Modes vestimentaires chez les adolescents

Université Paris-Descartes – Paris V
Faculté des sciences humaines et sociales

Magistere de sciences sociales appliquees a l’interculturel
dans les organisations, la consommation et l’environnement

Mémoire de recherche Master 2
Modes vestimentaires chez les adolescents : Construction de l’identité et du lien social
Modes vestimentaires chez les adolescents : Construction de l’identité et du lien social

Sous la Direction de
D. Desjeux et F. de Singly

Par : Dominique Lenoir Laborderie

JUIN 2008

Introduction

Pour Condorcet, l’acte de se vêtir est le « signe qui sépare l’homme de l’animal », c’est aussi une activité décisive dans l’instauration de tout processus de socialisation.

Echappe-t-il à toute tentative de rationalisation ? Relève-t-il du domaine du symbolique et de l’imaginaire ?

Nous en analyserons les pratiques et les représentations chez les adolescents de 14 à 17 ans dans le cadre de ce mémoire.

Pour G. Lipovetski, c’est justement à l’âge de la jeunesse que les goûts et les préférences esthétiques sont les moyens principaux d’affirmation de la personnalité.

Les vêtements sont des objets du quotidien pour les adolescents, des objets du paraître, mais aussi de l’être.

Ce sont les signes parmi les plus spectaculaires de l’affirmation du Moi.

À ces titres, ils participent pleinement à la construction identitaire et à celle des liens sociaux, dimensions-clés à l’adolescence.

Le vêtement est un analyseur de la teneur du lien social au sein de la famille et des pairs, et du rapport à soi.

Nous analyserons le paraître d’abord vis-à-vis des parents, puis du cercle intime et des pairs, le poids des autrui significatifs dans la validation de ce paraître, de cette mise en scène de soi.

Acteur social, l’adolescent voit son statut évoluer au sein de la cellule familiale.

En écho, il évolue au sein de toutes les instances de socialisation, dont le collège ou le lycée, et se recompose au sein du groupe de pairs.

Dans nos sociétés modernes, nous sommes passés pour l’éducation des enfants d’un schéma de reproduction basé sur la transmission de contenus figés à un schéma de construction permanente dans lequel la consommation, les médias, la publicité trouvent leur place à côté et en complément de la formation académique à l’école.

L’adolescent devient progressivement acteur de son apprentissage.

Nous tenterons de voir comment l’éducation parentale se joue dans la consommation vestimentaire de ces adolescents.

Dans notre société contemporaine, le règne du look et de la mode s’est généralisé.

L’individu se donne à voir à autrui par ses apparences corporelles.

Le corps est mis en scène.

Les vêtements sont utilisés comme autant de signes arborant un affichage identitaire (J.C. Kaufmann, 2002).

Les adolescents, dignes représentants de leur époque, bricolent leur apparence, « leur habit fait le moine ».

L’adolescence est l’âge du questionnement identitaire, non pas tant l’identité sociale que l’identité subjective, c’est-à-dire le sentiment qu’a l’adolescent de lui-même, de son image, de ses idées, de ses engagements et de ses choix.

L’identité ne peut être séparée de la socialisation (Renaud Sainsaulieu), aussi nous nous attacherons dans ce mémoire à présenter le rôle des pratiques vestimentaires dans leur questionnement identitaire et leurs expérimentations, dans la sociabilité des adolescents et dans la construction de leur autonomie relationnelle vis-à-vis de leurs parents ou de leurs pairs.

Le vêtement est porté afin d’être vu.

Il y a une intentionnalité qui par là même fait du vêtement une zone de contact entre les individus, entre celui qui donne à voir et qui contemple.

Il médiatise les relations de l’individu à autrui et au monde.

Nous chercherons à analyser ce qui organise collectivement les comportements individuels : les enjeux et les contraintes matérielles, les normes sociales, les effets de cycle de vie et d’appartenance sociale que ce soit dans l’achat vestimentaire, la présentation de soi, l’interaction avec les pairs au collège et au lycée.

Les adolescents sont confrontés aux normes sociales vestimentaires, qu’elles soient parentales, institutionnelles (scolaires) ou forgées par les pairs.

Leur volonté d’être soi demeure immergée dans une trame d’injonctions ambiantes, changeantes car tirées par la mode.

Ils cherchent à se plier aux goûts des autres et en même temps à s’en émanciper.

Quels sont les autrui significatifs dans la validation de la présentation de soi : les parents, le cercle des intimes ou les pairs ?

Quelles sont les interactions au sein des autrui significatifs, quel est l’effet de cycle entre le collège et le lycée ?

Les deux univers prescripteurs que sont les parents et le groupe de pairs entrent plus ou moins en rivalité selon les moments, les occasions.

