aygo)139,98 gCO2/km (Mitsubishi i- MiEV)24,48 gCO2/km(-15%)
Van Mierlo,2010BelgiqueEmissions moyennes du pays221 gCO2/km(essence, euro 5)51 gCO2/km170 gCO2/km(-77%)
BelgiqueEmissions moyennes du pays181 gCO2/km(diesel, euro 5)51 gCO2/km130 gCO2/km(-72%)
EABEV, 2009Europe en2006 (moyenne)Émissions de 443 gCO2/kWhe (et batterie au plomb)1435 gCO2/kWh**738 gCO2/kWhe697 gCO2/kWh(-49%)
Europe en2006 (moyenne)Émissions de 443 gCO2/kWhe (et batterie au lithium)1435 gCO2/kWh**616 gCO2/kWhe819 gCO2/kWh(-57%)
Belgique en2003Émissions de 290 gCO2/kWhe (et batterie au lithium)1435 gCO2/kWh**403 gCO2/kWhe1032 gCO2/kWh(-72%)
Boureima,2009Belgique en2009Emissions moyennes du pays-78%
Ecolane, 2006Royaume- UniEmissions moyennes du pays-43%
Ecolane, 2006Royaume-Electricité à partirAu moins -80%
SourcePérimètreHypothèse(s) sur le mix énergétique pour l’électricitéÉmissions desVTÉmissions desVEDifférence
Unid’énergies renouvelables

* = moyenne des émissions que Kendall rapporte pour les voitures à essence (1619 gCO2/kWh) et au diesel (1300 gCO2/kWh). Notons que cette moyenne, même si elle ne modifie pas fondamentalement la tendance observée, gomme des différences régionales qu’il faudrait sans doute prendre en compte. En Europe (et surtout en Belgique) les voitures au diesel sont nettement plus répandues [Eurostat, 2009] qu’aux Etats-Unis où leur nombre est plus confidentiel, autour de 4% [Sperling, 2009], ce qui conduit pour ce pays à une légère sous-évaluation des émissions en prenant la moyenne comme nous l’avons fait.
** = moyenne des émissions que l’EABEV rapporte pour les voitures à essence (1490 gCO2/kWh) et au diesel (1380 gCO2/kWh). Les remarques ci-dessus sont également d’application.
Si l’on compare les résultats d’IEW et de Kendall sur les émissions de CO2, on voit que par rapport aux calculs d’efficience réalisés, les différences sont encore plus prononcées. Par rapport à la moyenne de tous les auteurs, IEW a retenu une efficience basse pour la voiture électrique et haute pour la voiture thermique et par ailleurs des émissions de CO2 hautes pour la génération d’électricité et basses pour les moteurs des voitures thermiques. On arrive donc par rapport à l’écart d’efficience, qui n’était que faible pour ces deux auteurs, à des résultats beaucoup plus différents en ce qui concerne l’écart des émissions de CO2 entre la voiture électrique et la voiture thermique. On peut à vrai dire s’étonner des émissions de 465 grammes de CO2 par kWh retenues par IEW tant elles semblent éloignées de ce qu’on trouve dans d’autres sources publiées la même année. L’IEA par exemple les situe pour l’Europe à 343 grammes de CO2 par kWh pour la moyenne des années 2006-2008 [IEA 2010a : 107].
Les résultats de l’étude d’Ecolane montrent, par rapport aux autres études, un avantage moindre pour les voitures électriques, en termes de réduction de CO2. Ces résultats s’expliquent en fait par l’impact environnemental important retenu dans cette étude pour la fabrication des batteries. De l’aveu même des auteurs, l’avantage des véhicules électriques est relativement plus modeste qu’escompté, précisément à cause de la fabrication de batteries [Ecolane, 2006]. A l’époque, celles-ci étaient majoritairement des batteries au plomb et d’après les auteurs, si la phase d’utilisation des voitures électriques permet de diminuer très substantiellement les émissions, celles-ci sont importantes lors de la fabrication de la batterie. Il convient de rappeler qu’aujourd’hui plus aucun projet de VE, venant des acteurs importants de l’industrie automobile et même de plus petits fabricants, n’utilise cette technologie qui a été supplantée par les batteries au lithium.
Les chiffres présentés par Boxwell doivent être pris avec la plus grande prudence puisque, de son propre aveu, il n’a pas fait preuve d’une méthodologie scientifique pour les récolter. Il a au contraire réalisé un parcours qu’il décrit brièvement et qu’il a réalisé pendant l’hiver 2010. Par ailleurs, les voitures comparées, si elles sont de même taille, ne sont pas de masses semblables puisque la voiture électrique pèse environ 200 kg de plus que la voiture thermique (Toyota Aygo). On peut supposer que cette différence est due à la présence des batteries.66 De plus, la voiture thermique est une des voitures les plus sobres de sa catégorie puisque selon le cycle européen elle n’émet directement que 106 gCO2 par km. Pour autant, il nous semble intéressant de les présenter parce qu’ils s’appuient sur des tests grandeur nature et non de calculs réalisés en laboratoire, faits sur des voitures grand public et non des prototypes. Or les véhicules électriques n’étant arrivées que récemment sur le marché, surtout celles avec des batteries au lithium et produites à grande échelle, ce type d’information est très peu fréquent.
Lire le mémoire complet ==> (La voiture électrique : révolution ou fausse bonne idée ?)
Master en Sciences et Gestion de l’Environnement – Université Libre de Bruxelles
Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire
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65 En moyenne, pour une batterie au Lithium et ne serait que de 60% pour une batterie au plomb. En calculant sur la base du détail des chiffres fournis on arrive à un résultat de 64,8-79,6%.
66 Une estimation situe l’énergie par unité de masse des batteries de la Mitsubishi i-MiEV précisément à 80 Wh/kg. Voir http://www.greencarcongress.com/2008/05/the-battery-pac.html

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La voiture électrique : révolution ou fausse bonne idée ?
Université 🏫: Université Libre de Bruxelles - Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire - Mémoire de Master
Auteur·trice·s 🎓:

SURY Damien
Année de soutenance 📅:
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