Stratégie de développement, Méthodes d’évaluation hétérodoxes

Stratégie de développement, Méthodes d’évaluation hétérodoxes

CHAPITRE IV

METHODES D’APPLICATION DE LA STRATEGIE

La mise en oeuvre de la stratégie de développement proposée dans cette recherche dépend avant tout de la bonne connaissance du « terrain » puisque, nous l’avons montré, le choix de l’orientation économique des différentes zones constituant un même territoire devra se faire en fonction des potentialités liées aux spécificités (avantages naturels) de ces zones.

Ces choix concernant l’avenir des espaces considérés pourront être influencés par des outils tels que les différents contrats détaillés dans le chapitre précédent. Cependant, soulignons une fois de plus que ces outils, s’ils permettent de faciliter l’organisation, le financement, la mise en oeuvre de l’orientation souhaitée, ne donnent aucune information sur l’efficience de l’orientation elle-même dans sa zone d’application.

En d’autres termes, ces outils rendent accessibles (grâce à un apport financier ou autre) des stratégies qui, rationnellement n’auraient pas été « votées » par les décideurs. Reste néanmoins à ces décideurs à déterminer la plus efficiente des « solutions de développement » désormais à leur disposition.

Etant donc en quelque sorte « assurés » de pouvoir exploiter les richesses naturelles de leurs zones dans les meilleures conditions, le travail des acteurs locaux consistera alors dans un premier temps dans la détermination, la plus précise et détaillée possible, des spécificités intrinsèques de ces zones, avant, dans un deuxième temps, de déterminer le type d’exploitation à y instaurer. Celui qui sera le mieux adapté au site, c’est à dire celui qui permettra de le mettre en valeur, de l’exploiter sans le détériorer.

Nous présenterons donc dans ce dernier chapitre :

D’une part, les multiples méthodes d’évaluation issues des différents courants. Nous verrons que si les problèmes d’évaluation ne concernent pas uniquement les économistes, l’opposition la plus flagrante repose en fait sur la priorité à donner à l’étude : faut-il favoriser le système « coût-avantage », faut-il tenir compte principalement des richesses environnementales du site, ou encore s’appuyer essentiellement sur le goût du consommateur potentiel ?

Outre ces premières comparaisons d’opinions, nous verrons que les démarches évaluatives (même au sein d’une même « famille » de chercheurs) se heurtent à de nombreuses difficultés, imprécisions et approximations, rendant quasiment impossible une éventuelle tentative de formalisation empirique du problème d’évaluation.

Fort des conclusions de cette synthèse préalable, nous proposerons dans une seconde section une méthode plus modeste mais sans doute mieux adaptée au problème qui est le nôtre. A travers un exemple concret effectué sur un territoire de référence (la Corse), nous chercherons à construire un critère de « sensibilité » avant d’évaluer selon ce dernier l’ensemble des « sous-microrégions » constituant l’île.

La logique de spécialisation présentée dans l’ensemble de ce travail sera alors appliquée à notre exemple puisque l’on tentera de déduire du niveau de sensibilité évalué, une orientation économique « préférentielle », touristique ou non, des différentes zones traitées. Il suffira pour cela de proposer pour chaque zone des activités adaptées à son degré de sensibilité.

Section 1.

Evaluation des caractéristiques d’une zone

C’est donc de l’évaluation d’une zone, ou plutôt en évaluant à la fois qualitativement et quantitativement les caractéristiques qui lui sont propres, les spécificités qui la composent, que l’on pourra déterminer son éventuel avenir économique « préférentiel ». C’est à partir de la connaissance de tous ces éléments que l’on envisagera d’aménager le site de telle manière plutôt que de telle autre.

On comprend alors l’importance d’effectuer un bon diagnostique puisque de lui dépendra la décision de protection, d’aménagement, de mise en valeur et peut être même d’une transformation totale de l’organisation du territoire évalué.

Nous dresserons dans cette section un tableau retraçant l’évolution des principes d’évaluation en distinguant les méthodes que l’on qualifiera d’hétérodoxes, des méthodes plus contemporaines essentiellement basées sur l’analyse multicritères.

Enfin, nous parlerons également de procédures peut être moins appliquées actuellement, bien que semblant plus opérationnelles, plus simple d’utilisation, plus faciles à mettre en oeuvre ; elles reposent sur le principe du « flou » que nous étudierons.

1. Méthodes d’évaluation hétérodoxes

« Les techniques d’évaluation du paysage se présentent principalement comme des outils d’aide à la décision. Leur objectif est, en effet, de rendre mesurable et évaluable le paysage afin d’assurer sa prise en compte par les instances administratives » (Facchini, 1994).

Facchini explique que la plupart des méthodes d’évaluation proposées par les écologues et les géographes a pour objectif de donner une échelle de valeur au paysage justement au travers des composantes particulières comme l’architecture que l’on y trouve ou encore la qualité visuelle, les couleurs, afin de faciliter la prise de décision des « aménageurs » du lieu.

Il s’agit d’informer le décideur sur la qualité écologique, esthétique ou visuelle d’un paysage. Ces méthodes n’intègrent pas le paysage dans une logique globale de choix social, ignorant même les préoccupations économiques. Tandis que l’analyse économique peut intégrer le paysage dans une logique sociale globale grâce à l’utilisation de la mesure monétaire.

