Business modèle du logiciel libre

Chapitre III – Business modèle du logiciel libre

Eric Raymond39, un auteur phare du mouvement du logiciel libre, a écrit quelques essais (disponibles sur Internet) afin d’expliquer le phénomène et les avantages des logiciels libres. Dans une intention de meilleure intégration du contexte, vous trouverez ci-dessous un résumé de l’un de ces ouvrages (Le chaudron magique40) qui pose la problématique de l’ouverture du code du programme.

Il s’agit en fait d’une façon détournée de montrer l’intérêt que les entreprises pourraient en retirer. M. Raymond insiste aussi sur les différents modèles économiques pour lesquels il propose des exemples au travers d’entreprises ayant ouvert leur code et ayant opté pour le « bon choix ».

Section I

Les modèles économiques financés par la valeur d’utilisation

Il est nécessaire de remarquer (dans la distinction entre la valeur d’utilisation et le prix d’acquisition) la menace planant sur le prix d’acquisition par l’ouverture des sources. Par contre, la valeur d’utilisation demeure identique. Si la valeur d’utilisation pilote le développement de logiciels plus que le prix d’acquisition, et si le développement à sources ouvertes est effectivement plus efficace et plus direct que le développement à sources fermées, alors nous devons nous attendre à découvrir des circonstances pour lesquelles la valeur d’utilisation attendue finance seule le développement à sources ouvertes de manière durable.

Grâce à cela, nous pouvons identifier au moins deux modèles importants où seule la valeur d’utilisation finance les salaires des développeurs à plein temps sur des projets à sources ouvertes.

I-Les modèles exploitant une valeur d’acquisition indirecte

Il existe deux manières de gagner des marchés de services liés au logiciel qui capturent ce qu’on pourrait appeler une valeur d’acquisition indirecte. Dans ce domaine, nous pouvons dénombrer cinq modèles connus et deux modèles pressentis (Note: d’autres pourront être développés à l’avenir).

A – Vendre à perte pour se positionner sur un marché

Dans ce modèle, des logiciels aux sources ouvertes sont utilisés pour créer ou pour maintenir une position stable dans un marché où un logiciel propriétaire engendre un flux financier direct. Dans la variante la plus fréquente, le logiciel client, aux sources ouvertes, favorise la vente d’un logiciel serveur ou des revenus pour les inscriptions et la publicité associée à un site portail.

Commentaire

en ouvrant le code source de leur navigateur, qui remportait encore les faveurs de beaucoup, la société Netscape a soudainement ôté à Microsoft la possibilité de contrôler entièrement le marché des navigateurs. Netscape s’attendait à une collaboration dans le cadre d’un projet de développement aux sources ouvertes (« Mozilla ») qui accélérerait la mise au point et le « débuggage » de leur navigateur. De plus, il espéraient que l’IE (Internet Explorer) de Microsoft serait réduit à les suivre à la trace, définitivement empêché de redéfinir seul la norme HTML.

Cette stratégie a fonctionné. En novembre 1998, la société Netscape commença à reprendre des parts de marché à IE. Quand, au début de l’année 1999, la société AOL a racheté Netscape, l’avantage sur la concurrence conféré par le projet Mozilla était si évident que l’un des premiers engagements publics d’AOL fut de continuer à encourager le projet Mozilla, bien qu’il en soit encore au stade alpha.

B – Gel des gadgets

Ce modèle concerne les fabricants de matériel. Dans ce contexte, nous entendrons par matériel toute l’électronique, des cartes Ethernet ou autres cartes périphériques aux systèmes informatiques complets. Les pressions du marché ont forcé les sociétés de matériel à écrire et à maintenir du logiciel (des pilotes de périphériques aux systèmes d’exploitation complets en passant par les outils de configuration). Toutefois, le logiciel n’est pas réellement source de bénéfices. Il s’agit d’un surcoût rarement négligeable. L’effet à long terme de l’ouverture des sources est particulièrement important dans le cadre du « gel des gadgets ».

Une assistance technique est produite et fournie pour les produits matériels durant une période finie après laquelle les consommateurs sont livrés à eux-mêmes. Mais, s’ils ont accès au code-source du pilote et s’ils peuvent le corriger selon leurs besoins, il est envisageable qu’ils seront heureux de choisir la même société pour leurs futurs achats. Un exemple marquant du gel des gadgets fut la décision de la société Apple Computer, mi-mars 1999, d’ouvrir les sources de Darwin, le coeur de leur système d’exploitation MacOS X.

