Les ventes à distance et l’application de la TVA

Les ventes à distance et l’application de la TVA

§3. Les ventes à distance

Comme on l’a vu, avant 1993, les importations étaient taxables auprès du preneur, ce qui imposait même aux particuliers de se rendre à la recette de douanes pour acquitter la TVA.

Or, depuis 1993, les achats réalisés par des résidents de l’Union européenne dans un autre Etat membre sont taxés au taux applicable dans cet autre Etat, à l’exclusion des moyens de transport neufs. La TVA est acquittée à l’introduction du bien meuble corporel sur le territoire et le taux de TVA de l’Etat d’origine est appliqué sur la valeur de l’opération.

Tant que le client est un assujetti, il est redevable de la TVA, qu’il déclare spontanément selon le mécanisme de l’auto liquidation. C’est pourquoi, dans les échanges de biens entre assujettis, il n’y a pas de problème particulier au regard du régime préexistant.

En revanche si le client est un non-assujetti, c’est le régime des ventes à distance qui s’applique et le redevable reste, quelle que soit la TVA qui à vocation à s’appliquer, le prestataire.

Il s’agissait lors de l’introduction de ce régime d’éviter que les clients non-assujettis subissent des obligations fiscales pour lesquelles ils ne sont pas avertis, ce qui aurait conduit à créer des distorsions de concurrence en raison de l’établissement des prestataires.

Les particuliers peuvent ainsi se déplacer librement dans le marché intérieur sans être soumis à des formalités et des contrôles fiscaux ou douaniers, que ce soit à l’occasion d’un déménagement, ou plus généralement d’un voyage au cours duquel ils transportent des biens destinés à leur usage personnel ou des cadeaux. Cela implique cependant que le vendeur ne se charge pas de l’expédition ou du transport de la marchandise à destination de l’autre Etat membre. Dans le cas contraire, il doit appliquer le régime des ventes à distance.

Comme on l’a vu, la 6ème directive du 17 mai 1977 (n°77/388/CEE) a institué un principe général en matière d’échange intracommunautaire de biens, selon lequel le lieu de livraison des biens meubles corporels est situé au lieu de départ de l’expédition ou du transport. Cependant, le régime des ventes à distance constitue une exception à ce régime de droit commun.

Les articles 258 A et 258 B prévoient en effet une modification des règles de territorialité de la TVA. Ce régime n’a vocation à s’appliquer que dans les transactions intra-communautaires et non dans les relations entre Etat membre et pays tiers.

Ce dispositif a pour principal objectif d’éviter que les particuliers profitent de taux de TVA moins élevé dans d’autres pays de la Communauté européenne.

Le régime fiscal des ventes à distance a donc pour objectif d’éviter que les particuliers ne bénéficient de taux de TVA moins élevé en achetant des biens de consommation à l’étranger, et ce, notamment grâce à aux moyens de communication de plus en plus diversifiés.

La vente à distance est un mode particulier de distribution dans lequel le message imprimé ou transmis à distance constitue le vecteur principal pour offrir des produits ou des services à une clientèle de particuliers ou de professionnels.

Si son objectif essentiel ne diffère pas des autres formes de distribution, à savoir la rencontre des offres et des besoins, elle y tend, par des méthodes et des moyens qui lui sont propres. La vente à distance se caractérise par les aspects suivants :

  •  Le vendeur et le client ne sont pas en présence « physique » l’un de l’autre
  •  L’offre est transmise à distance au client par différentes méthodes telles que : catalogues, messages adressés ou non, annonces-presse, téléphone, télévision hertzienne ou câblée, vidéotex, audiotex, Internet.

Le régime des articles 258 A et 258 B vise seulement les biens meubles corporels. Si la vente à distance n’est pas un concept novateur, Internet, mais aussi la téléphonie mobile donc les nouveaux moyens de communication, tendent à bouleverser les méthodes commerciales et les qualifications juridiques qui y sont attachées. Ainsi, la commande d’un CD de musique, d’un DVD ou d’un logiciel sur un site web entre dans le champ de ces dispositions quand le bien est livré matériellement à l’acquéreur. A contrario, le téléchargement de ce même contenu requalifie l’opération en prestation de service, ce qui l’exclu donc du champ d’application de ce régime.