En raisonnant toujours en termes d’utilité, les méthodes de l’économie chercheront en quelque sorte à déterminer s’il y a ou non-intérêt à protéger le site, s’il y a intérêt ou non à l’aménager de telle ou telle façon. « Elles s’intègrent dans une logique de bien commun et se comprennent dans une logique d’efficacité utilitariste qui calcule pour la société les peines et les plaisirs d’une décision particulière » (Facchini, 1994).

Nous exposerons succinctement dans ce paragraphe les principes d’étude des deux « écoles » d’évaluation en nous inspirant largement de la présentation beaucoup plus complète que fournit Facchini dans son article.

1.1. Les méthodes non économiques

Dans la littérature, ces méthodes d’évaluation non économiques sont classées selon la position philosophique qu’elles adoptent sur la question du rapport de l’homme au réel. Elles seront alors qualifiées d’objectivistes, de subjectivistes ou de phénoménologiques.

1.1.1. Méthodes d’évaluation objectivistes

Le principe de ce genre de méthode est en fait d’évaluer séparément les éléments du paysage, ses composantes, afin d’étudier par la suite la valeur de leur présence et l’intérêt écologique qui en découle, qu’ils impliquent. Il s’agira donc d’estimer la valeur (l’intérêt) de la végétation, de l’altitude, de la faune et de la flore mais aussi de la texture et de la lumière.

L’écologie tient compte de l’importance de ces éléments dans l’équilibre de l’écosystème et de leur rareté. Une deuxième étape de l’analyse consiste alors à évaluer l’écosystème engendré par la présence de ces éléments, sur le plan purement écologique, et de leur « concordance » dans un contexte géographique intégrant cette fois la dimension spatiale plus en rapport direct avec l’individu. « L’écologie met par conséquent un savoir au service de la rationalisation des rapports entre l’homme et la biosphère » (Lamotte, Blandin, 1982).

On peut, sur le plan économique, critiquer cette méthode qui ne tient compte à aucun moment de l’opinion du consommateur, même s’il faut reconnaître qu’elle prend en considération les éléments liés à la relation du bien-être établie entre les habitants d’une région et leur terre, même s’il n’en ont pas toujours conscience du fait de l’aspect quelque peu « non-observable » d’une grande partie de ces éléments. On se doit de considérer ce travail de l’écologie comme une tâche ingrate et pourtant nécessaire à la sauvegarde même du paysage.

Outre ces considérations quasi-partisanes, ce qui nous intéresse particulièrement dans cette vision de l’évaluation, c’est qu’elle rejoint en partie le but que l’on recherche dans cette étude, à savoir : renseigner le décideur.

Les conclusions issues de l’étude écologique du site auront souvent pour conséquence d’influencer le décideur puisqu’il prendra conscience de l’intérêt de conserver et de valoriser les potentialités de son territoire.

Il devra en tenir compte lors de sa prise de décision concernant l’aménagement des différents sites qu’il gère. « L’enjeu actuel n’est pas seulement de promouvoir une exploitation de la production biologique moins génératrice de pollution et mieux adaptée aux nécessaires restrictions d’énergie : c’est tout l’aménagement du territoire qui doit faire l’objet de choix rationnels » (Lamotte et Blandin, 1982).

Toutefois, comme nous le précisions précédemment, l’analyse reposant sur des concepts trop souvent de dimensions invisibles du paysage plutôt que sur des réalités visibles, les méthodes objectivistes ont du mal à se faire une place importante dans les domaines de l’aménagement du territoire. On leur reproche d’autre part d’associer trop rapidement beauté esthétique et équilibre naturel confondant ainsi le paysage et l’environnement. D’autres études tendent d’ailleurs à abandonner l’écologie au profit d’analyses plus portées sur la perception et ses effets.

1.1.2. Les méthodes d’évaluation subjectivistes

Ces méthodes répondent aux critiques faites sur l’évaluation objectiviste puisque d’une part, elles se réfèrent directement aux préférences du consommateur, qui est l’observateur et d’autre part, elles ne considèrent plus séparément les éléments constitutifs du paysage mais mettent l’accent sur « les représentations constituées de tel ou tel environnement ». Elles déterminent ainsi les éléments préférés par les utilisateurs effectifs.

Ces méthodes reposent généralement sur des enquêtes effectuées auprès du public et ce sont les résultats ainsi obtenus qui permettront d’évaluer le paysage.

C’est donc le jugement direct de l’observateur, sa préférence qui est à la base de l’évaluation subjectiviste.

L’enquête est souvent réalisée à partir de diapositives soumises par paire (pour la méthode la plus utilisée) à des individus qui devront noter sur un formulaire celles qu’ils préfèrent. Les chercheurs définiront à partir de là une « grille des préférences individuelles, et leur appartenance à un groupe » puisque l’on tient compte également des particularités des enquêtés, à savoir la profession, l’âge, le sexe, ainsi que la provenance géographique et autres caractéristiques sociologiques et psychologiques.

Les effets de mode sont aussi considérés. On constate alors que l’eau, l’ordre et la diversité sont des caractéristiques sur lesquelles s’appuient les préférences des individus. Ce modèle est dit Psychologique car il suppose que les préférences des individus sont indépendantes des qualités objectives du paysage.

