Migration, microfinance et développement, perspectives alliance

Conclusion et perspectives

I – Migration, microfinance et développement : quelles perspectives d’alliance ?

Dans ce débat qui rassemble le triptyque migration, microfinance et développement, il est important d’éclaircir les rôles, intérêts et stratégies d’acteurs de chacun. Entre les migrants qui apportent indéniablement une aide à leur famille et le développement que les gouvernements et les organismes internationaux aimeraient leur voir endosser, il subsiste un fossé important.

Les gouvernements, en voulant transformer la migration en développement semblent oublier que la migration porte, avant tout, les symptômes d’une économie en crise. Depuis la signature de l’ALENA, les mouvements de populations vers le « nord » se sont fortement accrus, signe d’un déséquilibre entre les deux pays. Les remesas constituent un palliatif important à la pauvreté et la vulnérabilité de milliers de familles.

Là où l’Etat déserte, la migration devient parfois l’unique alternative. Entre un pays « développé » qui profite d’une main d’œuvre bon marché et un pays « en développement » qui n’a d’autre choix que de proposer sa force de travail, subsiste une certaine hypocrisie des discours. Conscient de cette réalité, l’Amucss cherche sa place dans cette « arène ». En devenant un débat d’enjeu national voire international, les bailleurs de fond ont alloué de nombreuses aides à cette question. L’Amucss, en tant qu’ONG dépendante des subventions, a donc en partie, orienté ses recherches et ses actions. Aujourd’hui, l’Amucss continue de mener des recherches sur le sujet.

L’étude anthropologique, à la base de ce mémoire en est une manifestation. Ces recherches ont pour but de se positionner dans le débat actuel. Celui-ci oriente ses questions autour des portées d’une migration collective qui impulserait un développement communautaire ; de la conversion des remesas en investissement dans des projets productifs ; et du rôle de la microfinance au sein des communautés transnationales.

Pour apporter des éléments de réponses à ces questions, nous reviendrons sur l’analyse du terrain. Pour que ces envois se transforment en développement local, il est nécessaire de mutualiser les ressources. Pourtant, croire que la migration est capable de créer cette communion serait oublier que la migration est, avant tout, un projet individuel.

Le migrant porte clairement en lui, une fonction d’assurance qui explique que la plupart des remesas sont utilisées dans la consommation courante, la santé, l’éducation et l’habitat. Cette observation nous amène directement à la conclusion que les remesas ne se destinent pas à l’investissement. Les contextes économiques de chacune des communautés montre les difficultés auxquels les migrants doivent faire face avant de s’imaginer entrepreneur.

Concernant le rôle de l’IMF, face aux problématiques liées à l’investissement, la portée de l’IMF ne semble pas en mesure d’apporter les réponses nécessaires. La bancarisation des remesas a motivé les acteurs de la microfinance à s’interposer entre le migrant et sa famille, au nom d’une redistribution des richesses impulsée par l’IMF, pourtant cet enchaînement peine à être effectif.

De plus, au delà des contraintes structurelles de la communauté qui freinent un développement local conséquent, les produits financiers qu’elles proposent sont souvent mal adaptés a l’investissement productif de long terme.

1 – Migration et développement local : paradoxe des discours et des pratiques

1.1 – L’hypocrisie d’un modèle de développement basé sur les remesas : le cas du Mexique

Le modèle de développement mexicain s’appuie fortement sur les transferts d’argent. Au niveau macroéconomique, « les remesas (troisième ressource du pays) représentent la source de devises à la croissance la plus constante, d’autant plus que les autres voies de financement externes, comme les investissements étrangers directs ou les exportations des produits manufacturés, sont en perdition. » (Wise, Covarrubias, Longoria, 2006, p. 126) Le modèle néolibéral mexicain, qui a réellement débuté lors de la signature de l’ALENA en 1992, a été le déclencheur d’une augmentation de la migration.

Bien que cet accord était censé représenter un schéma de coopération binational, comme le prévoit le texte officiel, il a, en fait, joué un indiscutable rôle de catalyseur des flux migratoires. L’ouverture de ce « marché » binational a surtout permis aux Etats-Unis de s’approvisionner en main d’œuvre bon marché auprès des travailleurs mexicains. « Depuis l’application de l’ALENA, la fabrique de migrants a exporté quasi 4 millions de mexicains aux Etats-Unis, et, à la fin du mandat de Vicente Fox (2006) ce chiffre s’estime à 7 millions. » (ibid., p. 126) Le système étasunien dispose ainsi d’une réserve de travailleurs dont le système d’exploitation permet une grande flexibilité grâce à la précarité dans laquelle se trouvent les migrants.

Au Mexique, les migrants supportent les défaillances du système économique de leur pays d’origine et permettent de conserver une certaine stabilité sociale en atténuant la pauvreté et la marginalisation de milliers de familles. La migration se place en valve d’échappement face aux limites des marchés économiques locaux, régionaux et nationaux.

Ce modèle, qui incombe aux migrants la charge (inavouée) de maintenir l’économie du pays, constitue « une perversion de la notion de développement, sans perspective de future. » (ibid, p.128) Perverse car ce modèle est un cercle vicieux. La migration entraine un afflux de remesas qui, d’un côté, assure une certaine stabilité économique, mais, de l’autre maintient un état de sous-développement. L’asymétrie entre les deux pays s’accroit, ce qui entraine plus de migration et une dépendance accrue envers les remesas.

En étant conscient de cet enchaînement, il devient très paradoxal de vouloir, ou de croire, que les migrants peuvent se transformer en acteur du développement local. Certes les migrants jouent incontestablement un rôle économique à un niveau local et familial.

D’après une étude faite par Rodriguez (2005), sans l’influence des remesas, le nombre de foyers en situation de pauvreté, augmenterait de plus de 220 mille. Cela montre bien le caractère palliatif des remesas pour amoindrir les conditions de pauvreté, sans que l’Etat n’ait à intervenir. (ibid, p.128) Mais ces envois d’argent ne peuvent se placer en solutions de fond pour éradiquer ou combattre la pauvreté.

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