Trois conditions cumulatives sont requises pour l’application de ce régime :

  1. – Les livraisons doivent porter sur des biens qui sont expédiés ou transportés par le vendeur, ou pour son compte, à destination de l’acquéreur.Le vendeur est assujetti à la TVA ne bénéficiant pas de la franchise.
  2. – Les livraisons doivent être effectuées de la France à destination d’un autre Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat membre vers la France.Ce régime ne s’applique pas aux livraisons réalisées dans le cadre des échanges avec les pays et territoires tiers sauf les exceptions prévues à l’article 258 B II (biens exportés ou transportés à partir d’un Etat tiers pourvu qu’ils aient fait l’objet d’une importation par un vendeur d’un Etat membre).
  3. – L’acquéreur doit être soit un particulier, soit une personne bénéficiant du régime dérogatoire à la taxation des acquisitions intra-communautaire (PBRD), dont un non-assujetti à la TVA.

A titre d’exemple, au regard des conditions précitées, on constate que les transactions réalisées par le biais de sites marchands sur Internet sont susceptibles d’être soumises à ce régime dès lors qu’elles se formalisent par la livraison matérielle d’un bien meuble corporel. Il faut donc envisager deux cas successifs selon que la France est ou non le point de départ de la livraison par les canaux traditionnel d’une vente conclue en ligne.

Vente à distance à partir d’un Etat membre vers la France

L’article 258 B vise deux types de situations. Il s’agira de ventes à distances quand le point de départ de la transaction est situé :

  •  dans un autre Etat membre.
  •  ou dans un pays ou territoire tiers si les produits objets de la vente sont importés sur le territoire d’un autre Etat membre par le vendeur.

La France a fixé son seuil à 100 000 euros hors TVA et il ne faut pas que le montant de ce seuil ait été dépassé l’année civile précédente.

Dès lors, quand le montant des 100000 euros est atteint, le lieu de livraison est situé en France pour les livraisons ultérieures. On calcule le seuil par l’addition des montants hors TVA des ventes à distance réalisées à partir de l’Etat membre de départ, par le vendeur ou pour son compte, à destination de la France.

Mais si le seuil des 100000 euros n’est pas atteint, le lieu de la livraison est considéré comme étant situé dans l’Etat membre de départ.

L’article 258 A I 2° du CGI permet, dans l’hypothèse où les conditions de seuil ne sont pas respectées, afin d’éviter que le lieu des ventes à distance ne se trouve dans l’Etat de départ des biens, au vendeur d’opter auprès de l’Administration fiscale pour que le lieu de ses ventes à distances se situe dans l’Etat membre d’arrivée des biens.

Vente à distance à partir de la France vers un autre Etat membre

Par exception, aux règles de territorialité l’article 258 A du CGI prévoit que le lieu de livraison n’est pas situé en France quand le montant total des ventes à distances à destination d’un Etat membre réalisé par le vendeur français est supérieur au seuil fixé par cet Etat.

En effet, le seuil est fixé par chaque Etat membre, pouvant opter pour un seuil de 35 000 ou 100 000 euros .

Cependant, on considère que le lieu de la livraison est situé en France quand le montant des ventes à distance réalisées par le vendeur français est inférieur au seuil fixé par l’Etat sauf si le vendeur a opté pour que le lieu de ses livraisons soit situé dans l’Etat membre d’arrivée. On prend alors en compte le montant total des livraisons hors TVA.

Il convient de vérifier que l’ensemble des conditions permettant l’assujettissent et la taxation à la TVA sont réunies dans l’opération conclue en ligne en vue d’obtenir une livraison physique d’un bien meuble corporel.

Ceci impose de préciser la nature de la relation entre les opérateurs et l’objet de l’opération.

En effet, dans le cadre des sites de vente aux enchères, par exemple, les articles 258 A III et 258 B III excluent du régime des ventes à distance les biens d’occasion, œuvres d’art et antiquité dont les vendeurs appliquent le régime de la marge bénéficiaire.

Il convient donc, pour chaque cas d’espèce, de vérifier que les conditions pour ouvrir droit au régime des ventes à distance sont réunies. De même si la vente a lieu entre deux particuliers, le régime n’a pas vocation à s’appliquer, surtout si c’est à titre occasionnel.

Ce régime spécifique est à l’origine de fraudes dans la mesure où aucun dispositif de contrôle fiable du volume des ventes directes à des particuliers dans l’Etat de destination n’est possible.

Ce régime peut donc sembler imparfait dans la mesure où les différences de taux au sein de la Communauté européenne et les difficultés liées au contrôle des seuils, à la charge de chaque Etat pour son compte, peuvent amener à appliquer la TVA du pays de départ qui peut donc être plus faible.