Le modèle psychophysique prend en compte, lui, les rapports entre les faits psychologiques et les faits physiques, c’est à dire qu’il ne fait plus uniquement référence au jugement global de l’observateur, mais tente également de comprendre quel est l’élément (quels sont les éléments) qui a amené ce jugement. Ce modèle utilise soit une méthode intuitive, soit une méthode statistique.

La méthode intuitive.

Appelée également méthode d’appropriation visuelle du paysage, elle consiste à dégager du jugement global de l’individu l’influence qu’a eu (sur ce jugement) la présence ou non de divers éléments visuels constituant le panorama présenté. Ceci afin d’estimer l’importance (pour ne pas dire la valeur) de chacun de ces éléments aussi bien en qualité qu’en quantité.

Ces références sont alors reportées sur un quadrillage cartographique (appelé maille) permettant finalement par simple lecture de la carte d’obtenir une classification des paysages. La méthode intuitive permet ainsi d’objectiver le regard. Facchini souligne toutefois l’aspect arbitraire qu’elle revêt ainsi que sa simple fonction de standardisation.

La méthode d’évaluation statistique.

Cette dernière méthode d’évaluation subjectiviste va plus loin que la méthode intuitive puisqu’elle vise, par l’étude du jugement de l’observateur, à prédire (à en déduire) ces réactions futures face à une évolution du paysage.

On retrouve dans l’analyse pratiquée l’idée de séparation des éléments constituant l’image puisqu’il s’agit une nouvelle fois de déterminer l’influence qu’ils ont pu avoir sur l’opinion finale de l’observateur. Chacune de ces composantes étant susceptible d’exercer une attraction plus ou moins forte sur l’intéressé, il sera alors possible à partir de ces composantes d’évaluer les préférences individuelles en couplant l’analyse des préférences individuelles à l’étude quantitative des composantes du paysage.

La méthode de Briggs et France (1980) (présentée dans l’article de Facchini) comprend deux étapes : L’évaluation de la variable dépendante, la qualité visuelle du paysage et l’évaluation des variables indépendantes, les composantes du paysage.

L’évaluateur réduit tout d’abord le paysage aux composantes mesurables qui le constituent. La mesure quantitative de chacun des éléments utilise un maillage plus ou moins fin à partir de cartes topographiques et de photographies aériennes (pourcentage du sol occupé par la forêt, la broussaille, la prairie, les cultures, les résidences anciennes, nouvelles, les altitudes, etc.).

Ensuite, il définit la variable dépendante en tenant compte si possible des différences de perception selon les différentes couches sociales et en s’attachant à trouver le nombre le plus significatif d’observateurs. Les variables dépendantes et indépendantes ainsi définies, il est possible d’écrire une équation de la forme :

Y = 1X1 + 2X2 + 3X3 + iXi

où Y est la qualité visuelle du paysage, X1, X2,…Xi les composantes du paysage et 1, 2,… i les coefficients de régression. La connaissance de Y et des Xi permet de déterminer les i. L’équation ainsi définie, il suffit de faire varier une des composantes du paysage (X1, X2,…Xi) pour prédire l’effet de cette transformation sur la qualité visuelle du paysage, c’est à dire sur le jugement que portent les observateurs.

Ces méthodes d’évaluations subjectivistes ont le mérite de tenir compte du jugement des observateurs et donc des préférences du consommateur éventuel. Elles ont aussi permis de mettre en évidence l’importance des valeurs visuelles, culturelles, écologiques et fonctionnelles du paysage, remettant par là même en cause l’idée d’une valeur unique (globale).

1.1.3. L’approche phénoménologique

Considérée plus comme une démarche et non plus comme une méthode, l’approche phénoménologique semble issue de la critique des deux précédentes. Sur des bases philosophiques, elle insiste sur les remarques que nous émettions précédemment concernant la méthode écologique, à savoir qu’elle ne prend pas en considération l’avis de l’observateur.

Force est de reconnaître qu’évaluer un paysage sans tenir compte de l’aspect « visuel » qu’il revêt, mais en s’attachant essentiellement aux éléments « originels » permettant de l’obtenir (le paysage), c’est omettre une information pertinente, pour ne pas dire primordiale, pour le décideur aménageur. L’aménagement du territoire se doit d’être relativement adapté à l’aspect esthétique.

D’autre part, l’approche phénoménologique dénonce l’idée trop réductrice de classification des paysages qui ne proviendrait que de l’oeil d’un public peu averti, puisque ignorant souvent les sources et les richesses réelles (mais invisibles) des paysages pourtant jugés. Il s’agit alors pour cette nouvelle approche d’éviter deux genres « D’écueils auxquels s’expose l’analyse du paysage, l’un comme l’autre illustrant à contrario la difficulté de prendre en compte simultanément les deux versants de la réalité paysagique.

Le dilemme n’est résolu qu’en apparence en privilégiant l’une des deux approches, soit écologique, soit humaine, réduisant l’autre à un rôle accessoire » (Phipps, Berdoulay, 1985).

L’analyse tente de pallier les manques respectifs des deux autres méthodes d’évaluation en cherchant à définir objectivement les éléments qui ont une réelle importance dans les représentations des observateurs, ceux qui interviennent dans la formation même du jugement de l’observateur. Le paysage est considéré comme la résultante d’un double processus, un processus matériel qui engendre la forme et s’offre au regard et un processus perceptif qui produit la forme perçue (Facchini 1994).