Nous analyserons les tensions entre les normes parentales et les normes des pairs, la volonté des adolescents de s’y conformer ou de s’en émanciper en fonction du type de relations qu’ils entretiennent avec leurs parents et leurs pairs, en fonction de leur âge et de leurs contraintes.

Au final, la problématique à laquelle sont confrontés les adolescents est d’affirmer leur personnalité au travers de leur parure en mettant à distance leurs parents, mais aussi leurs pairs sans compromettre le lien social.

Méthodologie

Nous avons pris le parti de n’interroger que les adolescents et d’analyser au travers de leur discours les relations qu’ils entretiennent avec leurs parents et l’éducation qu’ils reçoivent.

Pour procéder à cette recherche, nous avons réalisé des entretiens semi-directifs auprès de 14 adolescents : 7 collégiens et 7 lycéens, mené un focus group dédié aux normes vestimentaires par genre et aux changements liés au passage du cycle collège au cycle lycée avec 6 lycéens et réalisé 5 séances d’observation dans une classe de 3ème au collège Roger Martin du Gard à Epinay sur Seine (93).

La grande majorité des entretiens se sont déroulés dans la chambre des enquêtés afin de pouvoir y observer l’agencement et la place réservée aux vêtements, leur condition de rangement, mais aussi laisser aux adolescents la possibilité de me montrer les vêtements et les accessoires auxquels ils tiennent ou dont ils me parlent.

Il était aussi important pour moi d’être au contact des adolescents dans leur environnement personnel pour découvrir leur passion au travers de la décoration de leur chambre et leur équipement informatique.

Deux adolescents ont préféré que l’entretien se fasse à l’extérieur de leur chambre pour cause de rangement insuffisant.

Nous avions pris le soin de préciser au moment de la prise de rendez-vous que nous souhaitions les photographier dans leur tenue préférée, cela a permis d’entamer le dialogue sur du concret par leur propre description de cette tenue et de leur faire expliquer les raisons de leur préférence, ses lieux d’achats et le processus et l’itinéraire d’achat.

L’enquête s’est déroulée à Paris et en banlieue parisienne (92 et 93) de janvier à avril 2008.

En raison de leur charge scolaire (présence au collège ou lycée + temps consacré aux devoirs), les adolescents disposent de peu de temps en semaine pour un entretien d’une durée de 2 heures.

Les moments à privilégier pour la conduite d’entretien sont donc le week-end et les vacances scolaires.

S’appuyant sur notre réseau personnel et sur les élèves de la classe de 3ème d’Epinay, l’échantillon intègre des extrêmes en terme de classes sociales, mais est plus défaillant sur les classes moyennes.

Ma position d’adulte et de mère d’adolescente influe sur les réponses des adolescents quant aux relations avec leurs parents, et rend difficile la possibilité de me voir confier des actes illégaux (vols, bizness…).

Familière de certaines marques, j’ai élargi mes connaissances au travers des marques fétiches des rappeurs et des skaters.

De plus, j’ai découvert de nombreuses appellations ou désignations de clans, de tribus comme celle des « chals », ceux qui aiment frimer, montrer leur argent au travers de leurs vêtements et accessoires.

À l’origine, le mot avait un lien avec l’origine juive, mais il s’est depuis élargi au-delà.

Leur détail est précisé dans un glossaire en annexe.

Le tableau ci-dessous présente les adolescents interviewés que ce soit en entretien individuel semi-directif ou en focus group, certains ayant participé aux deux exercices.

PrénomRésidenceClasseExerciceDurée
SaloméNeuilly 923èmeentretien1H 30
AxelleParis3èmeentretien2H
PhilippineParis3èmeentretien2H
MaïmounaEpinay 933èmeentretien2H
ValentineNeuilly 922ndeentretien2H
LaetitiaParis2ndeentretien2H
LaurencePerpignan 661èreEntretien + focus group1H30 +1H
MathildeAsnières 921èreentretien2H
MaylisGagny 931èrefocus group1H
PrénomRésidenceClasseExerciceDurée
GrégoryNeuilly 923èmeentretien2H
VincentNeuilly 923èmeentretien2H
EdouardNeuilly 923èmeentretien2H
DanGagny 932ndeentretien + focus group1H30 +1H
DavidGagny 932ndeentretien + focus group1H30 +1H
PierreGagny 932ndefocus group1H
NathanGagny 932ndefocus group1H
Jean-BaptistePontoise 95Terminaleentretien1H30

Enfin, quant à la classe de 3ème d’Epinay sur Seine, elle comporte 19 élèves âgés de 14 à 15 ans, 8 garçons et 11 filles.

