Origine culturelle de la faiblesse du tourisme sportif

Origine culturelle de la faiblesse du tourisme sportif

1.1.9 L’origine culturelle de la faiblesse organisationnelle du tourisme sportif

Intégrer les prestataires de service sportifs dans l’industrie touristique exige d’eux un certain nombre de comportements qui relève du domaine marchand. « Échanger et faire du commerce, c’est développer une qualité d’écoute, d’accueil et de service à la clientèle » (Lefeuvre, 2001, page 7). Ces comportements sont peut-être légèrement différents de ceux habituellement en vogue chez les professionnels de l’animation sportive.

Le développement d’une offre de service rationnelle et adaptée à l’industrie touristique implique que les moniteurs de ski, les guides, les maîtres nageurs, les moniteurs de voile,…, intègrent l’offre de service.

Les acteurs intègrent le « package » essentiellement sous la forme d’une simple composante de la prestation, à l’identique de la chambre d’hôtel, du repas ou du véhicule de transport. Il est aisé de concevoir que cette représentation heurte les professionnels du sport.

Comment résoudre ce problème communicationnel qui s’établit entre le guide de haute montagne et ses clients : Le professionnel de la montagne à tendance à rejeter les flots de touristes qui déambulent en chaussures estivales et « piétinent ses sommets ». En retour, les clients perçoivent l’image d’un professionnel rustique au caractère austère et à la personnalité renfermée. À l’identique, la communication qui s’instaure entre le commandant de bord qui regarde d’un mauvais œil, les estivants, en bermuda estival et chemises hawaïennes, qui «envahissent son navire » et donne en retour aux visiteurs l’image d’un professionnel austère, avec un éventuel penchant pour la boisson,…. Ces comportements ont leurs conséquences.

Par exemple, seulement un tiers des guides de haute montagne arrive réellement à vivre de l’activité d’accompagnement sans métier complémentaire et les cadres du nautisme ne travaillent effectivement qu’en période estivale. Ces propos témoignent d’une origine culturelle au problème fonctionnel de l’offre de tourisme sportif.

En tourisme, les acteurs ne perçoivent pas les visiteurs comme une gêne dans l’activité ; la prestation de service s’envisage simplement comme une finalité du travail. À l’inverse, chez les professionnels du sport, la représentation habituelle du tourisme réside essentiellement dans des masses de population à la recherche de consommations rapides, d’envahissement d’espaces naturels et de sensations physiques superficielles, sans réel engagement personnel.

Le problème prend toute son ampleur quand on considère que la qualité d’une offre est perçue par les clients sur l’intensité de la communication qui s’établit avec les professionnels de l’activité.

La maîtrise de la qualité de cette communication, de nature générale, technique et pédagogique est indispensable dans une prestation de service sportif, essentiellement lorsque l’on cherche la pérennité et le développement durable de l’offre.

Le développement du tourisme sportif se heurte à plusieurs problèmes d’ordre culturel :

– Pourquoi l’offre de service ne cherche-t-elle pas à se qualifier ? Émanant des professionnels des loisirs sportifs, les critères de qualification sont habituellement de nature technique et n’intègrent pas les qualités humaines d’aptitude à la relation publique. À l’inverse, « les professionnels rassemblés dans une offre touristique sont habituellement dotés d’un label de qualité qui représente le fer de lance promotionnel de leur offre de prestations.

La tendance s’oriente vers des labels mariant technicité et authenticité » (Haneau, 1998, page 297-308).

– Pourquoi l’information et la formation ne s’y développent pas ? Les professionnels du sport participent habituellement à des stages de formation et à des sessions d’évaluation.

Mais ces habituels stages de recyclage visent le maintien des qualifications sportives et non un décloisonnement de leur qualification fortement technico-éducative. Elle ne permet pas de faire face à l’absence de réflexion globale, intégrant le contexte social, économique et psychologique dans un échange interdisciplinaire entre les différents prestataires.