C – Donner la recette et ouvrir un restaurant

Dans ce modèle, les sources d’un logiciel sont ouvertes pour permettre l’ouverture d’un marché, non pas pour un logiciel fermé mais bien pour des services. Il s’agit de la démarche de la société Red Hat et d’autres distributions GNU/Linux.

Ils ne vendent pas le logiciel (les bits) lui-même, mais bien la valeur ajoutée par l’assemblage, les tests d’un système d’exploitation garanti (ne serait-ce qu’implicitement) comme étant de qualité commerciale et compatible avec d’autres systèmes d’exploitation portant la même marque.

D’autres éléments de leur proposition permettent une assistance technique gratuite à l’installation et la fourniture d’options pour des contrats d’assistance étendus. Un cas de figure récent et très instructif fut celui de Digital Créations, société de conception de sites Web créée en 1998 et spécialisée dans les bases de données complexes et les sites de transactions.

Leur outil principal est un logiciel de publication objet désormais appelé Zope qui a connu différents noms de par le passé. Un autre exemple est celui de la société E-smith, Inc qui vend des contrats d’assistance technique pour un logiciel serveur clef en main pour Internet à source ouverte, un GNU/Linux personnalisé.

L’une des responsables, décrivant la masse de téléchargements de leur logiciel sur leur site, déclare « La plupart des sociétés parleraient de piratage de logiciel. Nous considérons qu’il s’agit de libre marketing.»

Business modèle du logiciel libreD – Accessoires

Dans ce modèle, des accessoires pour du logiciel Open Source sont vendus couvrant toute la gamme, des objets (comme les tasses et les t-shirts) aux documentations éditées et produites par des professionnels. La firme O’Reilly & Associates, éditrice de nombreux ouvrages de référence sur le logiciel Open Source, fournit un bon exemple de société en accessoires.

En réalité, la société O’Reilly emploie et assiste financièrement des hackers bien connus dans le monde de l’Open Source (comme Larry Wall et Brian Behlendorf) afin de se construire une réputation dans le marché qu’elle s’est choisi.

E – Libérer l’avenir, vendre le présent

Dans ce modèle, le logiciel est publié sous forme de binaires et les sources sous une licence fermée avec une date limite à laquelle les restrictions prendront fin. Vous pouvez, par exemple, écrire une licence autorisant la libre redistribution, interdisant l’utilisation dans un but commercial sans acquittement d’obole, et garantissant que le logiciel sera diffusé selon les termes de la GPL un an après sa sortie ou en cas de banqueroute du vendeur.

Le principal inconvénient de ce modèle est que les restrictions et le caractère fermé des premières versions de la licence ont tendance à inhiber la revue par les pairs et la participation aux premiers stades du cycle du produit, là où précisément ils sont le plus requis.

F- Libérer le logiciel, vendre la marque

Un modèle économique encore à l’état de théorie. Les sources d’une gamme de logiciels sont ouvertes, une batterie de tests ou un ensemble de critères de compatibilité sont mis en place, et une marque certifiant que leur implémentation de ces techniques est compatible avec tous ceux qui font état de cette même marque est vendue aux utilisateurs. (Voici la manière dont la société Sun Microsystems devrait gérer Java et Jini)

G – Libérer le logiciel, vendre le contenu

Un modèle économique théorique. Imaginez un service d’inscription dans le style d’un centre d’informations. La valeur ne réside ni dans le logiciel client ni dans le serveur, mais bien dans la fourniture d’une information fiable et objective. Ainsi, le logiciel est libéré et des inscriptions au contenu sont vendues.

39 : http://plavg.eu.org/doc/comparaison-libre-propriétaire.pdf.

40 : http://www.linux-france.org/article/thèse/magic-cauldram/magic-cauldram-r-

Dans la continuité du travail des hackers pour assurer le portage vers de nouvelles plates-formes et pour améliorer le logiciel de diverses manières, votre marché se développera en conséquence. (Voilà la raison pour laquelle la société AOL devrait libérer les sources de son logiciel client)

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