G. Lipovetski, L’empire de l’éphémère, Gallimard, 1987
Mead Georges Herbert. . Le Moi, le Soi et la société (1994), Paris, PUF. 1965

Table des matières

Introduction
I. L’adolescent individu et consommateur
A. Les dimensions identitaires
1. Le collégien/lycéen
2. Le membre de la famille ou fratrie
3. L’ami(e)
4. Le sportif
5. Le passionné
6. Le polyglotte, le multiculturel
B. L’argent de poche, source d’autonomie
C. Les achats entre autonomie et dépendance
1. Le poids économique des jeunes
2. Les achats en famille ou avec des pairs
3. Le choix du lieu d’acquisition et de l’objet
4. La validation parentale au retour
5. Les pratiques de repérage et de prise d’information
6. Les politiques de rangement et de refroidissement
7. Les achats : signes de construction identitaire
8. Les motivations : Consommer pour le plaisir
D. La mise en scène de soi
1. Le choix des vêtements au quotidien
a) Les accessoires, marqueurs d’appartenance religieuse ou de mémoire
b) Le timing et les essayages, révélateurs de l’investissement personnel
2. La mise en scène occasionnelle ou festive
a) Les enjeux pour les fêtes entre amis
b) Les codes et les influences
3. Un style pour soi
a) L’évolution du style selon le cycle de vie
b) L’Imitation
(1) L’imitation des pairs, l’uniformisation
(2) L’imitation prestigieuse, les icônes
(3) Les Marques : imitation ou distinction ?
c) La Distinction
(1) La recherche d’originalité, de différenciation
(2) La recherche de nouveauté et la perception de la mode
(3) L’opposition aux parents
4. Un style pour les autres
a) la mise en scène de soi, le personnage
b) la recherche du regard de l’autre, approbation ou séduction
c) le désintérêt affiché
II. L’education parentale au travers de la presentation de soi de L’adolescent
A. L’éducation autour d’autonomie et de règles
1. Le prescrit, le permis, les réticences et l’interdit
2. La valeur perçue des vêtements et la gestion des demandes onéreuses
3. Les valeurs transmises, les récompenses et les punitions
4. L’autonomisation ou le contrôle
B. La négociation avec les parents, une liberté sous condition
1. Les arguments et menaces
2. Les stratégies employées
a) Le report jusqu’à l’anniversaire ou Noël
b) La persévérance
c) Le recours aux grands-parents
d) L’auto-financement
e) L’alliance au sein de la fratrie
C. Des relations plutôt pacifiées
1. La confiance
2. Le contrôle
3. Les conflits et crises
4. Le partage
III. L’adolescent et ses pairs: le rôle de l’apparence dans les liens sociaux
A. La mode et les pairs
1. La mode, ciment, sujet de discussion et de jalousie
2. Le cercle intime : la sphère chaude
a) L’apparence parmi les critères d’élection
b) Le prêt de vêtement entre amis ou frères et sœurs
c) Le shopping ensemble, une des expérience partagées
d) Les conseils et les influences des amis ou de la fratrie
e) La fusion ou la différenciation avec les amis proches
3. Signe de distinction : une identité personnelle
4. Signe d’imitation : une identité générationnelle
B. L’intégration, la norme des pairs
1. La perception de soi par les autres
2. Les facteurs d’intégration : la mode comme norme
3. L’homogénéité au collège
a) Des interdits institutionnels plus prégnants
b) Des signes religieux stigmatisants, source d’exclusion et de violence
c) Des rapports garçons-filles plus rigides
4. Une plus grande tolérance au lycée ?
5. Les normes vestimentaires par genre
6. Les normes selon le territoire
a) La domination masculine dans les cités
(1) L’uniforme du jogging pour les garçons
(2) Une féminité étouffée : les filles-garçons
b) Le ou la bourgeois(e) et sa pâle copie à Perpignan
c) Les diktats selon les arrondissements parisiens le 7ème versus le 16ème
7. L’aura des leaders
a) Les leaders de goût
b) L’impact des critiques
8. Le poids des marques et le recours aux copies pour s’intégrer
C. L’exclusion
1. La catégorisation
2. Les signes objectifs des goûts musicaux ou sportifs
3. Les tribus, une juxtaposition de styles hétéroclites, source d’affirmation
4. La bande, un imaginaire médiatisé
5. L’exclu
6. Propositions de typologie
IV. Conclusion

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Modes vestimentaires chez les adolescents
Université 🏫: Université Paris-Descartes – Paris V - Faculté des sciences humaines et sociales
Auteur·trice·s 🎓:
Dominique Lenoir Laborderie

Dominique Lenoir Laborderie
Année de soutenance 📅: Mémoire de recherche Master 2 - JUIN 2008
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