Si en revanche, un consommateur recourt à l’achat d’un produit en ligne, auprès d’un fournisseur qui n’est pas établi dans l’Union européenne, le régime des ventes à distance ne peut s’appliquer, et dans l’hypothèse où le preneur est un non-assujetti, et qu’il est le destinataire final de cette importation, il doit s’acquitter de la TVA en douane, qui constitue pour lui un coût supplémentaire au regard du prix facturé.

Les marchandises importées d’un état extérieur à l’UE doivent en principe supporter la TVA, au point d’entrée de la marchandise sur le territoire communautaire. Le cas échéant, si le fournisseur livre un preneur assujetti français, la TVA est déductible de la TVA qu’il facture à son client en raison de cette livraison.

Toutefois, dans les faits, les consommateurs échappent à la taxation. Ceci n’est pas du seul fait de la distance des transactions effectuées par internet, il existe également dans les ventes à distance traditionnelles, issue d’une commande téléphonique ou internet.

« Théoriquement, chaque paquet passe, il est vrai, entre les mains des douaniers à l’importation, lorsque la commande électronique est exécutée. Pour le fret postal, tout passe en France par Roissy, par exemple. L’expéditeur – américain, par exemple – déclare la nature du contenant, sa valeur et les frais de port.

Sur cette base, le document d’importation chiffre les droits de douane et la TVA, exigibles lorsque la valeur excède 150 francs. Le douanier peut effectivement vérifier le contenu du paquet. En pratique, la plupart du temps rien ne se passe. Le facteur s’il s’agit d’un envoi postal, délivre le paquet au client sans réclamer le paiement des droits de douane ou de la TVA.

En fait, les douaniers ne peuvent physiquement assumer le traitement des milliers d’envois quotidiens. Un spécialiste de la vente par correspondance estime qu’il existe une chance de contrôle sur dix mille.

A noter que ceci permet de faire via une évasion fiscale une économie substantielle sur ces biens (30 à 40% moins cher via une transaction par internet chez un fournisseur tiers à la communauté.), qui crée une réelle distorsion de concurrence entre les fournisseurs européens et les fournisseurs tiers à la Communauté, à l’avantage de ces derniers, mais également des preneurs qui devraient en théorie être recherché par le Trésor.

En effet, le consommateur est redevable de cette taxe, mais il n’en est pas nécessairement clairement informé par le marchand.

On constate ainsi que ce sont particulièrement les opérations destinées aux non assujettis qui font l’objet d’une dérogation au principe de taxation au lieu de consommation pour les services ou de destination pour les biens. Dans la première hypothèse, l’article 259B concernant les prestations immatérielles prévoit que pour ces opérations, le taux applicable est celui du lieu d’établissement du prestataire.

Ceci peut avoir pour effet, c’est certain, et tout particulièrement dans le domaine du commerce électronique, d’encourager les prestataires qui se destinent à la grande distribution, à s’implanter dans des Etats où les taux pourraient être avantageux.

Alors que le régime des ventes à distance, présente l’intérêt de faire obligation au vendeur d’appliquer le taux de TVA du pays de destination du bien, dès lors qu’il effectue un nombre relativement important d’échange avec cet Etat.

En effet, c’était l’objet même de ce régime, qui en s’adaptant à une structure particulière de commerce « à distance », permet également une adaptation au volume des transactions effectuées dans ce cadre, par la prise en compte du montant du chiffre d’affaire dans la détermination des règles de territorialité.

L’application du régime transitoire de TVA au commerce électronique est donc possible, et même effective. Mais les mécanismes prévus à titre temporaire pour s’adapter au Marché Unique, ainsi que l’absence d’un consensus des Etats membres pour le régime définitif de TVA crée des déséquilibres flagrants au sein même du commerce électronique.

Faute d’une adaptation des mécanismes de taxation à ses spécificités, tant en terme de structure si c’est une vente à distance qui peut en outre être dématérialisée, que de volumes qui ne sont pris en compte à aucun moment dans la taxation des échanges.

C’est pour ces raisons que les évolutions envisagées par la Commission pour adapter le régime transitoire aux opérations de commerce électronique sont à but plus prospectif que d’une impérative nécessité.

En effet, selon la Commission « Bien que les risques pesant sur les recettes soient considérés comme très limités actuellement, la croissance du commerce électronique pose néanmoins des problèmes potentiels à long terme pour les administrations fiscales.

Les systèmes et protocoles dans lesquels le commerce électronique s’inscrit étaient et sont toujours en perpétuelle évolution.

Le risque était bien réel que cette évolution aille dans un sens préjudiciable à l’impôt dès lors que les autorités fiscales ne prenaient pas les devants » « mais les principales difficultés concernent le recouvrement des taxes, compte tenu de la nature de l’Internet, réseau international, décentralisé, mettant en relation sans intermédiaire, y compris pour la livraison de biens « immatériels », tels les logiciels téléchargés, qui rend difficile l’identification des transactions ».