Les formations, habituellement dispensées par les chambres de Commerce et les Pôles Touristiques, sont difficilement suivies par l’ensemble des responsables de structures sportives, les contenus de formation qui sont élaborés dans une logique de transmission se retrouvent dans l’impossibilité d’apporter la dynamique de changement au sein des structures.

– Pourquoi les organisations ne développent pas leurs outils ? Dans les entreprises sportives prédominent les préoccupations de terrain et d’action. L’intégration de nouveaux outils comme la bureautique apparaît difficile car elle implique d’élargir les compétences à des activités tertiaires : devis, commercialisation, commande, suivi des prestations des clients… Les organisations ludosportives plaquent généralement les nouveaux outils technologiques sur leur organisation existante, sans s’efforcer d’intégrer à l’utilisation de micro-ordinateurs, la réflexion sur l’organisation, la formation et l’évolution des qualifications.

De plus, « le monde du tourisme est un secteur où l’utilisation de la communication informatique est omniprésente : émission de titres de transport aérien, ferroviaire, nautique ou terrestre ; réservation de chambre d’hôtel, de table de restaurant, de prestation de loisirs,… » (Huet, Rabeyrin, 1997, page 290).

Cette technologie vise habituellement à s’intégrer au fonctionnement des prestataires sportifs mais n’impliquent pas un changement dans leur manière de travailler. Dans l’entreprise de tourisme sportif, l’arrivée des technologies de l’information transforme simplement la communication commerciale. L’ensemble des clientèles est répertorié dans des fichiers informatisés.

– Pourquoi de nouvelles activités n’y apparaissent pas ? Les entreprises lancent habituellement des projets de nouvelles activités, souvent avec l’aide de conseils extérieurs. Les organisations, par des projets marqués par le bon sens, la gravité ou l’émotion, se découvrent dans la globalité de leurs activités, révélant des potentialités inexploitées et des insuffisances.

Toute prise de conscience provoque habituellement une envie de progresser, un espoir de renouveau, une volonté de s’engager dans un projet où chacun perçoit mieux sa place et peut davantage se réaliser. S’engager dans ces projets permet de dépasser l’habituelle fonctionnalité de l’offre sportive.

Bien que leurs acteurs proclament briser la formule : l’esprit pense et le muscle exécute, ce n’est pas ce que l’on constate dans les organisations. Dans l’entreprise de loisirs sportifs, la maîtrise technique (animation, enseignement, éducation) occupe une place prépondérante devant les aptitudes à la communication. Pourquoi les compétences techniques effacent les qualités humaines (respect de la parole donnée, attitude d’attention, écoute des autres,…).

Cette réalité sociale est prise en compte au sein des entreprises où « Indépendamment des objectifs habituels d’animation, la communication au sein de l’équipe doit contribuer à instaurer en permanence une vision saine de la situation, ce qui peut être obtenu notamment en échangeant régulièrement sur des informations élaborées en commun » (Herniaux, 1998, page 42). Chez les acteurs du tourisme sportif, la culture technique et éducative domine et affecte la dimension managériale.

– Pourquoi la polyvalence des acteurs ne se développe pas ? Traditionnellement, dans l’entreprise de prestation sportive, le professionnel reste souvent synonyme de spécialisation d’activité. Le travail ne cherche pas à gagner en autonomie où chaque acteur reste

étroitement spécialisé dans son domaine sportif. L’activité professionnelle ne s’effectue que très peu de manière pluridisciplinaire et favorise la communication sur le produit sportif plutôt que le fonctionnement global de l’entreprise (Giddens, 1994).

Ce questionnement témoigne que le secteur des organisations sportives est globalement peu orienté vers une recherche d’évolution et de développement. Toute stratégie de développement implique l’organisation dans un processus de transformations technologique et culturelle, le re engineering, que Jacob traduit par les termes de « reconfiguration, de reconception des processus de l’entreprise, ou encore de recomposition organisationnelles » (Jacob, 1994, page 304), ne repose plus seulement sur la qualification sportive et éducative de ses acteurs.

