Les contraintes financières imposées à la microfinance

2.3- Les contraintes financières imposées à la microfinance comme limites au rôle de l’IMF

La contestable retombée de la bancarisation des remesas

Le débat qui relie les remesas à la microfinance se centralise essentiellement autour du rôle de transferts de fonds. Il est vrai que cette étape est capitale pour permettre aux familles de toucher leur argent de manière plus directe et à moindre coût.

Cela permet également de favoriser un rapprochement de la population envers les services financiers que propose l’institution et peut engager un processus de bancarisation positif pour la communauté. C’est une vision à moyen voir à long terme, car cet enchaînement n’est pas immédiat. L’exemple de la communauté de Totolapa est significatif.

La microbanque joue essentiellement un rôle de caisse de dépôt pour la population. Elle dispose d’une grande liquidité grâce à l’argent des émigrés, déposé jusqu’à leur retour. L’agence pourrait donc offrir de nombreux crédits. Pourtant en quatre ans une trentaine de crédits ont été accordés et principalement destinés à la consommation et la construction de maisons.

Bien qu’elle en ait les moyens financiers, l’institution de microfinance IMF n’a pas octroyé d’avantage de prêts. Dans ce cas, l’argent de la communauté a bien été capté par l’IMF et une part importante est bancarisée, mais le processus qui consiste à réinjecter cet argent sous forme de crédit n’a pas été fait.

Dans ce constat les responsabilités sont partagées. L’investissement productif est complexe dans sa concrétisation et dans sa réussite. L’IMF seule, n’est pas assez « armée » pour se positionner en acteur de développement ou même en acteur financier capable d’impulser ce genre de dynamique.

L’observation nous montre également que l’IMF a du mal à se positionner comme un acteur actif dans cette problématique. Les employés des microbanques ne sont pas formés pour l’accompagnement et le conseil en investissement, ce qui limite fortement le rôle que peut jouer une institution de microfinance IMF et qui lui permettrait de passer de l’acteur financier à un acteur du développement.

Dans les pays occidentaux, les banques sont les acteurs principaux de l’investissement. Elles en sont les piliers et les organes vitaux, car ce sont elles qui détiennent l’argent nécessaire et qui se trouvent dans la possibilité de le réinvestir sous forme de prêts.

Les contraintes financières imposées à la microfinance

C’est pour jouer ce rôle que les défenseurs de la microfinance ont plaidé pour une bancarisation des remesas. Mais, l’investissement du capital du migrant est confronté à un ensemble de difficultés.

Ces difficultés se cristallisent autour de la faiblesse des opportunités d’investissement, du manque de connaissance et de savoir-faire des migrants pour la création de nouvelles activités productives et, au niveau de l’IMF, de son action essentiellement tournée vers le court terme.

Le court terme, vision privilégiée et contrainte de l’IMF

A ses débuts la microfinance, à travers le microcrédit a laissé entendre que l’octroi de prêts, était un moyen de favoriser l’entreprenariat individuel.

Cette idée répond à « la croyance forte que l’élimination de la pauvreté a pour condition l’accès à la production indépendante, à défaut de travail salarié. » (Servet, 2006, p.441) Si tel était le cas, le capital accumulé par les familles transnationales aurait été directement investi. La question de l’investissement révèle donc d’autres problématiques inhérentes aux contraintes des communautés et qui limite forcément l’action de l’institution de microfinance IMF.

L’IMF s’inscrit dans un « rapport temporel, celui de l’horizon des opérations économiques ». (SERVET, 1996, p52) Pour pallier au manque de garanties des populations auxquelles elles s’adressent, l’IMF est contrainte de ne proposer que des crédits de montant faible ou moyen.

Ceci explique que « l’horizon des opérations financières soit rapproché et que le crédit à court terme soit la norme, les prêts à moyen et long terme l’exception ». (SERVET, 1996) L’IMF se place donc essentiellement en acteur « tampon » qui agit sur les faiblesses économiques familiales temporaires (même si celles-ci sont récurrentes et/ou quasi omniprésentes).

Dans le cas de San Agustín Loxicha, les crédits octroyés se destinent principalement aux producteurs de café qui se trouvent dans l’impossibilité d’attendre la prochaine récolte, ou, aux foyers qui, pour des besoins précis de consommation, optent pour le microcrédit. L’IMF ne propose pas de solution d’investissement qui exigerait une planification sur le long terme.

Par le montant de ces crédits, elle se limite à une action nécessaire et un impact immédiat mais qui ne propose pas de réels changements dans la durée. Ce positionnement entraîne ainsi maintien des activités traditionnelles déjà en place mais sans donner la possibilité aux agriculteurs ni de rénover leurs plantations ni de créer de nouvelles activités.

A Totolapa, l’agriculture est devenue pour une grande majorité une ressource complémentaire des remesas. Les agriculteurs qui ne vivent que de leur terre se retrouvent face à d’importantes difficultés financières. Des prêts pourraient aider nombre d’entre eux à investir dans des cultures plus rentables, mais ceci imposerait à l’IMF de proposer des crédits en conséquence et de partager le risque avec l’agriculteur.

Le court terme ne peut répondre que partiellement aux questions de développement dans ces communautés. La migration est la réponse de ces populations face à l’impasse économique dans laquelle elles se trouvent. Les problèmes structurels exigent des opérations plus importantes en terme de coût et de moyens qu’une IMF ne peut supporter.

Face à cette situation, la population ne peut que réagir partiellement. La migration, qui a une action localement très ciblée puisqu’elle concerne essentiellement la famille du migrant, joue ce rôle de palliatif. L’institution de microfinance IMF, en zone rurale et marginalisée comme à San Agustín Loxicha, intervient elle aussi individuellement sur la population et de manière ponctuelle.

Pour impulser un développement durable dans ces communautés, que ce soit en permettant aux paysans de vivre correctement de leur terre, ou pour des familles transnationales de réduire leur dépendance à la migration, le développement doit être pensé de manière globale et à long terme.

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