Nous conclurons tout de même en constatant que si la démarche semble fondée lorsqu’elle affirme que la valeur n’apparaît ni dans le paysage, ni dans le regard du spectateur, mais dans la relation qui unit l’homme à son espace, l’approche phénoménologique n’offre pas vraiment de réel moyen d’évaluer effectivement un paysage et n’apporte au décideur qu’une information difficilement exploitable dans sa prise de décision.

En définitive, ces méthodes d’évaluation non-économiques sont peu utilisées et souvent qualifiées de méthodes triviales et trop onéreuses. On leur reproche également de conclure trop facilement à la nécessité de protéger le paysage étudié.

Peu d’informations concernant l’usage possible du site n’en découlent alors qu’il s’agit généralement de la raison première de la mise en oeuvre de l’étude demandée. Dans cette dernière remarque s’immisce (volontairement) l’impression d’un manque de dimension économique qui conduit à l’emploi de méthodes jugées plus efficaces, en tout cas pour le problème de prise de décision qui est le notre.

1.2. Méthodes d’évaluation en économie

Par souci d’efficacité, les méthodes d’évaluation issues de la science économique ne s’intéressent que modérément à l’utilisation qui pourrait être faite des résultats qu’elles fourniront. La plupart des éléments évalués ou entrant en ligne de compte dans l’évaluation globale sont appréhendés en termes de prix, d’utilité, de préférence, d’intérêt général.

Il est plus aisé d’évaluer les coûts de protection de l’environnement que d’estimer les bénéfices qui en découlent. « Quel est le bénéfice social de la protection d’un paysage lorsque la pression démographique pousse à la densification des constructions, d’un écosystème marin lorsque la demande touristique est forte…, comment évaluer ces bénéfices dans la mesure où aucun de ces actifs naturels ne transite par le marché, n’entre dans aucun système de comptabilité ? » (Desaigues, Point, 1993).

Les méthodes qui suivent cherchent à répondre à cette problématique que Desaigues résume dans la question : Quel niveau de dommages à l’environnement sommes-nous décidés à accepter compte tenu du fait qu’une absence totale de dégradation est techniquement impossible ? Une réponse en termes de coûts et de bénéfices (prenant en compte l’ensemble des bénéfices sociaux) c’est à dire en termes économiques, s’impose.

Précisons que la démarche doit prêter une attention toute particulière à la « demande en environnement » puisqu’elle devra aboutir à une évaluation des retombées qu’engendrerait toute modification du bien-être des individus, qu’ils soient producteurs ou consommateurs, associée à une amélioration ou une détérioration de la qualité des services rendus par les actifs naturels.

Ces derniers font en effet l’objet d’une double demande : en tant que facteurs de production (agricole, piscicole) et en tant qu’éléments de la demande finale (esthétique et autre).

« La demande d’environnement par les producteurs est une demande d’usage. Elle permet d’augmenter quantité et/ou qualité de la production. La demande par les consommateurs peut être une demande d’usage et une demande de non-usage » (Desaigues, Point, 1993).

On comprend alors, que l’évaluation soit largement basée sur l’opinion du consommateur lui-même, et plus particulièrement sur la somme d’argent qu’il est prêt à dépenser pour rendre le paysage plus à son goût ou pourquoi pas, pour le préserver en l’état. On estime, dans la littérature économique, qu’une telle méthode d’évaluation du paysage doit comporter quatre étapes :

  •  Un système de questions et de réponses permettant de mettre en évidence les grilles de perception des individus.
  •  Une estimation des distances que les gens franchissent pour voir un paysage.
  •  Une évaluation économique à partir de l’utilisation du sol.
  •  Une évaluation de ce qu’ils acceptent de payer pour voir le paysage et combien de temps ils voudraient y rester.

A chaque étape correspond logiquement une méthode économique mono-critère sachant que la première étape est réalisable par les techniques « d’objectivisation » des préférences que nous avons déjà traitées plus haut.

A la deuxième étape correspond la méthode des coûts du trajet ou coûts du déplacement, elle fut proposée par Hotteling en 1949. L’idée est très simple : les dépenses engagées par les individus pour se rendre sur un site expriment en quelque sorte leur consentement à payer pour jouir du site.

A la troisième étape correspond la méthode des prix hédonistes : définie par Desaigues (1993) comme l’observation des dépenses effectuées par les individus pour se protéger contre une dégradation de la qualité de l’environnement, ou inversement pour bénéficier d’une meilleure qualité de l’environnement, qui va permettre de construire une fonction de demande de qualité de l’environnement, fort utile pour apprécier les préférences réelles des individus.

A la quatrième étape correspond la méthode d’évaluation contingente. Lorsqu’il n’y a plus de comportement à observer, les économistes ont imaginé cette méthode directe de révélation des préférences qui consiste à interroger une population convenablement définie sur son consentement à payer (ou à recevoir s’il s’agit d’estimer une compensation) pour bénéficier d’une modification de la qualité de l’environnement. Cette méthode est plus récente, mais elle a connu un développement sans précédent ces dix dernières années.

A la différence des autres méthodes, elle permet de prendre en compte les bénéfices d’usage et de non-usage, d’intégrer l’incertitude concernant l’offre et la demande des actifs naturels dans l’estimation des bénéfices. Et surtout, elle est plus aisée à mettre en oeuvre. Il s’agit toutefois d’une méthode aux résultats plus fragiles et dont il ne faut pas sous-estimer les risques d’erreurs.