Un exemple, extrait des propos émanant d’une personnalité institutionnelle lors d’une prise de contact préalable, matérialise les défaillances de l’offre sportive :

– Une vente réalisée lors du salon nautique de Paris concerne un stage de voile d’une semaine sur la Côte d’Azur. La prestation de transport est assurée par le Groupe Air France, l’une des plus importantes compagnies aériennes à l’échelon mondial, les prestations d’hébergement et de restauration sont assurées par un hôtel trois étoiles, correct établissement indépendant, mais à la vocation essentiellement balnéaire et sans culture sportive.

En fin de parcours, la prestation sportive est dispensée par un club nautique, association à but non lucratif dont l’objet est principalement éducatif et compétitif, déviant occasionnellement vers une vocation ludique pendant la période estivale.

– Ce type de produit combiné, présenté au célèbre salon du tourisme de Paris en 2000, n’a intéressé qu’un seul couple de clients, auteur de l’unique achat enregistré dans la saison suite à la création de cette gamme de produits ! Bien que le coût global du service soit élevé pour les clients, on constate que le cœur de la prestation, c’est-à-dire l’exercice de la pratique sportive, est la composante qui présente le plus de lacunes : un matériel obsolète car l’équipement performant est réservé à la compétition. Un encadrement faiblement professionnalisé, car assuré par un jeune moniteur en stage de formation fédéral.

L’absence de fourniture de vêtements spécifiques pour la pratique. La disponibilité de vestiaires se composant d’une simple salle mixte, présentant un mauvais état des sanitaires avec une douche disponible en eau froide et dont la propreté reste aléatoire.

Un tel montage n’a aucune possibilité de favoriser le développement de l’offre nautique. La recherche s’interroge sur les causes de ce type d’échec qui se déroule dans une conjoncture socio-économique favorable.

Le paradoxe entre une conjoncture socio-économique nettement favorable, une disponibilité de modèles organisationnels relativement aisés à mettre en œuvre et l’absence de développement de l’offre de tourisme sportif l’entraîne à émettre une problématique de nature culturelle.

Problématique du développement du tourisme sportif :

La conjoncture du tourisme démontre bien qu’elle est propice au développement de l’offre sportive et que des modalités organisationnelles sont disponibles pour en permettre le développement.

Ces modalités sont issues de l’expérience de l’industrie du tourisme dont l’offre de sport de loisir se rapproche et devrait s’y intégrer logiquement, à l’image du secteur ludosportif des pays anglo-saxons. Bien que les contextes de consommation sportive et touristique, prises séparément, semblent favoriser la constitution d’une réelle offre de tourisme sportif, on constate une absence flagrante de cohérence et de mise en conformité avec les attentes du client. La réalité témoigne même d’une stagnation de ce secteur d’activités.

Explorer la stratégie de développement des organisations sportive fait apparaître une problématique culturelle. Tout développement du secteur des organisations sportives implique pour les acteurs d’intégrer un ensemble de comportements et de pratiques spécifiques à la matérialité professionnelle marchande qui doit se métisser avec les représentations professionnelles du domaine sportif.

Le problème du développement de l’offre de service sportif semble de nature culturel. Il implique d’explorer comment la communication interne de l’entreprise de tourisme sportif se construit. L’exploration embrasse la globalité humaine et sociale des acteurs de l’entreprise avec leurs clients.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le tourisme sportif en quête d’identité
Université 🏫: Université de Nice Sophia-Antipolis - Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines
Auteur·trice·s 🎓:
Auteur : Bernard Massiera - Directeur de recherches : Professeur Paul Rasse

Auteur : Bernard Massiera - Directeur de recherches : Professeur Paul Rasse
Année de soutenance 📅: Thèse de doctorat de 3° cycle - Année 2007
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