  • Les moyens de transports neufs sont taxables au le lieu d’immatriculation aux termes de l’article 298 sexies du CGI.
  • Mais parmi tous les biens meubles corporels, les articles 258 A I et 258 B I 1° excluent expressément les moyens de transport neufs soumis au régime de l’article 298 sexiès CGI.
  • A contrario, l’Instruction du 31 juillet 1992 exclu expressément l’application de ce régime quand l’acquéreur réalise des opérations ouvrant droit à déduction de TVA. Par ailleurs, dès lors que les opérations d’un acquéreur susceptible d’être un PBRD sont soumises de plein droit ou sur option à la TVA, ce dernier n’est pas soumis à ce régime dérogatoire.
  • Cependant, quand le produit livré à un acquéreur personne physique non-assujetti est un produit soumis à accises, le lieu de livraison se trouve situé en France quel que soit le montant réalisé par le vendeur d’un autre Etat membre.
  • C’est le cas si le montant du seuil fixé par l’Etat de destination n’a pas été atteint au cours de l’année N-1 et si pendant, ni pendant l’année en cours.
  • L’option prend effet au premier jour du mois au cours duquel elle a été exercée. Elle dure alors jusqu’à la fin de l’année civile et couvre également les deux années civiles suivantes. Cette option doit être formulée par écrit et à n’importe quel moment de l’année. Ainsi, si le vendeur opte au milieu du mois de mai, l’option prendra effet rétroactivement au 1er mai.
  • L’Administration précise que l’option doit être exercée pour chaque Etat séparément. Cependant, la Commission des finances de l’Assemblée Nationale avait retenu que l’option était valable pour tous les Etats membres.
  • Pour remplir cette condition, ce seuil doit avoir été dépassé l’année civile précédente où à défaut l’année civile en cours au moment de livraison. Cependant, lorsque le montant de la livraison a pour effet le franchissement du seuil, le lieu de cette livraison n’est pas situé en France. Il en est de même pour les livraisons ultérieures quel qu’en soit le montant
  • Les pays ayant opté pour un seuil de 100 000 euros sont : l’Allemagne, l’Autriche, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume Uni.
  • L’article 3 de la loi du 10 juillet 2000 définit ainsi les ventes aux enchères comme « le fait de proposer, en agissant comme mandataire du propriétaire, un bien aux enchères publiques y compris à distance par voie électronique pour l’adjuger au mieux disant des enchérisseurs constitue une vente aux enchères publiques au sens de la présente loi. Les opérations de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique, se caractérisant par l’absence d’adjudication et d’intervention d’un tiers dans la conclusion de la vente d’un bien entre les parties, ne constituent pas une vente aux enchères publiques. Sont également soumises aux dispositions de la présente loi […], les opérations de courtage aux enchères portant sur des biens culturels réalisées à distance par voie électronique ».
  • Les articles 2 et 15 de la sixième directive prévoient que les exportations de biens sont exonérées de TVA, alors qu’en contrepartie, les importations de biens sont taxées lors du franchissement de la frontière communautaire ou à la sortie d’un régime douanier suspensif.
  • En France, c’est l’article 291 I du CGI qui prévoit que l’introduction en France d’un bien en provenance d’un pays tiers ou assimilé donne lieu à la perception de la TVA par le service des douanes.
  • Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388 en ce qui concerne le régime du droit à déduction de la TVA, COM (1988)377 final.
  • Rapport du Coseil d’Etat , « Internet et les reseaux numériques »,I. FALQUE-PIERREROTIN,1998.
  • Rapport du Comité des Affaires fiscales de l’OCDE : « Conditions Cadres Pour l’Imposition du Commerce Electronique », Ottawa, 8 octobre 1998

La Commission suit également sur ce point la position exprimée par l’OCDE qui considère que « les mécanismes existants de recouvrement de l’impôt qui s’appliquent aux échanges internationaux de biens fonctionnent d’une manière efficace, bien que la nécessité soit admise de poursuivre les efforts pour simplifier et harmoniser ces systèmes afin de faire face à la croissance considérable du volume de ce trafic qui est induite par le commerce électronique ».

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
TVA et e-Services : la taxation des services électroniques
Université 🏫: Université Paris I Panthéon – Sorbonne
Auteur·trice·s 🎓:
Mlle. Sophie Boytchev

Mlle. Sophie Boytchev
Année de soutenance 📅: Année 2002-2003
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