1.2.1. Méthode du coût du trajet

Cette méthode du coût du trajet ou coût du déplacement vise à évaluer le prix du paysage à partir du comportement effectif (observé) du consommateur.

C’est en fait le prix que l’individu consent à payer pour accéder au paysage qui va permettre de déterminer la valeur de ce dernier. Cela permet donc « de révéler un prix à partir des choix effectués par les consommateurs des services rendus par le paysage » (Facchini, 1994). On pourra ainsi estimer à travers le consentement à payer des utilisateurs, les avantages d’une amélioration sur les sites de loisirs tels que les parcs, les lacs et autre.

Toutefois, il faut remarquer que cette façon d’opérer en observant les quantités de déplacements réalisés par les voyageurs, revient à prendre en compte non seulement le coût du trajet « accepté » par le client, mais aussi le temps qu’il veut bien consacrer à effectuer ce déplacement. De plus le paysage n’est pas forcément le seul déclencheur de la visite, il faudra également tenir compte d’éléments pouvant intervenir dans le choix de ce lieu de villégiature plutôt que de tel autre, comme une activité sportive ou plus généralement de loisirs.

Le prix du paysage n’étant pas exactement équivalent au coût du trajet, il sera nécessaire d’isoler la part qui revient à l’attraction effective du paysage de celle qui revient aux autres services susceptibles d’être rendus sur le site étudié.

L’idée est alors de chercher à déterminer la courbe de demande de paysage qui est une relation entre le nombre de visite (N1) et le prix implicite de cette visite (P1). La quantité de paysage demandée est exprimée en jour de fréquentation, le prix du paysage est calculé à partir du coût du trajet. A un paysage A de qualité Q1 correspond une courbe de demande reliant le taux de fréquentation et le prix du paysage.

Si la qualité du paysage A se dégrade, il y a baisse du taux de fréquentation. La perte de surplus du consommateur mesure le dommage supporté par les promeneurs et la valeur économique accordée à la différence de qualité du paysage A. Si la qualité du paysage A augmente, il y a attraction, à l’inverse, une dégradation provoque logiquement une baisse de la demande (Facchini 1994). La méthode du coût du trajet veut mettre en évidence une relation entre la qualité du paysage et le taux de fréquentation de celui-ci.

Concrètement.

Deux grands types d’information peuvent être obtenus selon que seul un site est observé, ou que tous les sites qui sont des substituts possibles font l’objet d’investigations (Desaigues, Point, 1993).

La majorité des données disponibles concerne un site unique. Dans le cas le moins favorable, on disposera simplement du minimum d’information requis, à savoir l’origine géographique des visiteurs. Parfois, on obtiendra des renseignements relatifs à la fréquence et au mode de fréquentation du site, et sur les caractéristiques socio-économiques des interviewés.

Dans le cadre d’une enquête nationale ou régionale, selon le type de site auquel on s’intéresse, l’analyste va disposer d’informations sur la fréquence de visite des sites par les habitants de la zone. Ce type d’information est évidemment plus coûteux à acquérir.

Desaigues et Point (1993) donnent les détails du modèle (que nous ne développerons pas ici), à travers plusieurs exemples d’application, ils concluent que « En l’état actuel de la théorie économique, il est difficile de maintenir la cohérence de la démarche jusqu’au bout de l’analyse, notamment dans la phase de détermination du nombre annuel de visites. Aucune approche (parmi les variantes de la MCD) ne peut donc être considérée comme totalement satisfaisante ».

Critiques.

Cette méthode, en grande partie fondée sur des constatations, fournit une explication sur les variations observées de la fréquentation. Dans ces conditions, l’information qui parvient au décideur concerne un choix déjà effectué, c’est en fait une information concernant les conséquences de ce choix.

Même si elle permet au décideur d’acquérir une expérience, un apprentissage de ce qu’il faut favoriser ou éviter sur son site (à l’avenir) ; l’information reste incomplète puisqu’elle ne précise pas à partir de quel moment l’action entreprise a provoqué l’attrait ou le désintérêt du consommateur. Or, toute action n’aura pas, pour une intensité équivalente, le même effet sur deux sites distincts. Sur le plan économique, il serait pourtant très intéressant pour un décideur de prévoir la perte réelle de fréquentation correspondant aux différents seuils atteints par une action relativement peu appréciée des visiteurs.

Ainsi, en extrapolant sur un exemple concret, le projet de réalisation d’un lotissement de petites villas qui engendrerait une rentrée d’argent non négligeable sur une commune, provoquera très certainement d’un autre côté une baisse de la fréquentation « de passage » (plutôt tournée sur le paysage) du fait de la dégradation de l’aspect « sauvage ou naturel » du site ; il serait alors intéressant de savoir à partir de quelle quantité de nouvelles villas, la baisse de fréquentation engendre une perte (en rentrée d’argent) supérieure au gain issu des nouvelles installations.

Le calcul d’un seuil de rentabilité d’une action quelconque est primordial avant toute prise de décision.

On reproche également à la méthode des coûts du trajet de ne tenir compte que des visiteurs qui ont pu s’offrir le déplacement en question, elle ne s’interroge pas sur les raisons éventuelles qui ont empêché ou poussé les autres à ne pas l’effectuer. Soulignons de plus que selon la logique mise en place dans l’analyse, la valeur du paysage étant calculée d’après le taux de fréquentation, un paysage non fréquenté devra être considéré comme n’ayant aucune valeur. Commenter cette dernière conclusion paraît tout à fait inutile.

Autre critique opposable à la méthode, l’effet de polarisation va biaiser les résultats puisque le nombre de visiteurs ayant tendance à diminuer avec la distance, il est clair que les paysages proches des grandes métropoles et connus du grand public seront survalorisés ; l’étude des conditions de formation de la demande rendrait l’analyse plus pertinente. « La notoriété n’est pas neutre, elle biaise l’évaluation » (Facchini 1994).

1.2.2. La méthode des prix hédonistes

Au départ, cette méthode semble proche de ce que l’on recherche dans notre étude puisque fondée sur les travaux de Lancaster, elle vise à estimer les demandes individuelles pour les caractéristiques environnementales.

Elle est d’ailleurs utilisée pour l’analyse des composantes physiques de l’environnement. En fin de compte, on s’aperçoit que le calcul de la valeur du paysage repose essentiellement sur le marché immobilier. On considère que parmi les critères intervenant dans l’achat ou la vente de terrains ou d’habitations, figure la qualité du paysage. La beauté du site valorise les biens fonciers.

C’est Ridker qui en 1967 émet l’idée que la variation du prix des habitations selon leur localisation pouvait être utilisée pour estimer la valeur que les individus attribuent à un changement de la qualité de l’air, et pour mesurer les bénéfices des politiques de dépollution de l’air. En 1974, Rosen développe un modèle d’équilibre spatial où le différentiel de prix entre biens à caractéristiques différentes, mais de même type (habitations par exemple), constitue une information sur le prix implicite (ou hédoniste) attribué à cette caractéristique.

« Si l’on arrive à déterminer ce prix, on peut alors mesurer le bénéfice associé à l’accroissement du niveau (ou de la qualité) de la caractéristique pour un bien. Par analogie, lorsque la qualité de l’environnement varie systématiquement dans l’espace, et lorsque les individus préfèrent une meilleure qualité de l’air (ou de l’eau, ou un beau paysage), on peut raisonnablement penser que le prix des habitations sera, toutes choses égales par ailleurs, affecté par le niveau de qualité de l’environnement. L’information est intégrée dans le prix » (Desaigues, Point, 1993).

La méthode comporte plusieurs phases :

  •  Il convient de procéder d’abord à l’estimation du bien immobilier (c’est son prix),
  •  Puis de mesurer les composantes externes qui sont intervenues dans le calcul de ce prix, comme la qualité du paysage environnant.
  •  Enfin, on détermine la fonction de demande. La mise en relation des préférences du consommateur et du prix des biens immobiliers fournit un indicateur.

C’est parce qu’une villa est en bord de mer, et que les individus préfèrent cela, que son prix est élevé. Tout comme un appartement en centre ville est plus cher que ceux situés en périphérie. La qualité du paysage, comme la proximité d’une poste ou d’une mairie interviennent dans la formation du prix d’une résidence. Le modèle de Frankel (1985) peut être appliqué pour évaluer monétairement la qualité de la vue et estimer l’effet du paysage sur le prix du sol. Il permettrait alors de donner à la fois un prix et une mesure quantitative de la qualité du paysage.

Critiques.

Subsistent toutefois des problèmes similaires à ceux rencontrés dans la méthode des coûts du trajet, à savoir que la méthode des prix hédonistes suppose que les ménages perçoivent l’ensemble des caractéristiques liées au site comme la pollution de l’air, de l’eau, ou le paysage. D’autre part, « La consommation du paysage par l’achat d’un terrain ou d’un logement se trouve être à la fois le moyen d’évaluer son prix et le canal par lequel il se trouve dégradé. Sa consommation le valorise et le dégrade. Ainsi, les paysages valorisés économiquement sont dégradés au regard des critères écologiques, géographiques ou esthétiques » (Facchini, 1994).

Ces deux dernières méthodes d’évaluation (coût du trajet et prix hédonistes) tendent à expliquer pourquoi le paysage est « consommé », elles donnent des indications quant aux raisons qui poussent le consommateur à préférer un paysage à un autre, elles ne tiennent pas forcément compte des critères qui n’ont pas de réelle valeur d’usage aux yeux du consommateur.

1.2.3. L’évaluation contingente

Il s’agit d’une méthode qui permet, par interrogation directe des individus, de générer une estimation des mesures compensées de variation du bien-être. Son apparente simplicité, jointe à un approfondissement récent des procédures à respecter pour lui conserver une certaine fiabilité (Mitchell et Carson, 1989), explique son succès parmi les économistes :

« C’est certainement la méthode de valorisation des actifs naturels le plus souvent utilisée ces dernières années car elle permet de mesurer les bénéfices d’usage et de non-usage…Elle permet, de plus, de résoudre les problèmes de valorisation en incertitude et c’est là un grand avantage » (Desaigues, Point, 1993).

Cette méthode est, elle, mieux adaptée à l’évaluation du paysage car elle cherche à déterminer ce que l’individu est prêt à payer pour conserver un paysage qu’il ne consomme pas forcément. Cette capacité de tenir compte des valeurs de non-usage fait d’elle une méthode plus appropriée au but recherché.

Deuxième intérêt, elle permet, contrairement aux précédentes, de prévoir les effets positifs ou négatifs d’une stratégie envisagée par le décideur puisqu’elle est capable d’estimer les préférences du consommateur vis à vis de transformations non encore réalisées du paysage. C’est, rappelons-le, ce qui est recherché par le décideur, à savoir une anticipation des résultantes de telle prise de décision plutôt que telle autre, avant qu’elle ne soit effective.

Mise en oeuvre.

On retrouve dans la mise en oeuvre de cette évaluation, un système de questionnaire présenté aux enquêtés parfois, et notamment dans le cadre de l’évaluation de paysages, accompagnés de photographies.

« Le marché contingent – enquêteur, questionnaire et enquêté – doit refléter du mieux possible un marché réel. Il faut, par exemple, que l’enquêté ait connaissance du bien en question. Si ce bien est une amélioration de la vue du paysage, on pourra montrer à l’enquêté des photographies du paysage avec et sans différents niveaux de pollution » (Pearce, 1989.b).

On demande alors à l’individu questionné combien il est prêt à payer pour conserver le paysage tel qu’il est mais aussi la somme d’argent qu’il consentirait à verser pour l’améliorer. On estime en effet que le consentement à payer varie selon qu’il s’agit d’éviter une perte ou de capter un avantage (Facchini 1994). L’individu dispose alors pour répondre de photographies représentant le paysage avec et sans la transformation envisagée.

La question peu donc aussi bien concerner un projet d’amélioration du site que de dégradation de celui-ci, puisque le prix consenti au maintien du paysage tel qu’il est avant projet peut correspondre au prix de « sauvegarde » du paysage, en d’autres termes à ce que l’enquêté est prêt à payer pour que le projet soit rejeté.

Quatre exemples de questions :

1).« Supposons que la qualité d’un service fourni par un actif naturel soit améliorée. Quelle somme maximale accepteriez-vous de payer pour bénéficier de cette amélioration ? » (mesure compensatrice de la variation du bien-être).

2).« Supposons que le gouvernement renonce à améliorer la qualité d’un service fourni par l’actif naturel. Quelle est la compensation minimale que vous désireriez recevoir pour que votre satisfaction soit équivalente à une augmentation de la qualité de ce service ? » (mesure équivalente de la variation du bien-être).

3).« Supposons que la fourniture d’un service par un actif naturel diminue en qualité. Quelle somme minimale désireriez-vous recevoir pour que votre niveau de bien-être soit maintenu ? » (mesure compensatrice de la variation du bien-être).

4).« Supposons que vous soyez confronté à une dégradation potentielle de la qualité de l’environnement. Quelle somme maximale accepteriez-vous de payer pour éviter cette dégradation ? » (mesure équivalente de la variation du bien-être).

Desaigues précise que la population interrogée doit être définie en fonction du type de valeur que l’on cherche à calculer :

  •  Valeur d’usage, il s’agira alors de la population directement concernée.
  •  Valeur de non-usage, dans ce cas on cherchera à définir une valeur d’existence par interrogation d’une population plus large, ne bénéficiant pas directement de l’actif naturel en question.

De la population concernée, on extraira un échantillon représentatif qui sera interrogé. Le choix de cet échantillon est un élément important de l’exercice puisque les résultats obtenus serviront à extrapoler les bénéfices totaux associés par une population à une politique. La plupart des évaluations contingentes complètent le questionnaire par des questions socio-économiques (âge, sexe, revenus).

Le consentement à payer moyen obtenu à partir de l’échantillon est alors multiplié par la population totale concernée pour obtenir le bénéfice total associé à l’offre d’un actif naturel. Cette valeur sera ensuite intégrée dans l’analyse coût-bénéfice et contribuera au choix du décideur.

Desaigues et Lesgards (1992) résument ainsi l’intérêt de la méthode :

« Une méthode d’élicitation des préférences lorsque le comportement des individus ne peut être observé sur un marché. Elle permet par l’intermédiaire d’un questionnaire direct de générer une estimation des mesures compensées de variation du bien-être ».

L’approche permet effectivement de connaître l’estimation personnelle de la valeur d’un bien en fonction d’un marché hypothétique afin d’obtenir une évaluation ex ante de l’impact d’une politique. La méthode a déjà été appliquée à plusieurs reprises, Facchini donne l’exemple de l’étude de l’implantation d’une centrale électrique près du lac Powel aux Etats-Unis.

L’enquêteur lance un système d’enchères en proposant un prix de départ, un processus itératif s’engage, jusqu’à ce que l’enquêté réponde qu’il ne mettrait pas un dollar de plus pour éviter ou atténuer le projet de construction de la centrale. Le processus inverse est appliqué afin de définir le consentement à accepter la dégradation du site. L’évaluation porte sur l’impact visuel de la centrale et la perte de visibilité due à la fumée. De même, l’évaluation de la qualité de la vue a fait l’objet d’étude.

Critiques.

Même si, encore une fois, elle semble la mieux adaptée à l’évaluation de paysages, la méthode d’évaluation contingente reste aujourd’hui très critiquée, surtout dans sa mise en oeuvre.

On lui découvre de nombreux éléments et phénomènes venant biaiser les résultats qu’elle génère. Les principales critiques se fondent sur l’ignorance relative des individus interrogés ; ils n’ont pas l’habitude d’évaluer des biens non marchands, et leur sincérité peut être mise en doute (il peut y avoir ce que l’on appelle des comportements stratégiques).

On estime également que la proposition d’un prix de départ émise par l’enquêteur pour lancer les enchères est susceptible de biaiser l’estimation du sondé. Enfin, la critique la plus virulente concerne le « prix » obtenu par un processus d’interaction ou de tâtonnement qualifié pour cette raison de prix fictif par les économistes qui estiment que le prix est un point de départ qui informe sur le pouvoir économique (réel) des agents, il n’est donc pas par nature une variable stratégique.

« Le prix fictif définit sur les pseudo-marchés des évaluateurs mime le marché mais ne possède aucun contenu économique. Il est affecté par les asymétries d’information qui existent entre l’Etat, les producteurs et les consommateurs et laisse l’offre et la demande indépendantes…Le prix fictif usurpe son nom, il n’est qu’un indicateur monétaire. L’enquête ou le questionnaire n’aura jamais le caractère systémique et les qualités informatives du processus de marché car la concurrence ne s’y exerce pas. Il existe de sérieuses réserves sur la pertinence économique de la méthode d’évaluation contingente » (Facchini, 1994).

Il faut ajouter à ses critiques celles que nous relations dans les présentations de méthodes non économiques concernant l’évaluation à partir de photographies ne reflétant ni les éléments écologiques présents mais invisibles dans le paysage ni les formes réelles du terrain (absence de relief).

Rappelons tout de même que si les méthodes du coût du trajet et des prix hédonistes renseignent le décideur sur les comportements individuels relatifs aux décisions prises, l’évaluation contingente permet d’anticiper les réactions des consommateurs et peut donc être considérée comme une méthode d’aide à la décision.

Ce que l’on constate en analysant ces différentes méthodes, qu’elles soient ou non issues de l’analyse économique, c’est que la difficulté principale qu’elles rencontrent, et qui est aussi la difficulté qui amène le décideur à avoir recours à ces méthodes, vient du fait qu’elles tentent de quantifier des notions qui d’une manière ou d’une autre ne sont pas quantifiables et ne le seront sans doute jamais ; c’est le cas de la beauté du paysage, de l’esthétique ou du pittoresque.

Certes, il semblait nécessaire de présenter ces outils pour être le plus complet possible au vu de l’importance capitale que revêt l’évaluation des zones dans notre stratégie de développement, mais nous considérons que, les caractéristiques constituant les zones étant en grande majorité des caractéristiques non quantifiables, les systèmes d’évaluation proposés jusqu’ici seront très (trop) lourds à appliquer et ne donneront pas forcément des résultats utilisables pour la prise de décision concernant l’orientation économique à donner à la zone ainsi « évaluée ».

Il nous semble au contraire que cette étape, même si elle est sans aucun doute l’une des phases les plus importantes de l’application de la spécialisation par zone puisqu’elle conditionne le choix même de la spécialisation, ne doit pas forcément être la plus « formalisée », la plus « mécanique ». Ce qui est essentielle pour le décideur, c’est de ne pas commettre de grossière erreur. Il doit, après étude du terrain, savoir ce qu’il ne doit surtout pas faire, ce qu’il peut faire (à coup sûr), et surtout à quel endroit il serait préférable de le faire.

A ce genre de questions, on ne répond pas nécessairement par des chiffres. De plus, l’évaluation de biens peut aussi bien se faire de manière verbale, souvent plus accessible aux consommateurs que les méthodes chiffrées.

Certaines notions (principalement des notions qualitatives), sont difficiles à évaluer dès lors qu’elles ne sont pas « naturellement » quantifiables. On s’aperçoit que même si le décideur dispose de multiples méthodes issues des différents courants plus ou moins scientifiques (écologie, géologie, économie, etc.), ces méthodes sont trop souvent axées sur l’intérêt particulier qui est justement au centre de leurs préoccupations.

Pour être plus clair, et pour illustrer cette réflexion, on se rend compte par exemple que la méthode objectiviste dont la principale préoccupation est la sauvegarde de l’écosystème, aura plutôt tendance à faire ressortir dans ses résultats l’intérêt écologique de la zone évaluée parfois (on serait tenté de dire forcément) au détriment de l’intérêt financier et parfois même au détriment de la préférence du consommateur. La critique est transposable aux méthodes de l’économie qui, souvent, tiennent compte de l’intérêt financier sans se soucier (ou pas assez) de la protection des ressources naturelles.

Au début des années 70, une approche novatrice des problèmes d’évaluation a suscité beaucoup d’intérêt : L’analyse multicritère. Prenant ces distances avec la vision optimisante de la recherche opérationnelle, elle propose des concepts simples pour aider à prendre une bonne décision. Sur le terrain des applications, la souplesse de ses méthodes lui confère une supériorité incontestable par rapport aux analyses coûts-avantages.

En trente années d’existence, l’analyse multicritère a beaucoup évoluée (Fustier, 2000). L’exposé de cette évolution permet de mieux cerner les difficultés et les tentatives de résolutions qui ont vu le jour tout au long de l’histoire de ce que l’on appelle aujourd’hui l’Aide Multicritère à la Décision.

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